Takeshi Kitano, gosse de peintre et enfant terrible

Qui es-tu, toi qui me regardes?!/photo DB

Cinéaste, acteur, homme de télévision, auteur, peintre : les multiples facettes de l’artiste japonais sont à découvrir dans l’exposition Beat Takeshi Kitano, gosse de peintre, présentée à la Fondation Cartier à Paris jusqu’au 12 septembre 2010. Peintures, vidéos, objets insolites et machines fantasques sont autant de pistes pour un autoportrait de l’artiste, en un parcours ludique où se mêlent fantaisie, humour, sérieux, dérision et où chacun, enfant comme adulte, trouve son plaisir. Tonique avant la rentrée!

Depuis bientôt six mois, et pour une quinzaine de jours encore, l’univers de Takeshi Kitano a investi le bel espace de la Fondation Cartier pour l’Art contemporain, boulevard Raspail. Avec un indéniable succès, puisque quelque 110 000 visiteurs sont déjà venus le découvrir.

Un univers qui fait écho aux multiples activités et talents de l’artiste et révèle  en même temps ses goûts, passions ou préoccupations …  Sous l’humour, parfois noir ou loufoque, mais toujours impertinent – et le jeu qui fait de l’exposition une sorte de parc d’attractions, Kitano s’exprime, s’interroge et nous interroge. A l’instar du mannequin  qui le représente tenant dans la main droite son cerveau extrait de sa boite cranienne avec l’interrogation Qui es-tu, toi qui me regarde? Monologue intérieur, interpellation du visiteur mais aussi évocation du terrible accident de scooter qui a failli lui coûter la vie au milieu des années 1990 et à la suite duquel il a refusé une craniotomie ….

Pour le visiteur français qui ne connait guère de Kitano que  ses films diffusés en France, qui a lu qu’il était une vedette de la télévision nippone et peut-être entrevu quelques-uns de ses tableaux dans le film Hana-bi (2), cette exposition est une joyeuse surprise.

Perplexité devant La tour de Hanoï / Photo DB

Outre qu’on peut y voir des extraits de de ses shows de télévision comiques et particulièrement déjantés, on y découvre notamment un passionné de sciences – une de ses émissions hebdomadaires à la télévision a trait aux mathématiques  – qui nous fait partager les vertiges du temps et du hasard, avec des jeux et métaphores scientifiques. Comme le casse-tête dit La tour de Hanoï (inventé au XIXème siècle  par un mathématicien français) que le visiteur peut expérimenter sur des versons simplifiées, ce qui ne veut pas dire faciles…

La machine à coudre version Kitano /Photo DB

Ou l’installation Probabilité du hasard qui, avec une horloge, un boulon et un socle vibrant, met en évidence la disproportion d’échelle entre le temps humain et celui de la création de l’univers, et l’ineffable hasard dont relève l’apparition de la vie sur terre….

Takeshi Kitano se fait  bricoleur de génie pour fabriquer une impressionnante machine à coudre à l’allure de locomotive, « usine à gaz » qui, à l’instar de la montagne accouchant d’une souris, confectionne à grand bruit un mince ruban… Métaphore ironique de la création artistique?

Quant à la théorie Kitanienne sur la disparition des dinosaures, elle est à se plier de rire. Et on s’amuse doublement en voyant les parents tenter de rendre intelligible à leurs jeunes enfants les légendes des dessins illustrant les hypothèses du professeur Kitano…

Quelques hypothèses, parmi d’autres, sur l’extinction des dinosaures / Photos DB

En observateur lucide de son pays, Takeshi Kitano épingle au passage quelques réalités déplaisantes. Une installation met en scène l’impossible pendaison d’un criminel (pour des raisons tout aussi loufoques que celles évoquées pour les dinosaures), histoire de rappeler que la peine de mort n’a pas été abolie au Japon…

Poissons-Sushis/Photo DB

Moins grinçantes, mais tout aussi pertinentes, les deux vidéos comiques que Takeshi Kitano a tournées en exclusivité pour la Fondation Cartier. C’est ça le Japon, est une compilation de situations, d’images stéréotypées de la société japonaise et des préjugés occidentaux.

Un double registre qu’illustrent les poissons transgéniques déjà garnis de sushis présentés dans une vitrine. Une manière de dénoncer  à la fois les excès de la biotechnologie (1) et l’association facile Japon-Sushi dans l’imaginaire occidental. Mais aussi de rendre hommage au savoir-faire traditionnel des céramistes de Haji (au Japon) auxquels il  a confié la réalisation de ces poissons.

Quant à l’imaginaire de Kitano, les vingt-quatre tableaux peints en 2008-2009 (sur les quelque cinq cents que ce « peintre du dimanche » a réalisés) en donnent une idée. Plus encore peut-être ceux peints en 1996 (alors qu’il était en convalescence) représentant des créatures hybrides entre entre animaux et fleurs et qui sont exposés avec un ensemble de vases inspirés par ces mêmes êtres étranges…

Hybrides encore, entre science et dérision, les créatures issues des plans secrets de l’Armée impériale japonaise (et de l’imagination de Kitano) visant à transformer des animaux en armes… « On rit, bien sûr. Mais très sérieusement, une baleine est bien meilleure nageuse que la coque d’un hydravion. Une libellule vole mieux qu’un hélicoptère« , commente l’artiste.

On comprend l’admiration de Takeshi Kitano pour les artistes de la Renaissance, comme Léonard de Vinci : « De Vinci était peintre, mais il était aussi scientifique. J’aime l’idée qu’il pouvait intervenir sur divers éléments de tel ou tel champ d’application à la fois, et que ce tout constituait son oeuvre artistique« , déclare-il dans un entretien avec  Michel Temman. (3)

Avec pour Kitano, l’humour ravageur en plus….

(1) Les manipulations génétiques sur les poissons  pour en modifier l’aspect est une réalité ancienne au Japon, comme on avait pu le constater lors de la 5ème Biennale du Design à Saint-Etienne avec les carpes japonaises transformées en «bijoux vivants», une pratique vieille de deux siècles basée sur des mutations successives.

(2) 1997, Lion d’Or à la Mostra de Venise

(3) entretien publié dans le catalogue de l’exposition, co-édité par la Fondation Cartier et Actes Sud.

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Un commentaire pour Takeshi Kitano, gosse de peintre et enfant terrible

  1. Derek Dawson dit :

    This iis a great post

    J’aime

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