FIAC 2017 : retour sur un parcours subjectif

Chiharu Shiota, « State of Being (Ship) » 2017 / Photo db

Avec 193 galeries internationales réunies au Grand Palais, c’est plus d’un millier d’ oeuvres d’art moderne et contemporain qui s’offraient au public pour cette 44ème édition de la FIAC. D’où le côté forcément sélectif et subjectif de la déambulation du visiteur venu ici par simple curiosité et goût de la découverte de la scène artistique contemporaine. Un visiteur conscient que cette dernière répond ici à la sélection opérée en amont par les galeries et donc le marché de l’art. Ce qui n’aura pas empêché de glaner quelques moments privilégiés au contact d’oeuvres suscitant plaisir, émotion, interrogation, doute …

Comme s’il fallait un symbole à ce marché de l’art contemporain, à l’entrée de la nef du Grand Palais, la Flame of Desire de Takashi Murakami, oeuvre emblématique de la galerie Perrotin, impose d’office au visiteur ses cinq mètres de clinquant doré (fibre de carbone et feuille d’or). (1)

Heureusement, sur la droite, il suffit de gravir quelques marches pour accéder à l’alvéole où se niche l’installation Grotto réalisée par Éva Jospin à partir de la collection de chalcographie du Louvre. Elle a sélectionné une trentaine d’estampes, évocations des visions urbaines de la Rome baroque, ou des grottes de jardins de rocaille d’Italie ou de Versailles, qui font écho à une gravure réalisée pour l’occasion par l’artiste sur commande de La Réunion des Musées nationaux, ainsi qu’à une nouvelle oeuvre en carton sculpté, ce matériau qui est sa marque de fabrique. (2)

Eva Jospin, « Grotto » / Photo db

Restons en terrain connu avec les sculptures/installations en bois de Tadashi Kawamata et notamment sa « cathédrale de chaises » qu’on avait découverte avec éblouissement dans cette autre cathédrale que sont les crayères du domaine Pommery à Reims, lors de la quatrième édition de l’Expérience Pommery, en 2007. Au Grand Palais, c’est une version en bas relief de la même année que propose la galerie Annely Juda  Fine Arts (Londres), sorte d’épure conceptuelle de l’installation …

Tadashi Kawamata, « Cathédrale de chaise » / Photo db

On s’arrête ensuite devant une autre oeuvre exposée par la même galerie, Red Around Black 2017, de David Nash. Le sculpteur anglais a fait lui aussi du bois son matériau de prédilection, mais en proximité avec la nature. L’agencement fragile et léger, quasiment aérien de la Cathédrale de chaise a fait place au bois massif d’un tronc de séquoia évidé, devenu sculpture rouge et noire, sorte de niche solide semblant prête à accueillir quelque élément plus fragile, vivant?

Reijiro Wada, « SCARLET-Window » / Photo db

Reijiro Wada est un sculpteur japonais, né en 1977 à Hiroshima et représenté par la galerie SCAI The Bathhouse à Tokyo.  Le liquide rouge coulé jusqu’à mi-hauteur dans le double vitrage de sa Scarlet-Window est du vin dont la fermentation dépose sur la partie supérieure des vitres ses bulles gazeuses. Bien sûr, on ne peut qu’y voir du sang et se demander sur quelle aube sanglante s’entrouvre cette « fenêtre écarlate ». Et inconsciemment résonne en nous le vers d’Aimé Césaire : « il n’est pas question de livrer le monde aux assassins d’aube… »

Rouge encore… avec l’intense poésie qui se dégage de State of Being (Ship), de Chiharu Shiota (Galerie Templon). Dans cette oeuvre récente, l’artiste japonaise (née en 1972) a voilé de fil rouge une maquette de bateau, inscrivant celle-ci – épave ou rêve – dans un monde irréel et troublant. Et l’on se rappelle alors les images saisissantes  de son installation au Pavillon du Japon lors de la Biennale de Venise en 2015.

Tomas Saraceno, « Paris Cloud Cities » / Photo db

Suivons le fil… et ceux qu’entrelace et tend Thomas Saraceno, dont la  galerie Esther Schipper expose ici Paris Cloud Cities et Calder Upside Dow. On avait découvert le travail de cet artiste argentin (né en 1973) lors de la Biennale de Venise 2009 où l’espace qui lui était dévolu permettait alors de déambuler au milieu d’un impressionnant foisonnement de Galaxies. (3)

Seung-Taek LEE / Photo db

Avec Seung-Taek Lee, il ne s’agit plus de fils, mais de cordes dans les oeuvres présentées par la galerie Hyundai (Séoul). Ces cordes, l’artiste (né en Corée du nord en 1932) en fait la matière d’un dessin sur la toile ou, lestées d’une pierre au sol, les déploie dans un simulacre de tension, entre installation et sculpture.

C’est toujours avec un sentiment mitigé qu’on aborde les oeuvres réalisées avec des insectes, hésitant entre fascination et rejet, que  ce soit les scarabées et hannetons de Jan Fabre ou les ailes d’abeilles de Patrick Neu. Cela vaut aussi pour Claire Morgan et son oeuvre intitulée Pyre (bûcher funéraire), dans laquelle l’artiste irlandaise mêle mouches vertes et graines de pissenlit suspendues à des fils de nylon, le tout dans une cage de verre…

Les lourds volumes en basalte de la Encyclopedia of Irrésolution sculptés par l’artiste français Loris Gréaud (Galerie Max Herzler, Berlin/Paris) pourraient servir de conclusion – ouverte comme il se doit – à ce  très sélectif parcours dans les allées de la FIAC. Que cette irrésolution soit celle de l’artiste ou du visiteur…

Loris Gréaud, « Encyclopedia of irresolution » / Photo db

 

(1) Des chiffres éloquents : « D’après une étude réalisée par Artprice, parmi les 49 000 artistes contemporains recensés aux enchères, uniquement dix artistes se partagent 35% des recettes globales, et même trois artistes 18%. » Chiffres cités par Edwin Juno-Delgado dans une tribune publiée dans Le Monde à l’occasion de la FIAC 2015.
(2) Éva Jospin qui s’est fait connaître par ses belles et énigmatiques « forêts » de carton, s’oriente vers des créations plus architecturales, toujours dans le même matériau. Une évolution amorcée à l’occasion de l’installation Panorama, exposée en 2016 dans la Cour Carré du Louvre, en contrepoint de l’exposition Hubert Robert.
(3)  Dans le cadre de son projet long cours « Cloud City » Tomas Saraceno a été en résidence avec l’Observatoire de l’Espace, le Laboratoire art-sciences du Cnes

Chiharu Shiota ,“The Key in the Hand”, Venise 2015 / photo Sunhi Mang

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Un commentaire pour FIAC 2017 : retour sur un parcours subjectif

  1. Christine Bouvier dit :

    merci pour ce regard positif et cette déambulation, qui donne quelques regrets d’avoir boudé cette foire, par lassitude d’être spectatrice de cette grand messe spéculative d’un certain milieu de l’art, bien clos…

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