L’Heure, le feu, la lumière brillent aux Gobelins

Par ces temps de pauvre clarté, il fera bon se réchauffer à l’éclat des bronzes dorés du Garde-Meuble impérial et royal présentés par le Mobilier national à la Galerie des Gobelins. L’exposition  L’Heure, le feu, la lumière, est l’occasion de découvrir notamment la très riche collection des pendules du Mobilier national, témoignages précieux de l’évolution de la mécanique au service du temps et marques de distinction sociale tout au long du XIXe siècle.

A voir jusqu’au 27 février 2011.

Paradoxalement, la pendule qui accueille le visiteur au premier niveau de la Galerie des Gobelins, n’est pas celle qui brille le plus. Mais la pendule  dite « sympathique » N°20 de la maison Bréguet, achetée en 1834 par Louis Philippe est une rareté.

La pendule "sympathique" / Photo DB

Imaginée par Bréguet en 1795 et présentée pour la première fois à l’Exposition des produits de l’Industrie de 1798, la pendule « sympathique » est en fait un système composé d’une pendule et d’une montre, celle-ci étant automatiquement remise à l’heure et réglée, dès lors qu’elle est insérée dans le « berceau »  situé sur la partie supérieure de la pendule ». La pendule  N°20 et sa montre N°48, présentées dans l’exposition, séparées depuis 1909, l’une au Mobilier national, l’autre au château de Malmaison, ont été réunies pour cette occasion, et les mouvements restaurés par la société Bréguet. (1)

Quelque 80 pendules – sur le fonds de quelque 900 pièces dont dispose le Mobilier national – constituent l’axe marquant de cette exposition, aux côtés de bronzes d’ameublement – candélabres, torchères, bras de lumière, vases, objets de toilette.  C’est qu’elles ont connu après la Révolution une vogue sans précédent, à laquelle s’ajoute, avec l’avènement de Napoléon 1er une véritable renaissance des arts décoratifs, lesquels rivalisent avec la grande sculpture française du XVIIIe siècle.

Ce sera d’ailleurs l’objet d’un débat au XIXe siècle sur l’art, les arts décoratifs, et la statuaire d’édition. Les sculpteurs devaient-ils donner leurs oeuvres pour les pendules?La question fut posée avec la pendule représentant Galilée, oeuvre du sculpteur Jean-Jacques Feuchère – à qui l’on doit  notamment la statue allégorique de La Loi, place du Palais Bourbon à Paris –  présentée au salon de l’industrie en 1839.

Pendule "La France écrivant"/Photo DB

Qu’elles puisent dans l’histoire ancienne (Hannibal après la bataille de Cannes) ou présente (pendule à la gloire de Napoléon III), les pendules sont aussi symboliques du pouvoir, comme le montrent les pièces « historiques » rassemblées au 1er étage de la Galerie, a commencer par la très allégorique pendule La France écrivant ou Le génie de l’Histoire. Ironie de l’Histoire, l’objet lui-même sera soumis aux vicissitudes celle-ci puisqu’en 1814 les emblèmes du commanditaire – Napoléon 1er – se verront remplacés par les ornements de la monarchie…

Pendule "au télégraphe"/Photo DB

Fruit de l’évolution des techniques, la pendule, et c’est moins attendu, se fait aussi l’écho de progrès dans d’autres domaines, comme la pendule dite « au télégraphe » (1806) représentant un télégraphe Chappe, moyen de communication récemment inventé et essentiellement utilisé alors à des fins militaires. Installé au sommet d’un arc de triomphe, ce télégraphe témoigne aussi de la tendance marquée sous l’empire, d’intégrer dans les objets décoratifs que sont les pendules des éléments empruntés à l’architecture monumentale.

La plupart des oeuvres exposées n’avaient jusqu’ici  jamais été présentées à Paris et nombre d’entre elles le sont pour la première fois. Aux pendules et autres bronzes d’ameublement répondent des pièces de mobilier, des tapisseries murales, des cartons peints et des textiles d’ameublement de la même époque. Le tout mis en valeur par la scénographie de Didier Blin qui a souhaité que « le parcours de l’exposition [soit] comme une ligne du temps » dont « l’épine dorsale » est constituée par les pendules. Les jeux d’éclairage et par endroits les effets de démultiplication des formes et silhouettes des objets au travers d’une succession de vitrines donnent un éclat particulier à l’exposition, une sorte d’enchantement, y compris pour ceux dont les bronzes a priori ne sont pas la tasse de thé… (3)

« les belles pendules ! les beaux  tapis ! les belles livrées ! Ce doit être bien importun ! Oh ! que je ne voudrais pas avoir tout ce superflu-là à me crier sans cesse aux oreilles : il y a des gens qui ont faim ! Il y a des gens qui ont froid ! Il y a des pauvres ! Il y a des pauvres ! » (Victor Hugo, Les Misérables)

Pendule "Ariane endormie", avant 1865/Photo DB

(1) En 2009, Le musée du Louvre a consacré une exposition au maître horloger, Bréguet, un apogée de l’horlogerie européenne. Pour en savoir plus, cliquer ici.

(2) Dans Le Journal de Paris (4 mai 1810)

(3) Didier Blin, architecte-muséographe, a également réalisé la scénographie de l’exposition Henry Moore, l’atelier : sculptures et dessins, présentée au musée Rodin.
jusqu’au 27 février 2011.

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