ROBERT MALLET-STEVENS : l’architecte, la rue et le livre…

MALLET STEVENSAvoir en plein Paris une rue qui porte son nom parce qu’il en a signé tous les édifices est pour un architecte un privilège rare sinon unique. C’est celui dont jouit Robert Mallet-Stevens ((1886-1945).  Inauguré en 1927, cet ensemble de cinq hôtels particuliers est un véritable manifeste d’architecture moderne. Et l’endroit rêvé pour aller à la rencontre de l’un des principaux acteurs de la rénovation de l’architecture et des arts décoratifs en France à l’occasion de la publication de l’ouvrage – « Robert Mallet-Stevens, Agir pour l’architecture moderne » – que lui consacrent Les Éditions du patrimoine, dans la collection Carnets d’architectes. 

MALLET STEVENS« Redonner à voir et à lire des architectes », tel est l’objectif de cette collection où a déjà été publiée une petite vingtaine de monographies d’architectes du XXe siècle. (1) C’est exactement ce à quoi s’emploie l’auteur de ce dernier opus, Richard Klein, soucieux de restituer l’entière dimension de Robert Mallet-Stevens, architecte « activiste, militant » de l’architecture moderne, telle qu’il l’a défendue dans la construction d’édifices majeurs, dans des textes et son enseignement, notamment au sein de l’UAM (Union des Artistes modernes) qu’il a fondée en 1929 et de l’Ecole des Beaux-Arts de Lille, qu’il dirige de 1935 à 1939.

Et cela à l’encontre d’une image « d’architecte dandy« , trop souvent induite par la personne de Mallet-Stevens et les multiples facettes d’un talent qu’il a exercé également comme décorateur, concepteur de meubles et de boutiques, d’aménagements intérieurs et de décors de cinéma,  signés pour une vingtaine de films entre 1920 et 1928. « En incarnant l’association de l’architecture et des arts appliqués en France, (Mallet-Stevens) occupe une place à la fois emblématique et singulière dans l’histoire de l’architecture moderne« , écrit Richard Klein.

Robert Mallet-Stevens vers 1924/ DR - Maison-Atelier des frères Martel, rue Mallet-Stevens © db

Robert Mallet-Stevens vers 1924/ DR – Maison-Atelier des frères Martel, l’angle avec le belvédère, au premier plan une sculpture-fontaine © db

 

Disparu à la fin de la Seconde guerre mondiale, il ne participera pas à la reconstruction,  contrairement à Auguste Perret (1874-1954) à qui l’on doit notamment la reconstruction du Havre, ou Le Corbusier (1887-1965). Alors qu’entre le début des années 1920 et le tournant des années 1930, sa notoriété n’avait  d’égale en France que celle de Le Corbusier, son œuvre tombe dans l’oubli jusqu’au milieu des années 1970 où elle refait surface à la faveur de premier travaux universitaires qui lui sont dédiés. Il faudra encore attendre une trentaine d’années pour qu’une rétrospective lui soit consacrée par le centre Pompidou en 2005.

Maquettes extérieur/intérieur de la maison-atelier des frères Martel, rue Mallet-Stevens © db

Maquettes extérieur/intérieur de la maison-atelier des frères Martel, rue Mallet-Stevens © db

 

Pour découvrir l’architecture de Mallet-Stevens, la rue qui porte son nom est exemplaire et l’hôtel particulier construit pour les sculpteurs Jean et Joël Martel, situé au N°10, une excellente entrée en matière. Ce « programme le plus singulier de l’ensemble » destiné à servir à la fois d’habitation – trois appartements autonomes –  et d’atelier, est construit « comme un jeu de volumes articulés autour de l’axe central de l’escalier belvédère » dont « la spirale, continue jusqu’aux étages supérieurs est doublée de demi-volées d’escalier qui s’adossent à la courbe et relient les niveaux des appartements. »

"Un puits sans fond"… © db

« Un puits sans fond »… © db

Sans parler du jeu de miroir qui réfléchit au sol la spirale de l’escalier, donnant l’illusion d’un puits sans fond… Classé en 1994, l’atelier des frères Martel n’a pas été modifié depuis sa construction et présente encore aujourd’hui son architecture d’origine.

Occupant une positon stratégique, l’hôtel particulier de l’architecte est situé à l’angle de la rue du Dr-Blanche et de la rue Mallet-Stevens. Sur la première, l’entrée du domicile familial, sur la seconde, au N°12, celle de l’atelier et de l’agence. (3) La maison a été rehaussée de trois étages après la mort de Mallet-Stevens, alourdissant le volume initial.

Rue Mallet-Stevens, Maison de l'architecte, Rampe d'escalier signée Jean Prouvé © db

Rue Mallet-Stevens, Maison de l’architecte, rampe d’escalier en acier inoxydable poli signée Jean Prouvé © db

Parmi les trois autres hôtels particuliers, celui  construit pour la pianiste Adèle Reifenberg, au N°8, un des premiers livrés, est le plus imposant. La grille du hall est le fruit de la première collaboration de l’architecte avec Jean Prouvé, qui sera suivi d’autres pour la rue Mallet-Stevens, puis pour le casino de Saint-Jean de Luz, et plus tard pour des ferronneries d’ascenseurs, notamment à la villa Cavrois.  Les vitraux de la cage d’escalier sont du maître verrier Luis Barillet dont Mallet-Stevens réalisera, au début des années 1930, la demeure et atelier dans le quinzième arrondissement parisien.

Hôtel particulier Reifenberg, rue Mallet-Stevens © db

Rue Mallet-Stevens, hôtel particulier Reifenberg,  (La couleur jaune est celle voulue par l’architecte) © db

 

Cette « commande d’exception« ,  que représente la rue Mallet-Stevens a été réalisée sur un terrain d’une superficie initiale de près de 4000 mètres carrés, acquis au début des années 1920 par un certain Daniel Dreyfus qui en sera le commanditaire et pour qui sera construit un hôtel particulier. La précédente propriétaire de ce terrain était Marie Laure Bischoffsheim, future épouse de Charles de Noailles. C’est pour le couple que que Mallet-Stevens réalisera partir de 1923 la maison, connue aujourd’hui comme la Villa Noailles, sur les hauteurs de Hyères-les-Palmiers. (3)

La Villa Noailles ainsi que celle conçue pour le couturier Paul Poiret à Mézy dans la région parisienne et la villa Cavrois près de Lille sont classés monuments historiques. L’année 2015 verra l’achèvement de la restauration de la villa Cavrois, ce « château moderne » réalisé au début des années 1930 pour un magnat de l’industrie textile.(4)

2015 marquera également le 70ème anniversaire de la mort de Mallet-Stevens. Un double rendez-vous qu’anticipe judicieusement la publication par les Editions du patrimoine de cet ouvrage très documenté dédié à l’architecte.

« Si les programmes ne sont pas semblables, les exigences de chacun des habitants sont les mêmes : de l’air, de la lumière… » (Mallet-Stevens, Une rue nouvelle à Paris)

Hôtel Mallet-Stevens, dans les années 1920 ©Les Arts décoratifs/Marc Vaux et aujourd'hui © db

Hôtel Mallet-Stevens, dans les années 1920 ©Les Arts décoratifs/Marc Vaux et aujourd’hui © db

 

(1) Les Éditions du patrimoine sont le département éditorial du Centre des monuments nationaux et l’éditeur délégué des services patrimoniaux du ministère de la Culture et de la Communication.

Vue de l'exposition "Le musée d'une nuit" /Photo : Aurélie Cenno /Courtesy Fondation Hippocrène

Vue de l’exposition « Le musée d’une nuit » /Photo : Aurélie Cenno /Courtesy Fondation Hippocrène

(2) L’ancienne agence de Mallet-Stevens a été acquise en 2000 par la Fondation Hippocrène qui en a fait son siège et son lieu d’exposition. Chaque année, la manifestation d’art contemporain Propos d’Europe réunit des oeuvres d’artistes de différents pays européens « afin de mettre en lumière une scène artistique d’un pays et la richesse de la diversité culturelle en Europe« . Pour l’édition 2014 (du 3 octobre au 20 décembre), la Fondation Hippocrène a invité la DRAF (David Roberts Arts Foundation) de Londres, pour une exposition – Le musée d’une nuit (script for leaving traces) – qui rassemble une sélection d’une trentaine d’œuvres issues des 2000 pièces constituant la David Roberts collection ainsi que des commandes spécifiques.

(3) Achetée par la ville en 1973, avec le parc qui l’entoure, la Villa Noailles est devenue un lieu museal et d’expositions temporaires. Pour en savoir plus, cliquer ici

(4) Après une longue période d’abandon et de vandalisme (1988-2001), la Villa Cavrois a été acquise par l’Etat. Après la remise en état du clos et du couvert, les travaux entrepris depuis 2008 sous la direction de la Commission nationale des Monuments historiques visent à « retrouver la distribution et les volumes intérieurs d’origine » et à restituer à l’identique l’ensemble du mobilier et de la décoration intérieure, par le rachat de ses éléments ou leur reconstitution.

La villa Cavrois, façade sud (1986) © Centre Georges Pompidou

La villa Cavrois, façade sud (1986) © Centre Georges Pompidou

 

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Un commentaire pour ROBERT MALLET-STEVENS : l’architecte, la rue et le livre…

  1. anita leurent dit :

    Atelier visitable jusqu’au 31 août …gratuit . pas grand chose à voir mais un peu…

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