« Le Bal de Ndinga » à la Maison de la Poésie : pour tous les morts anonymes au bal de l’Espoir

Pascal Nzonzi, Le Bal de Ndinga / Photo Maison de la Poésie

L’œuvre de l’écrivain congolais Tchicaya UTam’si est à l’affiche de la Maison du passage Molière. Seul sur scène, Pascal Nzonzi fait vivre  les quatre personnages de ce récit théâtral, aux dernières heures de la colonisation belge au Congo. Ce sont aussi celles de Ndinga, fauché par une balle sur une place de Léopolville, ce 30 juin 1960. Cinquante ans après les indépendances africaines, le texte de Tchicaya U Tam’si mêlant humour, douleur, dérision et poésie, résonne encore pour tous ces « morts anonymes au bal de l’Espoir » d’hier et d’aujourd’hui … A voir jusqu’au 3 juillet 2011.

Vous connaissez « Independance Cha cha » ? “Nous avons obtenu l’indépendance / Nous voici enfin libres / À la Table Ronde nous avons gagné / Vive l’indépendance que nous avons gagnée”… Ce tube de l’indépendance congolaise est inséparable du personnage de Ndinga Modeste. Le rythme et les paroles de la chanson créée le 20 janvier 1960 par Joseph Kabasele alias Grand Kallé, l’habitent tout entier, corps et rêves, au point d’en oublier souvent les règles élémentaires du colonisé de base. Au grand dam de Mpendjé, son « meilleur ami et compagnon de peine », avec qui il fait tandem au sein de l’équipe de nettoyage de l’hôtel Regina : « Nous on baisse la tête. Lui, on ne sait pas ce qu’il a. Il a un sourire à la bouche (d’insolence ?), un sourire dans les yeuxIl fredonne… ».  Un sourire qui, heureusement, échappe au Belge Van Bilsen, patron du Regina. Pour compléter le microcosme de la société coloniale, il y a aussi le sergent Outouboma, et Angélique Nkomba, nièce de Ndinga.

Pascal Nzonzi prête son corps et sa voix à tous ces personnages… C’est une petite salle au sous-sol  de La Maison de la Poésie qui a été choisie pour ce spectacle, avec ses murs et voûtes de pierre comme décor auquel s’ajoute un coffre de bois qui servira tour à tour de banc, puis de cercueil. Une simplicité et une intimité propices à ce récit théâtral, que Pascal Nzonzi a voulu inspiré de « l’ambiance des veillées africaines » qui ont bercé son enfance.

L’acteur incarne la folle insouciance de Ndinga et ses rêves non moins fous pour les lendemains de liberté qui s’annoncent – ainsi il prétend s’offrir une nuit entière avec la belle Sabine, la plus prisée des pensionnaires de ce « bordel 5 étoiles » qu’est l’hôtel Regina. Ndinga Modeste, le bien nommé, attend de l’indépendance « une augmentation de la vie » où il ne sera plus « un sale macaque, mais un homme », « une augmentation du sens de la vie »… La formule est belle à pleurer… « Le patron acceptera bien un jour de me considérer comme quelqu’un de définitivement civilisé ».

Pascal Nzonzi, le Bal de Ndinga

Le patron a lui une tout autre vision des choses. Sa morgue le rend à la fois odieux et grotesque : « Il y aura toujours des boys et le Congo aura toujours besoin de nous, les Blancs ! Indépendance ou pas, c’est toujours la même chose ! » Un changement de ton, une attitude, et Pascal Nzonzi impose le personnage. Comme celui du sergent Outouboma, allié du plus fort: « Il ne faut pas se montrer ingrats. Faut pas se montrer insolents! ». Le personnage est répugnant, d’ailleurs « il a un mépris plein de caca sur la moue de ses lèvres en trombe d’hibiscus fleuri », commente Mpendjé. L’ami, le narrateur, nous fait participer à l’inquiétude qu’il éprouve pour Ndinga – tout comme la nièce de celui-ci  – et la progression vers l’inéluctable : la mort de Ndinga, « mort anonyme au bal de l’Histoire ». Anonyme… son nom ne sera même pas prononcé quand la radio diffuse la nouvelle, enchaînant bien vite sur « une plage musicale » avec Indépendance cha cha !

Pour Pascal Nzonzi, revisiter ce texte  – créé il y a un peu plus de vingt ans par le Théâtre International de Langue Française dirigé par Gabriel  Garran – répond à un double objectif : « le plaisir d’endosser le rêve brisé de Ndinga, un devoir de citoyen, car ce texte qui fait partie des classiques appartenant désormais à l’histoire doit investir la mémoire collective ». Il est vrai que si Le Bal de Ndinga, se situe dans un lieu et un moment précis de l’Histoire, « Le rêve brisé de Ndinga est le rêve du monde avec ses guerres, la famine, les drames de l’immigration, la mauvaise gouvernance, etc. »…

Tchicaya U Tam'si / DR

Et le talent de l’acteur-narrateur,  c’est de faire entrer sur la petite scène du sous-sol de la Maison de la Poésie l’Histoire avec ses protagonistes, et pas seulement celle et ceux du 30 juin 1960, par l’intensité et les variations de son jeu et grâce à la langue de Tchicaya U Tam’si, son imaginaire, sa poésie, sa force.

Le Bal de Ndinga est le dernier spectacle de la saison à La Maison de la Poésie 

Vivement la rentrée!

La maison de la Poésie / Photo DB

Pour en savoir plus sur la carrière Pascal Nzonzi, cliquer ici

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