
Iron Worker, Chicago -1969- Jonas Dovydenas
La qualité des expositions présentées à la Fondation Mona Bismarck à Paris ne se dément pas, Made in Chicago en est la confirmation. Les 90 photos de la petite cinquantaine d’artistes, couvrant les années 1930 à 2007 et réunies sous ce titre témoignent tant de la créativité des artistes de cette fameuse « Ecole de Chicago » et de leurs descendants, que de la pertinence de la collection Bank of America Merril Lynch dont elles sont issues. A voir jusqu’au 6 novembre 2010
S’il est « notoire que les plus passionnants des artistes de Chicago, au siècle dernier étaient des photographes« , comme le souligne Whitney Bradshaw, le conservateur de la collection de Bank of America Merryl Lynch, les quatre-vingt dix oeuvres exposées à la Fondation Mona Bismarck, en sont un remarquable échantillon.
L’aventure de la photographie à Chicago a commencé à la fin des années 1930, avec la fondation de la New Bauhaus/American School of Design par Laszlo Moholy-Nagy, qui avait enseigné pendant la République de Weimar en Allemagne. L’école, rebaptisé Institute of Design (ID) en 1944 a été l’une des premières à introduire la photographie en tant que discipline à part entière et à l’enseigner comme une forme d’art (1), attirant les plus grands noms de la photo, ce qui allait permettre à Chicago de rivaliser sur ce terrain avec New York et San Francisco.
Parmi ces grands noms, Harry Callahan, dont cinq clichés des années 1950 ouvrent l’exposition. Harry Callahan à qui la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris rend hommage actuellement dans le cadre du Mois de la Photo, et à qui est emprunté le sous titre de cet article « La photographie est une aventure » (2).
Un autre « pilier » de l’ID, Aaron Siskind, membre de la Photo League (Society for photographic education) associe recherche formelle et enquête sociale pendant la grande dépression. Elève de l’ID dans les années 1950, Ray K. Metzker mêle l’héritage de ses deux maîtres Callahan et Siskind, en captant les passants pressés et en se livrant à « l’exploration du potentiel formel du noir et blanc » avec les subtils jeux d’ombres qu’offre la ville, comme dans Composite. Une « exploration » que l’on retrouve aussi avec Yasuhiro Ishimoto.
Entre temps le photo reportage a pris son essor, ainsi que la couleur et une nouvelle génération de photographes a pris le relais, continuant à donner ses lettres de noblesses à la photographie Made in Chicago.
Dans une dernière salle et sous l’omniprésence de l’oeil géant du photographe, vidéaste et sculpteur Tony Tasset, on peut constater que la recherche formelle se poursuit avec la couleur.
Par exemple chez Terry Evans (Plage), ou Arthur Siegel (Dry Cleaning) et se conjugue avec l’instantané social, chez Cecil McDonald (Frances before dinner).
En guise de conclusion, on fera nôtre la profession de foi d’un autre grand de la photographie américaine, Lee Freedlander (né en 1934), qu’on aura relevée dans l’exposition : « Je photographie pour voir à quoi ressemblent les choses une fois qu’elles sont photographiées » … (3)
(1) En France, ce n’est qu’en 2007 que l’Académie des Beaux-Arts reconnaîtra officiellement la photographie comme un des « beaux-arts » en créant en son sein une section dédiée, avec un Prix annuel destiné à aider les photographes professionnels à réaliser un projet significatif et à promouvoir leur travail.
(2) le texte intégral de la citation est le suivant : « La photographie est une aventure, tout comme la vie est une aventure. Si une personne v eut s’exprimer photographiquement, elle doit absolument comprendre sa propre relation à la vie« , texte en exergue de l’exposition Harry Callahan,Variations, à la Fondation Henri Cartier-Bresson jusqu’au 12 décembre 2010.
(3) Une exposition qui comme celles qui ont précédé (voir notamment Made in France by Americans), s’inscrit dans la vocation de la Fondation Mona Bismarck de favoriser les échanges culturels entre la France et les Etats-Unis.