Les ROBOTS entre science et conscience au Musée des Arts et Métiers

Avec l’exposition Et l’Homme… créa le robot, c’est à un voyage scientifico-philosophico-poétique que nous convie le Musée des Arts et Métiers à Paris, jusqu’au 3 mars 2013.  La robotique est désormais une réalité dans tous les domaines : industrie, exploration des mers, conquête spatiale, médecine, guerre, univers domestique ou ludique,  et les progrès technologiques ne cessent d’en élargir les applications. Quant au robot humanoïde, il continue d’alimenter débats et interrogations, et de nourrir l’imaginaire des romanciers, cinéastes et artistes… 

Ce sont d’ailleurs deux de ces robots humanoïdes qui accueillent le visiteur à l’entrée de l’exposition. Enfin, pas tout à fait, puisque Robbix et Robbixa  sont des « animatronics », c’est à dire « des systèmes mécaniques personnalisables autonomes ou pilotés par ordinateur« , nous explique-t-on.  Quoiqu’il en soit, leurs explications guident nos premiers pas et c’est de leur « bouche » que nous découvrons par exemple les trois lois de la robotique formulées dans les années 1940 par l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov. (1)

« ROBBIX » et ROBBIXA » / Photo db

Que ce soit dans des romans ou dans la réalité, les robots sont nés de la l’intelligence et de la main de l’homme, c’est ce que l’exposition du musée des Arts et métiers vient rappeler : Et l’Homme … créa le robot. Et pour cela il faut faire un peu d’histoire, scientifique et technique. Avec un premier distinguo important : « Automate n’est pas robot » comme le signale la première salle de l’exposition, même si tous deux partagent une certaine « généalogie technique », une filiation avec la mécanique traditionnelle, des Egyptiens anciens à la naissance de l’horlogerie de précision en Europe au XVIIe siècle et à la banalisation des jouets automates des XIXe et XXe siècles. Un propos illustré par des objets précieux (automates, horloges anciennes, tableaux animés).

Mais si les automates sont capables de reproduire sans fin des mouvement imitant ceux des êtres vivants, les robots, eux, peuvent « apprendre, raisonner, interpréter , s’adapter, capitaliser une expérience« .

C’est aux Etats-Unis dans le domaine de l’industrie, et notamment automobile, que les robots ont fait leur apparition à l’orée du XXe siècle et l’on ne s’étonnera pas que leur soit associé le nom de l’ingénieur et économiste Frederick Winslow Taylor, promoteur de « l’analyse et organisation scientifique du Travail », une rationalisation du travail à la chaîne pour le meilleur rendement possible. Ford sera l’un des premiers à appliquer le Taylorisme… On ne s’étonnera pas non plus que, comme le rappelle Serge Chambaud, Directeur du MAM,  » le mot « robot », imaginé par l’écrivain Tchécoslovaque Karel Capek en 1921, signifie « travailleur » ou « esclave »… Un concept qui « a donné lieu au développement d’une mythologie débridée pendant tout le XXe siècle, inspirant la littérature, le théâtre et surtout le cinéma, de Metropolis, de Fritz Lang (1927), à Terminator, de James Cameron, en passant plus récemment par I-Robot, d’Alex Proyas.  » L’exposition s’achève sur un film d’une dizaine de minutes  – Robot Habilis, entre science et conscience – où l’on peut voir, entre autres, des extraits de ces films.

« JOB », le renard / Photo db

Avant d’en arriver là, on aura suivi l’évolution des technologies et des champs d’application de la robotique, illustrée par des prototypes de robots et robots industriels issus des collections du Musée desArts et Métiers, ou prêtés par des institutions de recherche ou entreprises. (2) Dans ce parcours, la cybernétique  – théorisée en 1848 par le mathématicien et ingénieur américain Norbert Wiener –  représente une étape importante vers la robotique. En témoigne Job, le renard électronique mis au point en 1953 par l’ingénieur français Albert Ducroq. Sous sa fourrure rousse il dissimule tout un dispositif électronique qui en fait « un premier pas vers la mise en oeuvre d’une intelligence artificielle autonome« …

Au début des années 1960, Général Motors équipe une de ses usines du robot Unimate pour manipuler des pièces de fonderie sous pression puis pour souder les caisses des véhicules. Cinquante ans plus tard les visiteurs du MAM regardent le robot nouvelle génération à double bras SDA 10 (Motoman) manipuler des logos pour construire … un robot!

Robot industriel Motoman SDA 10 / Photo db

Aller là où l’homme ne peut s’aventurer sans péril, c’est le rôle dévolu aux robots dans le domaine nucléaire, dans les abysses ou dans l’espace. Et la guerre? On connait les drones, ces engins d’observation aérienne sans pilote humain qui peuvent décoller et atterrir seuls, on connait moins les robots de remplacement des soldats dans certaines de leurs tâches : « robots-rondiers », sentinelles nocturnes, ou les robots d’assistance médicale conçus pour extraire un soldat blessé d’une zone  de combat et lui prodiguer les premiers soins… Ou encore les robots offensifs multifonctions pour effectuer des missions de reconnaissance et faire feu si besoin. De là à « déléguer » en quelque sorte à un robot le choix de la vie ou de la mort… La réflexion éthique accompagne forcément le développement de la robotique.

De la guerre à la prothèse, il y a hélas une logique… qu’accompagne la robotique. Dans ce domaine une véritable « révolution » s’est opérée depuis le début des années 2000 avec la mise au point de prothèses dont les mouvements sont commandés par le cerveau dont elles peuvent capter les impulsions nerveuses, comme la prothèse de main Michelangelo, sur le marché depuis 2010.

Prototype d’un robot pour nettoyer la pyramide du Louvre / Photo db

Travailleur, esclave… Le robot est, sinon taillable, du moins  « corvéable à merci », notamment pour le nettoyage.  De la pyramide du Louvre, par exemple. C’est « Robuglass » qui s’en charge, un robot conçu par la société Robosoft, installée à Bidart dans les Pyrénées. Mais si les robots de nettoyage industriel sont de plus en plus répandus et adaptés à leurs secteurs d’intervention, le robot domesticus a du mal à pénétrer les foyers. Et pourtant qui ne rêverait d’un  robot aspirateur nettoyant la maison en notre absence? Un tel engin existe. Et d’autres bientôt , comme des robots répétiteurs en langues étrangères, des robots d’aide à l’apprentissage dans le cadre des programmes scolaires, ou encore des compagnons de jeux « intelligents »… Mais, il faut le reconnaître, outre des raisons de coût, « faire entrer un robot chez soi reste pour beaucoup un pas à franchir« …

Fabian Sanchez / Photo db

Peut-être parce que l’idée de robot s’accompagne encore inconsciemment de cette image d’un androïde, « imitation mécanique d’un homme parfait », de ces histoires de créatures artificielles échappant au contrôle humain, que romans et films de science-fiction ont véhiculé… L’épouvante du robot que l’on ne peut plus déconnecter… La dernière partie de l’exposition – dont il faut saluer l’ensemble de la scénographie – nous confronte à cet imaginaire culturel du robot. Les images de la Maria de Metropolis,  le film de Fritz Lang, se superposent momentanément à la reconstitution du Robot imaginé en 1927… La « machine animée » continue d’inspirer les artistes, comme le sculpteur Fabian Sanchez, dont on peut voir une oeuvre réalisée à partir d’une machine à coudre. (3) On ne peut s’empêcher de penser à Lautréamont,  – « Beau comme la rencontre d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection » – revu par Dali, encore que l’être hybride et animé, sorti de l’imagination de l’artiste  soit inclassable et passablement inquiétant …

C’est un fait : Homo Sapiens cohabite déjà depuis un certain temps avec Robot Habilis, parfois, sinon souvent, sans le savoir. Il serait peut-être bon qu’à  l’avenir  « notre regard sur eux prennent en compte leur réalité« . C’est ce à quoi souhaite contribuer cette exposition au Musée des Arts et Métiers.

(1)  Les trois lois auxquelles sont astreints les « robots » des fictions d’Asimov :
1- Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.
2 -Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi.
3 – Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi.

(2) Notamment,  l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer).

(3) Fabian Sanchez, né au Pérou en 1934 est installé à Paris depuis 1965. « C’est en pensant à la façon dont la machine à coudre « mangeait » le tissu, qu’un jour de grâce, j’ai démonté pièce par pièce ce précieux bien appartenant à ma mère. J’avais sept ans… », raconte l’artiste. La remonter sera une tâche ardue, mais il y découvrira « l’intimité métallique de la tête de la machine » et « toutes ces petites pièces d’acier qui « s’entrearticulent » avec une grande précision… » D’autres machines, rencontrées plus tard, nourriront sa création d’oeuvres

le Musée des Arts et Métiers, Paris / Photo db

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Un commentaire pour Les ROBOTS entre science et conscience au Musée des Arts et Métiers

  1. « 1- Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.
    2 -Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi.
    3 – Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi. »
    J’aime particulièrement ces 3 lois qui sont tellement logiques. Je viens de lire sur un blog que l’on pourrait arriver un jour à une lutte robot contre robot, mais compte tenu du principe n°2, me voilà rassurée, ça ne peut pas arriver si on le code dès le départ dans le programme. Ouf ! 😉
    bonne journée,
    cordialement,

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