
Figure incontournable de l‘art urbain, Miss.Tic est de retour dans le 13ème arrondissement pour une première exposition parisienne depuis sa disparition en 2022. Ce treizième où l’artiste a vécu et travaillé et où ses silhouettes féminines au pochoir et ses aphorismes ont commencé à fleurir sur les murs au milieu des années 1980. À la fois provocant et discret, empreint de révolte et de poésie, l’art de Miss.Tic s’est progressivement imposé au regard des passants de la capitale avant de susciter l’intérêt des galeristes et des musées. Après l’importante rétrospective présentée au Palais des Papes en 2024, l’exposition organisée à Paris par la Galerie Mathgoth propose un regard plus personnel sur l’œuvre de l’artiste.
À voir jusqu’au 25 octobre 2025

L’atelier de Miss.Tic reconstitué à l’entrée de l’exposition . Photo db
C’est tout près de la Bnf, dans ce nouveau quartier du treizième bien différent de celui de la Butte aux Cailles dont l’artiste avait fait son terrain de jeu à ses débuts – mais où elle avait installé son dernier atelier – que se trouve l’espace d’exposition de la Galerie Mathgoth. Dans cet espace de béton brut de plus de 300 m2, « Je suis partie pour rester » rassemble une soixantaine d’œuvres de Miss.Tic, ainsi que des objets personnels, des documents de travail, des photos inédites, des matrices de pochoirs jamais exposées, des vidéos d’archives. Des pièces issues de la collection de ses beaux-enfants et ayants droit, Charlotte et Antoine Novat, auxquels l’artiste, peu avant sa disparition, avait confié le soin de gérer son œuvre.
Une œuvre que l’exposition nous propose de parcourir de façon thématique, avec tout d’abord Paris, où Miss.Tic est née et qui a été, comme elle dit elle-même son « terrain de jeu ». On la voit, dans une video, assise avec son chien à la petite terrasse d’un bistrot de la rue des Cinq Diamants, disant « ce qui m’attire dans la rue c’est la vie… et la poésie, c’est la vie, pas juste de la littérature. ». La poésie à laquelle sa mère l’a initiée en lui donnant à lire Prévert, les mots de la poésie auxquels il a fallu ajouter l’image pour qu’ils accrochent le regard, a-t-elle constaté. C’est donc en plasticienne et poétesse, en mêlant dans l’espace public texte et dessin – une silhouette féminine à la fois séduisante et irrévérencieuse – que Miss.Tic (1) s’est imposée dans un milieu jusqu’alors essentiellement masculin.
« Des éclats de philo sous la peinture », cette section de l’exposition nous ramène aux mots qui, sous l’humour – souvent jubilatoire – et la poésie, sont « des éclats de lucidité, des doutes jetés sur les murs comme autant d’invitation à penser » , comme : « ce qui nous crève les yeux nous rend aveugles«
Sur un plan plus politique, c’est un autre moment du parcours, ses aphorismes opposent à la langue du pouvoir une parole libre, qui se joue des slogans en les détournant, « Des lendemains qui chantent faux »… Elle pastichera les rituels de l’élection présidentielle avec ses fausses candidatures qui s’afficheront en 1988 dans les pages du Journal Libération, puis sous forme d’affiches A4, pour les suivantes, jusqu’en 2007. « Présidente d’une politique sans parti », Miss.Tic s’affirme surtout comme « résistante » : « détruire ce qui nous détruit », « Les lâches ne nous lâcheront pas », et sa façon de résister, c’est l’art de s’exprimer librement dans la rue.
En s’imposant comme artiste femme dans une forme d’expression artistique jusque là essentiellement conjuguée au masculin, Miss.Tic s’affirmait de facto comme « féministe ». Quant à son féminisme assumé, il est très lié à la charge érotique de son art, à laquelle est consacrée une autre partie de l’exposition.
Un érotisme qui défend un désir féminin non édulcoré. « Ses femmes ne cherchent pas à plaire, mais à troubler, à réveiller. Elles prennent, elles réclament, elles jouissent, elles défient » : « Cueillir l’éros de la vie », « Bricole-moi un été ». Un érotisme qui dénonce aussi le porno, « le bêtisier du désir », pour le coup illustré par une silhouette masculine tout en muscles. Le masculin est égratigné avec ironie : « L’homme est un loup pour l’homme et un relou pour la femme » , « Le masculin l’emporte … mais où?«
On s’attardera dans la salle où sont projetées des vidéos d’archive. On y verra Miss.Tic dans son atelier, détailler les étapes de son travail ; s’expliquer sur la relation entre le texte et la figuration, « c’est très très subjectif », dit-elle, et non figé ; évoquer sa vie et l’accident qui a mis fin à son désir de s’exprimer par la danse, puis l’incursion dans le théâtre, les années à se chercher, le séjour aux États-Unis, le retour en France et la découverte d’œuvres sur les murs « nouveau, transgressif, subversif »… Les nuits au poste de police pour « dégradation »… Et, surtout, au cœur de sa démarche : « le désir … de désirer encore » , et de citer Éluard : « Le dur désir de durer ».

Miss.Tic dans son atelier de la rue Henri Michaux (mars 2022) Photo Audrey Andriot ©Atelier MissTic DR
Miss.Tic est bien partie pour rester ! D’autant que tout au long de sa carrière elle aura multiplié les collaborations et les projets, mêlant son univers à celui du cinéma, de la musique, de la mode ou encore des institutions. Jusqu’à un square dans le Vème arrondissement (2) auquel on a donné son nom en 2024.
Alors, à la question posée par Miss.Tic dans une de ses œuvres « Le temps est-il un crime parfait ? », on pourrait répondre : pas tout à fait en ce qui la concerne…

(1) Un pseudonyme qu’elle emprunte au journal de Mickey, et à la fameuse sorcière Miss Tick qui tente par tous les moyens de voler l’or de l’oncle Picsou.
(2) l’ancien square Saint-Médard de la rue Censier

Adresse du lieu de l’exposition :
1, rue Alphonse Boudard
75013 Paris
Jours et heures d’ouverture :
du mercredi au samedi de 14h30 à 19h00
le dimanche de 15h00 à 18h00
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