« Helio 2014, A[E]ncrages, Temps denses » : à la rencontre de l’héliogravure contemporaine

HELIOGRAVURELa Galerie Imagineo à Paris rassemble les oeuvres de dix-sept artistes contemporains qui ont fait le choix de l’héliogravure. A l’heure du numérique, le recours à ce procédé mécanique lent et délicat d’impression photographique qui remonte aux premiers temps de l’histoire de la photographie, est une manière de restituer à celle-ci sa dimension à la fois artisanale et artistique, en faisant de chaque tirage un objet unique. La qualité et la diversité des oeuvres présentées dans « Helio 2014, A[E]ncrages, Temps denses » témoignent de la richesse des ressources qu’offre l’héliogravure au talent de ces artistes.
À voir jusqu’au 6 décembre 2014. 

 

Ouverte en décembre 2012,  la Galerie Imagineo, dédiée à la création  contemporaine – photographie et peinture -, présente les travaux d’artistes émergents et plus confirmés. Depuis un an, elle s’est tournée vers l’héliogravure et s’est associée avec l’atelier Hélio’g  pour éditer chaque trimestre une nouvelle oeuvre « vendue à un petit prix,  afin de faire mieux connaître l’héliogravure et les artistes qui la pratiquent« , explique Georges Gimmig, créateur et directeur de la galerie. (1)

L’exposition Helio 2014, A[E]ncrages, Temps denses s’inscrit dans cette démarche. Mieux connaître l’héliogravure : si le mot est connu, le procédé l’est moins. Il faut remonter aux tout débuts de la photographie, des premières  tentatives de Niepce dans les années 1820 visant à reproduire l’image photographique à la mise au point en 1879 par l’imprimeur viennois Karl Klic du procédé de l’héliogravure au grain permettant d’obtenir des images aux dégradés de gris à partir de plaques gravées.

Helio2014 © Tony Soulié

Helio2014 © Tony Soulié

« Il faut regarder évoluer Fanny Boucher dans son atelier – Helio’g – à Meudon, pour comprendre », écrit Bénédicte Philippe, commissaire de l’exposition. « Il y a d’abord la matrice à fabriquer, à partir d’une plaque de cuivre enduite de gélatine, suivant une succession de savantes manipulations durant lesquelles jouent la température, la lumière, la chaleur de la machine à insoler, les bains d’acide, le rinçage, sur la matière première. (…) Jusqu’à l’apparition quasi magique de l’image originelle sur le cuivre« .  Il y aura ensuite l’encrage (encre pigmentée à base d’huile), puis le tirage sous la presse … Et encore des essais de nuances et éventuellement de couleurs, comme sur le paysage urbain de Tony Soulié, objet du quatrième tirage hélio de la galerie et qui figure dans l’exposition.

Hélio2014 © Georges Saillard

Hélio2014 © Georges Saillard

« C’est une technique difficile à mettre en oeuvre, lente et capricieuse, mais riche de possibilités. Chaque plaque a ses complexités, ses secrets, un potentiel propre à découvrir. Au final, j’aime que chaque tirage soit un objet unique« , complète Georges Saillard. D’où aussi la difficulté à s’en séparer, confie l’artiste qui participe à l’exposition avec notamment une pomme… et un paysage naturel aux subtiles nuances de vert bleu.

Ce qui a demandé du temps à être réalisé, en demande aussi pour être déchiffré. Si l’héliogravure est considérée comme le plus beau mode d’impression d’images photographiques, c’est aussi parce qu’elle permet à l’artiste de « réinterpréter » le cliché initial. Un travail de réinterprétation dont le résultat, l’image finale, à son tour souvent ne se livrera (révèlera) que progressivement au regard pourtant immédiatement séduit.  Par exemple, il nous a fallu du temps pour « voir » les silhouettes ténues des personnages de Patrick Alphonse, ou distinguer un visage flottant dans l’obscurité au dessus d’un livre ouvert, et la bougie qui les éclaire.

Hélio2014 / Série "No Man's Land", La Défense, 1998 © Martin Becka

Hélio2014 / Série « No Man’s Land », La Défense, 1998 © Martin Becka

Ou pour identifier les tours de Dubaï ou de La Défense, photographiées par Martin Becka. Ce photographe d’origine tchèque nous convie à un véritable voyage dans le temps en faisant se rencontrer des procédés utilisés par les pionniers de la photographie – il travaille à partir du papier pour fabriquer le négatif – et les symboles de l’ultra modernité urbaine.  Une modernité qu’il fait apparaître dans une dimension quasi archéologique. On pense à la Mission Héliographique, chargée en 1851 de photographier les monuments remarquables en France et dont faisait partie Le Gray auquel Martin Becka a emprunté le procédé de négatif papier ciré…

Hélio2014 © Dan Aucante

Hélio2014 © Dan Aucante

Les oeuvres des dix sept artistes sélectionnés (2) composent un paysage extrêmement varié du « renouveau contemporain de l’héliogravure », au fil du parcours que Bénédicte Philippe a conçu comme un cheminement subtil de la nature à la ville :  « Dans la brutalité d’un monde incertain, ces fragiles œuvres de papier font naître une succession de sensations émouvantes qui font écho discrètement, à notre condition d’urbains contemporains, avides d’échanges humains et de nature. C’est cela que raconte l’accrochage à travers ce qu’est l’héliogravure : une feuille, un partage, une empreinte. »

Ce choix de l’héliogravure par des artistes contemporains est aussi une façon de répondre au voeu que formulait Le Gray en 1852 , « que la photographie, au lieu de tomber dans le domaine de l’industrie, du commerce, rentre dans celui de l’art« .

Hélio2014 © Brita Lomba-

Hélio2014 © Brita Lomba

 

(1) A terme, la collection comportera 12 héliogravures d’auteurs différents réalisées sur papier pur chiffon en 40x50cm. Chacune est tirée à 50 exemplaires, numérotés et signés par l’auteur. Pour en savoir plus : http://www.imagineo.fr/tirages.html

L’atelier Hélio’g, fondé et dirigé par Fanny Boucher depuis 2000, est dédié aux techniques de la gravure taille-douce et plus particulièrement à celle de l’héliogravure au grain, procédé de reproduction d’exception datant du XIXe siècle. C’est l’unique atelier professionnel en France spécialisé dans ce savoir-faire rare, que seulement une dizaine d’ateliers dans le monde font vivre aujourd’hui.

(2) liste des artistes :
Tony Soulié /Valérie Winckler /Antonin Pons Braley / Georges Saillard / Fanny Boucher /Brita Lomba / Zaida Kersten / Diana Lui / Dan Aucante / Patrick Alphonse / Philippe Blache / Pascal Torres / Martin Becka / Eric Chenal / Robert Brandhof / Jean-Denys Phillipe / Patrick Devreux

GALERIE IMAGINEO

 

Galerie Imagineo
50 rue de Montreuil
75011 Paris
Tél. : 01 53 27 98 39
Ouverture:
du mercredi au samedi de 14h00 à 19h00

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3 commentaires pour « Helio 2014, A[E]ncrages, Temps denses » : à la rencontre de l’héliogravure contemporaine

  1. Maria Rolim dit :

    Merci pour ton article. Cette methode artistique est très intéressante…
    Helio compliments
    Maria Rolim

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