Depuis le 27 novembre 2013, on peut trouver en librairie le Dictionnaire universel des Créatrices. Publié par les Editions des Femmes en partenariat avec l’éditeur Belin et sous le patronage de l’Unesco, cet imposant ouvrage en trois volumes propose en quelque dix mille entrées un panorama de quarante siècles de création des femmes à travers le monde et dans tous les domaines d’activité. Un recensement mêlant créatrices illustres et méconnues qui ne prétend pas à l’exhaustivité mais se veut une « contribution inédite au patrimoine culturel mondial« .
Il y avait foule le 23 novembre au siège de l’Unesco à Paris pour le lancement de ce Dictionnaire universel des Créatrices. L’unesco où pour la première fois une femme occupe le poste de directrice générale, comme a tenu à le souligner Irina Bokova, en précisant qu’elle avait engagé sa « responsabilité personnelle dans cette entreprise » qui s’inscrit dans « la marche vers l’égalité« .

A la tribune, au centre,Catherine Deneuve et Antoinette Fouque ©Jean-Marc Lebeaupin
Une marche vers l’égalité dont pouvaient se revendiquer à des titres divers les femmes présentes à la tribune. On citera Edith Cresson. « D’immenses progrès restent à faire » dira en connaissance de cause celle qui fut la première (et à ce jour la seule!) femme en France à occuper le poste de Premier ministre au début des années 1990 (1). L’univers cinématographique était représenté par Nicole Garcia et Catherine Deneuve – laquelle a prêté sa voix à de nombreux livres enregistrés des Editions des Femmes; celui de la mode par Sonia Rykiel, qui en a bousculé les codes à la fin des années 1960 en imposant son style et sa marque et qui signe les lettrines du Dictionnaire universel des Créatrices.
Dix mille articles rédigés, plus de quinze mille femmes citées, cinq mille pages : mis en chantier en 2006, l’ouvrage aura nécessité le concours de quelque 1600 auteurs de tous les continents et six ans de travail. Bref, un « projet monstrueux », l’expression est de Mireille Calle-Gruber, écrivaine et professeure de littérature à la Sorbonne Nouvelle-Paris 3 où elle dirige le Centre de recherches en études féminines et genres. Elle est à l’initiative de ce projet avec Béatrice Didier, professeure à l’université Paris-8 et auteure notamment d’un Dictionnaire universel des Littératures, et Antoinette Fouque, co-fondatrice du Mouvement de Libération des Femmes en 1968, et fondatrice des Editions des Femmes qui fêtent cette années leur quarante ans et avaient vocation à accueillir le Dictionnaire universel des Créatrices.
Autour de ce noyau assurant la direction scientifique de l’ouvrage, plus d’une centaine de directrices et directeurs de secteurs, personnalités de nombreux pays reconnues dans leur domaine de recherches, ont piloté l’entreprise. Huit grands domaines d’activité ont été identifiés : arts, arts du spectacle, géographie-exploration, histoire-politique-économie, littérature et livres, sciences et techniques, sciences humaines, sports. Chaque domaine est signalé par une couleur spécifique, dans le corps de l’ouvrage et dans les index.
Aux côtés des articles sur une créatrice, des entrées thématiques permettent d’avoir une vue d’ensemble sur un domaine, un mouvement, une école où les femmes se sont illustrées. Comme par exemple l’article Romancières, qui dresse en deux pages un panorama éclairant sur « l’écriture au féminin » en Afrique subsaharienne, de 1960 à 2010, soit les cinquante années d’indépendance post-coloniale dans les territoires colonisés par la France. (2)
De Hawa Abdi, médecin gynécologue somalienne, née à Mogadiscio en 1947, à Maria Zambrano, philosophe et essayiste espagnole (1904-1991), on aura croisé Agnodice, médecin et gynécologue grecque du IVe siècle avant notre ère, Sokhna Benga, écrivaine sénégalaise née à Dakar en 1967, Artemisia Gentileschi, peintre italienne (1593-1654), Naïma Laouadi, footballeuse algérienne, née à Tizi Ouzou en 1976, Inanna-ama-mu, scribe mésopotamienne du XIXe siècle avant notre ère, Fanny Mendelssohn, compositrice allemande, (1805-1847), soeur ainée de Félix…
À chaque lecteur/trice de déambuler à sa guise, de créer son propre parcours au sein de la création féminine, au hasard des noms ou selon un itinéraire raisonné. En espérant que ce dictionnaire soit davantage qu’un objet symbolique et puisse constituer « un moteur de l’action pour l’avenir » comme le souhaite Nicole Ameline, présidente du Comité de lutte contre les discriminations faites aux femmes des Nations unies.
Dictionnaire Universel des Créatrices, 3 vol, 165 euros
Une édition numérique sera bientôt disponible, qui permettra l’actualisation de ce « work in progress« …
Une exposition de photos, portraits de femmes figurant dans le Dictionnaire aura lieu prochainement dans la Galerie des femmes, au siège des Editions des Femmes.
(1) Très exactement du 15 mai 1991 au 2 avril 1992 (un record de brièveté sous la Ve République) pendant le second septennat de François Mitterrand. Nommée Premier ministre après avoir occupé plusieurs postes de ministre au cours des dix années précédentes, elle, ses propos, et ses décisions politiques seront la cible de critiques virulentes, d’où le sexisme ne sera pas absent.
(2) Son auteure est Odile Cazenave. Professeure à l’université de Boston aux Etats-Unis, spécialiste de la littérature africaine francophone contemporaine, elle a assuré pour le Dictionnaire la direction du secteur « Littérature d’Afrique sub-saharienne et d’Afrique du Sud ».
Librairie/Éditions des femmes
35, rue Jacob 75006 Paris
Tél : 01 42 60 93 76
librairie@desfemmes.fr
Ce doit être un très beau livre, à ouvrir par touches, en savourant chaque découverte :).
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