REHAB, L’art de re-faire

Réhabiliter, recycler, deux mots familiers du vocabulaire de l’écologie dont l’Espace Fondation EDF à Paris propose une déclinaison artistique avec l’exposition REHAB, l’art de re-faire. Sculptures, vidéos, photographies, installations sont le fruit du détournement d’objets et de matériaux du quotidien parvenus au stade du déchet. Réalisées par une quinzaine d’artistes, ces oeuvres mettent en évidence le potentiel esthétique du recyclage mais aussi  l’ambiguïté et les limites de celui-ci.  A  voir jusqu’au 20 février 2011.

C’est un lieu lui-même « réhabilité » qui accueille cette nouvelle exposition de la Fondation EDF dans son espace culturel parisien installé depuis une vingtaine d’années dans une ancienne sous-station d’électricité, construite en 1910 dans le 7ème arrondissement. Un nouvel éclairage diffuse une lumière du jour sur le rez-de-chaussée et la mezzanine mettant en valeur le volume du lieu et les oeuvres installées.  Comme celle qui accueille le visiteur : l’imposant palmier de Douglas White, entièrement réalisé avec des déchets de pneus sur une armature métallique.

Vestige d’un brusque changement climatique ou conséquence indirecte du tout voiture? Quoiqu’il en soit, avec ce palmier « carbonisé » et cette matière polluante emblématique de l’économie mondiale qu’est le pneu, l’artiste britannique a créé  un objet éminemment esthétique, presque magique. Douglas White a ajouté « une nouvelle espèce aux quelques 4000 espèces de palmiers« , commente avec humour Bénédicte Ramade, la commissaire de l’exposition. Mais pas vraiment « écologiquement correct« , avec « un bilan carbone exponentiel« , ajoute-t-elle, car il a bien fallu les transporter, tous ces pneus….

Black Palm, Douglas White/photos DB

L’artiste Danois Tue Greenfort, s’interroge, lui, explicitement sur le « coût » du recyclage : « 1 Kilo PET« , sa compression de bouteilles en plastique,  n’a-t-elle pas nécessité, outre 17 bouteilles,  17,5 ltres d’eau, des émissions de 40 grammes d’hydrocarbure, d’oxyde de soufre, de monoxyde de carbone, de dioxyde ? Bref, ce qu’il faut pour obtenir un kilo de polyéthylène téréphtalate ou P.ET., cette matière non réductible du plastique. De quoi avoir des doutes sur le caractère vertueux du recyclage, s’il « ne pose pas en amont la question de la consommation« , précise Bénédicte Ramade.

 

Lucie Chaumont, Empreinte écologique/ Photo DB

 

La consommation, précisément, Lucie Chaumont, la met en évidence dans son installation Empreinte écologique, réalisée avec des centaines d’emballages de nourriture, du pot de yaourth à la barquette de viande. Déchets qui représentent sa consommation alimentaire sur plus d’un an, et que l’artiste a moulés dans le plâtre et dispersés sur le sol. Pour la commissaire de l’exposition, cette oeuvre est comme « une sorte d’arquéologie du quotidien, un portrait en creux d’une jeune femme d’aujourd’hui« .

 

Eva Jospin, Forêt / Photo DB

 

L’oeuvre d’Eva Jospin est moins explicite sur le discours, mais très réussie plastiquement. Sa Forêt, bas relief sculpté avec du carton d’emballage, invite le regard à pénétrer dans la profondeur de ses couches réelles ou en trompe-l’oeil… Même impression avec le travail photographique de Marjan Teeuven, où l’entassement de papiers devient architecture en abyme, faisant penser aux tableaux de Vieira da Silva.

Il faut aussi parler du travail  (Photo et vidéo) de Mierle Laderman Ukeles, cette Américaine qui a mis deux ans,  entre 1978 et 1980, pour serrer la main des quelque 7500 éboueurs de New York. Une oeuvre militante par laquelle cette artiste devenue « femme au foyer » et donc moins « visible », explique Bénédicte Ramade, a voulu donner de la visibilité à ces « hommes ménagers », et à leur travail tout autant méconnu qu’indispensable…

On peut mettre en parallèle la « performance » (vidéo) de Damien Berthier , où l’artiste se dépêche, juste avant le passage des éboueurs, d’organiser méthodiquement dans l’espace les ordures déposées au coin de la rue. Une sorte de tri sélectif,  de geste créatif créant une oeuvre éphémère aussitôt effacée … Il y a un peu de  Buster Keaton dans Damien Berthier...

 

Marjan Teeuwen, Verwoerst Huis / Photo DB

 

Il y a bien d’autres oeuvres encore à découvrir avec les dix-huit artistes invités à  REHAB… A chaque visiteur de faire son propre « tri sélectif  » dans cette exposition qui propose plusieurs niveaux de lecture, dont celui de la nature et du statut de l’oeuvre  dans l’art contemporain…. A cet égard le catalogue  – un hors-série Découvertes Gallimard (1)- permet de mettre en perspective, de manière éclairante et concise, cet « art du déchet » au XXème siècle.

(1) En co-édition avec Fondation EDF Diversiterre

Cet article, publié dans Culture, Tendances, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

2 commentaires pour REHAB, L’art de re-faire

  1. smokethorn dit :

    Waouh! ces arbres et forêts sont étonnants! merci pour le bon plan, je vais filer voir cet expo prochainement!

    J’aime

  2. Vence dit :

    En complément, vous pouvez trouver une chronique de l’exposition de Lucie Chaumont sur le site paris3e.fr

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s