« Ossip Zadkine, L’instinct de la matière »

Osssip Zadkine, « Jeune fille à l’oiseau » / Photos db


Organisée à l’occasion du 130ème anniversaire du sculpteur Ossip Zadkine né en 1888 en Russie et mort à Paris en 1967, cette nouvelle exposition du musée Zadkine à Paris met en lumière la manière dont l’artiste dialogue avec les  matériaux et médiums qu’il utilise : la pierre, les différentes essences de bois, mais aussi l’encre, l’aquarelle et la gouache. Ossip Zadkine, L’instinct de la matière permet en effet de découvrir cette partie moins connue de la création de l’artiste que sont ses oeuvres sur papier. C’est aussi l’occasion d’apprécier ce lieu intime et paisible qu’est le musée Zadkine avec son jardin, à deux pas du Luxembourg…

Il s’agit d’un atelier-musée resté fidèle à sa double identité originelle de lieu de vie et de création où Zadkine a vécu et travaillé de 1928 à 1967. (1) Si l’entrée, au 100 bis de la rue d’Assas, est plutôt confidentielle, une fois franchi le porche, on accède au jardin  parsemé de sculptures. À l’intérieur, les verrières laissent passer la lumière et les oeuvres exposées ont souvent pour toile de fond les feuillages des arbres du jardin.

Ossip Zadkine, « Le Fauve » ou « Le Tigre », Exposition au Musée Zadkine, 2018 / Photo db

Un environnement verdoyant et lumineux qui donne vie et éclat au bois doré de l’étonnante sculpture Le Fauve ou Le Tigre (1920-1921). « D’un bloc de bois tordu » cadeau d’un ami, « j’ai immédiatement imaginé un fauve », taillant « avec un enchantement réel, les deux pattes de devant qui lui manquaient (…) Je me sentais à nouveau charpentier », raconte Zadkine. Une belle illustration de cet « instinct de la matière », fil conducteur de cette nouvelle exposition.

À gauche, « Do remember me »,1913 – À droite, « La Sainte Famille » 1912-13 / Photo db

Intitulée « Matière Source », la première partie est consacrée à des oeuvres des années 1910-1925 et met en regard des sculptures (tailles directes marbre, pierre, bois) « nées de la plongée dans les eaux régénératrices de l’archaïsme », pour reprendre les termes mêmes de Zadkine, et une sélection de dessins à la plume et de gouaches  sur papier. De la juxtaposition des matières et supports, surgit la ressemblance des formes…

Ossip Zadkine, « Tête héroïque » 1909-1910 / Photo db

… Ou des contrastes saisissants, entre l’âpreté rugueuse de la Tête Héroïque, extraite de la taille directe d’un bloc de granit (1909-1910), et les courbes lisses du ciment de La Sainte Famille (1912-13) ou les lignes délicates du marbre de la Femme au violon.

Avec le bois, du chêne au noyer, à l’acacia et à l’ébène, là aussi le dialogue avec la matière est passionnant. On sait gré au Musée de Grenoble d’avoir prêté Le Prophète (1914), taillé dans un tronc de chêne dont il a gardé la rugosité originelle:  « Après trois jours de vie avec ce bois, l’idée d’un prédicateur, d’un prophète, m’habita et me poussa à prendre marteau et ciseaux. Un mois s’écoula et Le Prophète était là, avec sa longue tête et les bras repliés pour une sorte de prière simple et primitive », raconte Zadkine.

Avec le Torse d’Hermaphrodite (1925-31), taillé dans l’acacia et laqué, c’est le retour au lisse, à la simplification des lignes, à la géomètrisation et densité des volumes, caractéristiques de l’Art déco qui s’impose. Tandis que plus tard, avec l’ébène, le trait creusé dans le bois se substitue au volume, pour faire surgir l’instrument de musique (Torse violoncelle, 1956-57) ou les bras de la femme (Torse de femme, 1961).

Ossip Zadkine, de gauche à droite : « Le Prophète », »Torse violoncelle », « Torse de femme », « Torse d’hermaphrodite »  / Photos db

Dans l’atelier, la femme guitare de l’Odalisque ou Bayadère (1932), surprend le visiteur avec la polychromie qui souligne les courbes ou arêtes vives de la sculpture taillée dans un tronc de hêtre rouge. De la couleur aussi, mais dans un jeu très nuancé et subtil avec les variations du bois d’orme dans lequel est sculpté l’imposant Prométhée (1955-56), un des tout derniers grands bois taillés par Zadkine. L’artiste a saisi le héros mythologique au moment où il vient de dérober le feu pour l’apporter aux hommes…

Dans l’atelier : au premier plan « L’Odalisque ou Bayadère », de dos; à gauche « Prométhée »; devant la fenêtre: « L »Oiseau d’or » / Photo db

Avant de ressortir de ce lieu baigné d’une lumière tamisée qu’est l’atelier et où le regard se fait plus intime, on reste un moment devant Le Sculpteur (1929-1949). Composée de marbre, granit, pierre, plomb et verre peint, l’oeuvre – modifiée à maintes reprises au fil des années – apparait comme un autoportrait et un manifeste en faveur de la sculpture, avec l’importance donnée au bras et à la main du sculpteur. « Du dialogue avec la matière nait le geste de l’homme »… (2)

Ossip Zadkine, « Le Sculpteur » / Photo db

 

(1) C’est l’un des rares ateliers de sculpteurs – avec celui d’Antoine Bourdelle, rue Falguière – qui ont pu être sauvegardés à Paris.
(2) Zadkine à Pierre Cabane (Revue Arts, 1960)

Musée Zadkine / Photo db

 

Musée Zadkine
100 bis, rue d’Assas
75006 Paris
Tél : 01 55 42 77 20
Mail : musee.zadkine@paris.fr

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2 commentaires pour « Ossip Zadkine, L’instinct de la matière »

  1. Ca a l’air d’être une belle expo avec de superbes pièces. Mais j’en vois plusieurs qui étaient déjà présentées dans l’exposition permanente.

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