« LES HUGOBJETS » : le poète, la gloire et les produits dérivés

Carte publicitaire pour la Phosphatine Fallières/Coll MVH

Victor Hugo – le poète, l’écrivain, l’homme engagé – connut de son vivant la gloire et une adulation inouïe. Or l’une et l’autre ne vont pas sans marchandisation, avec son lot d’effigies et autres  » produits dérivés ». En témoignent les quelque 500 objets réunis pour cette exposition Les Hugobjets à La Maison de Victor Hugo à Paris. Inattendus, émouvants ou divertissants, il y en a pour tous les moments de la vie quotidienne. A voir jusqu’au 28 août 2011. 

« On m’a distribué, en passant sur le boulevard, l’adresse, sur une carte, d’un magasin de machines à coudre, Bienaimé et Cie, Boulevard Magenta, 46. Derrière la carte il y a mon portrait », écrit Victor Hugo, dans Choses Vues à la date du 18 octobre 1870.

Cette carte n’est que la première d’une très longue série. Chocolatiers, torréfacteurs, fabricants de bouillon et même pétroliers – on peut voir le petit livret édité par Total – feront de l’effigie du grand homme sinon une référence de qualité pour leurs produits, un « plus vendeur »… On n’ose prononcer le mot marketing, mais c’est bien de cela qu’il s’agit.

L’image consacrée, qui passera à la postérité c’est d’abord celle de Pierre Petit, avec la photographie reproduite en 1869 dans la presse représentant Hugo avec sa barbe blanche et ses cheveux courts. A laquelle viendront se substituer les photos de Carjat, puis celle prise par Nadar en 1878 et enfin, le fameux portrait peint par Léon Bonnat en 1879.

Les portraits de Carjat, Nadar et Bonnat / montage photos DB

De la carte postale à l’assiette, au verre et à la bouteille, il n’y a qu’un pas… La série des « Contemporains dans leur assiette », commencée avec Hugo a obtenu une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1878 !

D’ailleurs c’est avec l’assiette qu’a commencé l’histoire de ces objets, de ce « musée populaire » entré dans les collections de la Maison de Victor Hugo, grâce au don de celui qui en avait été « l’infatigable rassembleur », Paul Beuve. Ce modeste employé de bureau, rentrant chez lui après les grandioses obsèques de Victor Hugo, achète chez un brocanteur une assiette à l’effigie du grand homme.

Photo DB

Sans le savoir, il vient de mettre le doigt dans l’engrenage d’une passion qui va le conduire à amasser des milliers d’objets à la gloire du poète disparu. « De la tête de pipe à la bouteille, de la plume à l’encrier, de la médaille à la plaque de cheminée (ou aux chenets), du prospectus à la chanson populaire, du bronze au savon, l’image du génie, du père de la République et du grand-père idéal se décline, se dérive, foisonne », écrit Vincent Gille, co-commissaire de l’exposition.

Dix ans plus tard, la collection de Beuve comprend 4000 pièces et le double en 1902, année du centenaire de la naissance du grand homme. Une collection qui va trouver sa place à la Maison-Musée de Victor Hugo fondée l’année suivante par Paul Meurice, ainsi qu’à Besançon, la ville natale de Victor Hugo.

Photo DB

On mange et boit avec Hugo, on fume, on écrit, on lit,  joue, chante, s’habille et même se meuble … Les objets sont en effet déclinés dans leur lien avec les activités du quotidien. Ce parcours de l’exposition reprend en fait les catégories selon lesquelles le collectionneur avait organisé les trésors de son « musée populaire », un peu à l’image des rayons des grands magasins. Et, paraphrasant le slogan publicitaire de l’un d’entre eux, aujourd’hui fermé, on peut dire qu’on trouve vraiment tout au bazar hugolien ! D’autant qu’il n’a cessé de s’enrichir  au XXe siècle  – tiens on l’avait oublié ce billet de Cinq Nouveaux Francs à l’effigie du patriarche – et au XXIe notamment avec la célébration du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo.

A côté des objets et documents qui célèbrent le Hugo officiel – la couronne de lauriers qui lui est dédiée par l’Union des travailleurs de Constantine en Algérie, témoignage à la fois du caractère populaire de sa gloire et de l’histoire coloniale -, l’exposition nous met aussi en contact avec d’autres pièces plus intimes, conservés par Victor Hugo lui-même, ou par la « première hugolâtre », Juliette Drouet. C’est avec un certain attendrissement qu’on se penche sur les chaussures de Jeanne – la petite-fille – et la cuillère qui a servi à la nourrir durant sa maladie lors du siège de Paris en 1871… Des objets qui évoquent le Victor Hugo de L’Art d’être grand-père

Les funérailles / Photo DB

Les  funérailles nationales – qualifiées également « d’universelles » sur certains documents de l’exposition – ont été le point culminant d’une « hugolâtrie patriote et nationale » qu’on a peine à imaginer aujourd’hui. Son catafalque a été exposé sous l’Arc de Triomphe avant d’être conduit en cortège jusqu’au  Panthéon, le 31 mai 1885. Les obsèques ont donné lieu à une commercialisation que certains, à l’exemple de Paul Lafargue ont jugé outrancière, et nombre des objets réunis par Paul Beuve ont été fabriqués et mis en vente à cette occasion. Les deux autres événements phares qui ont suscité la fabrication et la vente de la plupart des objets présentés étant la fête des 80 ans de Victor Hugo, en 1881 et la célébration du centenaire de sa naissance, en 1902.

En sortant de la Maison de Victor Hugo on se prend à réfléchir sur les idolâtries de notre époque et leur produits dérivés – O tempora, O mores! – le temps d’un café à la terrasse du … Café Hugo!

Photos DB

Pour lire l’article sur la précédente exposition à la Maison de Victor Hugo, cliquer ici

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