« Devenir traces » : Chambord accueille les dessins de Jérôme Zonder

Vue de l’exposition « Devenir traces » au château de Chambord © Marc Domage

Depuis 2010 le château de Chambord s’est ouvert à l’art contemporain avec des expositions monographiques. C’est au tour du dessinateur Jérôme Zonder d’investir les lieux jusqu’au 30 septembre 2018, avec l’exposition Devenir traces qui réunit plus de 130 oeuvres dont près de la moitié réalisées pour l’occasion. Essentiellement fondé sur notre rapport à l’Histoire, sa violence et sa mémoire, le travail de Jérôme Zonder – au fusain, à la mine de plomb ou à l’empreinte – résonne avec les vicissitudes de cette Histoire dont ont été témoins les murs du château qui s’apprête à célébrer son 500ème anniversaire.

Jérôme Zonder, « Devenir traces », Chambord 2018 / Photo db

C’est en effet en septembre 1519 qu’est posée la première pierre de ce monument unique par sa conception et sa dimension qu’est le château de Chambord. Quelques mois plus tôt s’éteignait à Amboise Léonard de Vinci, invité depuis 1516 à la cour de France par François 1er, en tant que « premier peintre, architecte et ingénieur du roi ». Car, « contrairement à l’idée reçue du pavillon de chasse, Chambord a été conçu comme une cité idéale », souligne Jean d’Haussonville. (1) Un « totem de la Renaissance » pour reprendre l’expression de Jérôme Zonder, investi de la mission de  « présenter le rapport à l’Histoire dans un lieu chargé d’Histoire ». Ce lieu, il a pu s’en imprégner au cours d’une résidence d’un mois qui a précédé l’installation de Devenir traces.

C’est au coeur de l’édifice, c’est à dire autour du fameux escalier à double révolution qui en constitue en quelque sorte la colonne vertébrale, que se déploie l’exposition. Elle y occupe sur 800 m2 la majorité des salles du deuxième étage du château.

Jérôme Zonder, Devenir traces, Chambord 2018, Les Fruits de l’Histoire (détails)/Photo db

Et cela commence par une forêt qui court sur les murs de la première grande salle et sur laquelle sont accrochés « Les fruits de l’Histoire », une série de 89 dessins au format identique (24×32), une « frise chronologique » où les images forment « le fil narratif », explique Jérôme Zonder. On y découvre comme une « narration en accéléré de l’espèce », de l’empreinte rupestre à la greffe bionique opérée en 2014 sur un soldat américain.  

La  frise continue dans la salle suivante,  plus petite et close – on refermera en sortant la porte en bois franchie pour entrer – où se succèdent les représentations d’événements  dans cette « alternance de drames et de construction qui rythme l’Histoire », souligne l’artiste.

Photo db

Dans la pénombre de la salle se déroule au fond une sculpture de papier auquel la mine de plomb donne un aspect de peau dont les bords découpés dessinent d’étranges formes convulsives, où l’on distingue des mains…

Jérôme Zonder, « Devenir traces, Chambord 2018, « chaires grises »/DR

Les mains sont omniprésentes dans l’exposition, qu’elles expriment la douceur d’un contact ou l’indicible violence des camps d’extermination et des génocides (série des Chairs grises).

Dans la dernière salle elles sont aussi l’objet, paume offerte, de grands « portraits » qui, accrochés aux murs de ce monument de la Renaissance, évoquent la main de l’homme qui fabrique, crée… ou imprime sur la pierre tendre des graffitis. Comme ceux que Jérôme Zonder a découvert dans les combles du château et dont il s’est inspiré, en en reprenant certaines formes (cercle, oeil). « Une façon pour l’artiste d’ouvrir les perspectives et, dépassant la noirceur de l’Histoire tragique, de rendre hommage à l’action humaine comme possibilité de construire autre chose et d’avancer », écrit Amélie Adamo, dans le catalogue de l’exposition. (2)

Jérôme Zonder, Devenir traces, Chambord 2018, Portrait de main / photo db

Mais avant cette ouverture sur le possible, on aura transité par une autre salle close où avec la série Les Blessés, achevée en septembre 2017, Jérôme Zonder a « voulu travailler en écho aux attentats », Boston, Nice…  L’objectif étant, par le biais de ces portraits réalisés sur une année de travail, d’évoquer, par « une sorte d’écriture de visage », la question de « la blessure », fruit de « la grande histoire qui rencontre l’individu ».

Jérôme Zonder, « Devenir traces, Chambord 2018, série Les Blessés/Photo db

Curieusement, cette altération des visages dessinés par l’artiste et dont certains confinent à l’effacement, les rend extraordinairement présents et éloquents, bien plus que les images médiatiques, qui se succèdent en s’effaçant l’une l’autre… C’est là toute la dimension et la fonction de l’art qui, comme l’écrit  Olivier Rohe, dans le catalogue de l’exposition « n’a pas toujours pour tâche d’incarner l’absence. Il doit aussi rétablir la dignité de ce qui est sans mystère, montrer ce qui, à force d’être présent, disponible, d’être vu et revu, a cessé d’être regardé ».

Vue de l’exposition « Devenir traces » au château de Chambord © Marc Domage


(1)
C’est d’ailleurs le thème de l’utopie qui a été retenu  pour l’exposition du 500ème anniversaire. Jean d’Haussonville est depuis janvier 2010 le  directeur de l’établissement public de Chambord.
(2) Un catalogue de 112 pages publié par le domaine national de Chambord,  en vente à la boutique du château au prix de 20 €. Textes : Amélie Adamo (docteure en histoire de l’art), Oliver Rohe (écrivain) et Yannick Mercoyrol (commissaire de l’exposition, Directeur du patrimoine et de la programmation culturelle du domaine national de Chambord)

Le château se prépare pour son 500ème anniversaire…/Photo db

 

Château de Chambord
41250 Chambord
Tél : 02 54 50 40 00
info@chambord.org

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