Le cinéma La Clef à Paris présente une rétrospective des films de Patricio Guzman. Au travers de ses documentaires, le réalisateur chilien s’est fait depuis quarante ans le chroniqueur inlassable et inspiré de l’histoire contemporaine de son pays. Une histoire marquée par le coup d’Etat et la dictature du général Pinochet avec ses milliers de « disparus » et d’exilés. De La Bataille du Chili (1974/1979), sa trilogie inaugurale, à son dernier film, La Nostalgie de la Lumière (2010), c’est l’intégralité d’une œuvre à la fois documentée et profondément personnelle qui est présentée au public du 28 mars au 9 avril 2012.
« Un pays qui n’a pas de cinéma documentaire, c’est comme une famille sans album de photographies », écrit Patricio Guzman. Cet album de la mémoire, le réalisateur chilien le remplit consciencieusement et inlassablement depuis plus de quarante ans, avec des films sur l’histoire récente de l’Amérique latine et tout particulièrement de son pays, le Chili. Des films qui invitent à la fois à la connaissance et à une réflexion autant artistique (poétique) que politique.
Car on le sait : la réalité ne se livre jamais telle quelle, mais toujours par le prisme d’un regard et d’une sensibilité, au croisement de deux histoires, personnelle et collective. Les deux sont intimement liées chez Patricio Guzman qui, après avoir été emprisonné sous le régime de Pinochet lors du coup d’Etat de 1973,s’est exilé en France.
Depuis la trilogie fondatrice de La Bataille du Chili réalisée de 1973 à 1979 en collaboration avec Chris Marker, à Salvador Allende en 2004, Patricio Guzman, s’est fait le chroniqueur, le « passeur de mémoire », comme il dit lui-même, de cette histoire, par le biais de ses films.
Le cinéma La Clef s’est fixé comme objectif la diffusion d’un cinéma engagé et de productions cinématographiques peu diffusées. La rencontre avec Patricio Guzman allait donc de soi, qui s’est concrétisée l’an dernier avec la présentation de La Nostalgie de la lumière.
Ce film magnifique, réalisé en 2010 et présenté en sélection officielle hors compétition au Festival de Cannes la même année, occupe une place à part dans l’œuvre du réalisateur. Salué comme « un des plus beaux essais cinématographique qu’on a vus depuis longtemps » (1), il mêle la recherche astronomique, l’archéologie indienne et la mémoire de la dictature. Le désert d’Atacama réunit en effet le plus grand observatoire astronomique du monde, des vestiges des anciennes civilisations autochtones et les ossements enfouis des prisonniers des camps de la dictature. Des camps établis sur les vestiges de l’exploitation esclavagiste du salpêtre au XIXe siècle.
Un film qu’on pourra voir ou revoir dans cette rétrospective qui rassemble l’intégrale documentaire, soit une bonne douzaine de films, ainsi qu’une série de cinq court-métrages, Chili, une Galaxie de problèmes (2010), réalisés par Patricio Guzman. Lequel sera présent à certaines projections suivies d’un débat.
On pourra voir également deux films de deux autres réalisateurs. Arcana, un documentaire sur la dernière année de fonctionnement de la prison de Valparaiso signé Cristobal Vicente et sélectionné par Patricio Guzman. Les Fantômes de Victoria, de Ronnie Ramirez, sélectionné par les organisateurs de la rétrospective. Victoria, ville fantôme de l’Atacama, rayée de l’histoire et de la mémoire collective, dans un processus d’amnésie semblable à celui qui frappe le coup d’Etat de 1973. Il n’est qu’à voir les étudiants chiliens en pleurs à l’issue de la projection de La Bataille du Chili dans le documentaire de 1997 La Mémoire Obstinée, avec lequel s’ouvre la rétrospective : ces jeunes découvrent la réalité de l’histoire tragique dont jamais personne ne leur avait parlé. Voilà pourquoi Patricio Guzman, lui, a décidé avec ses films de « raconter cent fois, mille fois cette histoire« , car « la mémoire c’est comme le sang, c’est ce qui donne vie à un pays« .
(1) Jacques Mandelbaum, in Le Monde, 26/10/2010
(2) Pour voir le programme complet, cliquer ici
Le cinéma La Clef :
34 Rue Daubenton
75005 Paris
Tel : 09 53 48 30 54
Muy emocionante la retrospectiva y el artículo, Merci Danielle
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