
Auguste Garnerey, Malmaison, intérieur de la serre chaude /Photo Rmn
Après Malmaison, le palais d’une impératrice (1), les Éditions des Falaises publient Auguste Garnerey, vues du jardin de Joséphine. En aménageant le jardin de la Malmaison, acquise en 1799, l’impératrice a souhaité en faire un lieu extraordinaire où aux essences déjà présentes dans le jardin à l’anglaise créé avant la Révolution, viendraient se mêler des plantes venues d’ailleurs, en un mot « exotiques ». C’est au peintre-jardinier Jean-Marie Morel, qu’elle en a confié la conception et la réalisation. Le jardin n’ayant pas survécu à celle qui l’avait rêvé, les aquarelles d’Auguste Garnerey, un des maîtres de dessin de sa fille Hortense, constituent donc un témoignage précieux. Les voici rassemblées dans un bel ouvrage, avec l’éclairage de l’historien Christophe Pincemaille.

Auguste Garnerey, Malmaison, vue de la bergerie dans le bois
« Mon jardin, qui est la plus belle chose possible, est plus fréquenté par les Parisiens que mon salon », écrit Joséphine à son fils Eugène, le 14 juin 1813. L’impératrice – elle a conservé son titre après son divorce, en 1809 – n’a cessé de poursuivre l’aménagement du jardin de Malmaison entamé en 1800, sitôt le domaine acquis. Cette « plus belle chose possible » ne nous est plus accessible, puisque des soixante-dix hectares du parc enclos n’en subsistent aujourd’hui que six entourant le château, lesquels « contentent mal l’imagination des âmes nostalgiques », écrit Christophe Pincemaille. Car « à Malmaison Joséphine s’est inventé un pays à l’échelle de ses rêves tandis que Napoléon, qui lui avait laissé carte blanche, s’inventait un empire à l’échelle de ses ambitions »…

Auguste Garnerey, Malmaison, Le temple de l’Amour
L’aménagement du jardin est donc confié en septembre 1803 à Jean-Marie Morel, après révocation de Percier et Fontaine qui, s’ils avaient réussi pour la décoration du château, n’avaient pas su, côté jardin, répondre au « lieu de délices » voulu par celle qui n’était encore que Madame Bonaparte. Il faut dire que le couple consulaire avait été séduit par le jardin paysager que le marquis de Girardin avait réalisé à Ermenonville, au prix de dix années de travaux sur ce qui était à l’origine un marécage insalubre. Ce que Christophe Pincemaille résume ainsi : « Napoléon et Joséphine découvrirent à Ermenonville combien la nature est jardin ».

Vue de la vacherie dans le bois de Saint-Cucufa (détail)
Et puis Jean-Marie Morel n’était-il pas l’auteur d’une Théorie des jardins publiée en 1776 et inspirée des réflexions de Girardin dont il avait été le chef de chantier… Si l’intervention officielle de Morel n’a duré qu’un peu moins de deux ans, elle a été décisive. Qu’on en juge : « Adepte de la simplicité (…) il réduisit considérablement le nombre de fabriques (ses prédécesseurs prévoyaient d’n ériger partout, des dessins préparatoires l’attestent), il joua sur les accidents du terrain et sur les eaux, il mobilisa les paysages environnants et les ressources pour faire de Malmaison un jardin d’illusion, dépouillé d’ornements inutiles et composant une riche pâture où paissent des vaches… » Auxquelles viendront s’ajouter un troupeau de Mérinos « exfiltré » d’Espagne par Bonaparte…
Et Joséphine de son côté « se livra à la botanique avec passion pour recréer le jardin de son enfance. À cause de ses origines créoles, celui-ci fut exotique, ce qui convenait parfaitement à un jardin d’illusion ». Elle mit en oeuvre des moyens considérables pour que l’Amérique (c’est à dire les Antilles) poussent sous le ciel d’Île de France : la communauté scientifique fut mise à contribution – notamment les professeurs du Muséum national d’histoire naturelle -, ainsi que les collections de l’État pour venir enrichir la ménagerie ou les serres. Notamment la grande serre chaude dont la construction avait été entamée par Morel et qui focalisera progressivement toutes les attentions de Joséphine qui aménagera dans cette partie du parc un nouveau jardin presque entièrement composé d’essences exotiques.

Auguste Garnerey, Promenade de l’impératrice et de sa suite sur le lac, près de la serre chaude
« Un jardin d’illusion n’est pas conçu pour durer »… Lors du règlement de la succession de l’impératrice, le domaine sera évalué au prix des terres et des bois, sans que soient prises en compte les raretés botaniques qu’il renfermait; et bientôt les tulipiers céderont la place à un champ d’avoine…
Mais il reste les onze vues de Malmaison, peintes à l’aquarelle par Auguste Garnerey vers 1812 et qui restituent ce jardin voulu par Joséphine. Un témoignage précieux auquel l’ouvrage publié par les Éditions des Falaises nous permet d’accéder, avec pour guide l’historien Christophe Pincemaille, attaché à la conservation du musée national du château de Malmaison. (2) Tandis que les larges citations extraites de la Théorie des jardins, de Jean- Marie Morel qui ponctuent la reproduction des aquarelles de Garnerey sont elles aussi de précieux documents. Le tout mis en valeur par la qualité de l’édition.
(1) On a rendu compte, ici même de cet ouvrage. Pour y accéder, cliquer ici
(2) Le musée national du Château de Malmaison organise du 17 novembre 2018 au 18 février 2019, l’exposition MEUBLES À SECRETS, SECRETS DE MEUBLES.
C’est l’achèvement de la restauration par l’Ecole Boulle d’un meuble à secrets de Martin Guillaume Biennais (1764-1843), exceptionnel tant par son esthétisme que par l’ingéniosité de son fonctionnement, qui a motivé l’organisation de cette exposition réunissant une quarantaine de meubles et objets à secrets présentés dans un parcours scénographié au fil des appartements de Joséphine et de Napoléon. Le mobilier et les objets mis en scène sont issus pour la plupart des collections du musée, ainsi que de collections publiques ou privées (Collections Hermès, Fondation Napoléon, musée national du château de Fontainebleau, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon)
Auguste Garnerey
Vues du Jardin de Joséphine
Christophe Pincemaille
Éditions des Falaises
Prix : 21 euros