À la rencontre de Léopoldine au Musée Victor-Hugo à Villequier 

La Seine devant le Musée Victor-Hugo/Photo db

« Aime celui qui t’aime, Léopoldine à Villequier » : avec cette nouvelle exposition, le Musée Victor-Hugo/Maison Vacquerie à Villequier, poursuit sa programmation dédiée au bicentenaire de la naissance de Léopoldine, la fille ainée de Victor Hugo, née le 28 août 1824 et disparue tragiquement à l’âge de 19 ans avec son époux Charles Vacquerie dans un naufrage sur la Seine. Déployée sur l’ensemble du musée, l’exposition  mêle objets et documents d’époque, créations contemporaines, videos et ambiances sonores dans un parcours évoquant de façon sensible et poétique la personnalité de Léopoldine, son histoire d’amour, sa relation avec son père et l’intimité des Hugo-Vacquerie. Un parcours qui se poursuit jusqu’à l’église Saint-Martin entourée de son cimetière où se trouvent les tombes des deux familles.
À voir jusqu’au 3 novembre 2025.

La Seine à Villequier/Photo db

L’émotion est là, tout de suite, avec le paysage : venant de Paris on ne s’imaginait pas la Seine si large, telle qu’elle s’offre au regard depuis le jardin de la maison. Un paysage d’une beauté paisible mais indissociable du souvenir de la tragédie qui s’y est déroulée, là tout près, le 4 septembre 1843. Un peu plus tard, Jean Cabaret,le directeur du musée Victor-Hugo, nous indiquera l’endroit exact du naufrage qui a eu lieu sur le chemin du retour d’une visite chez le notaire à Caudebec-en-Caux. Le naufrage a été causé non pas par le mascaret, selon « une légende tenace », explique-t-il, mais « par une bourrasque et l’instabilité d’un canot neuf mal lesté.» Un accident bien éloigné du mythe qui l’a entouré et qu’on pourrait qualifier de stupide, dans lequel ont périt Léopoldine, son mari Charles, son oncle Pierre et et son cousin Artus, agé de 11 ans. Quatre personnes attendues ce jour-là pour déjeuner par la mère de Charles Vacquerie  

La table est mise pour cinq… /Photo db

La table est donc mise pour cinq dans cette salle à manger, où commence l’exposition. Une salle « pensée comme un arrêt sur image du 4 septembre 1843 »,  précise Jean Oddes, scénographe de l’exposition dans laquelle il a voulu « évoquer une absence par la présence d’une famille, au quotidien ». Les convives de ce repas qui n’aura pas lieu, sont suggérés par leurs portraits incrustés sur un grand voilage.  

Un billard dans le salon où l’on pénètre ensuite évoque les « jeux et causeries » qui occupent les soirées, les lettres de Léopoldine  fournissant de précieuses indications à ce sujet. Lorsqu’elle vient pour la première fois dans cette maison lors des vacances d’été 1839, avec sa mère Adèle et ses frères et sœurs, elle écrit : « nous allons nous promener jusqu’à six heures, nous dînons après quoi nous causons, nous dansons, nous rions, nous jouons dans le salon jusqu’à 10 heures ». C’est à l’occasion de ce séjour estival à Villequier sur l’invitation d’Auguste Vacquerie –grand admirateur devenu proche de Victor Hugo (2) – que Léopoldine fait la connaissance de Charles, frère ainé d’Auguste.

L’amitié entre Victor Hugo et Auguste Vacquerie résistera à la mort de Léopoldine et se verra même confortée puisque Auguste suit Victor Hugo dans son exil à Jersey en 1852. Ils travaillent, ont de longues conversations, jouent au billard et … font tourner les tables.

« Léopoldine lisant » /Photo db

Rien d’étonnant donc à ce que, dans la salle suivante, on trouve une table à trois pieds, sur laquelle se projettent des silhouettes de mains tandis que des coups frappés résonnent.

Une fois à l’étage c’est un univers plus intime et féminin qu’on découvre d’abord. Là encore, dans les lettres adressées à son père, Léopoldine raconte ses activités de couture et de broderie pendant les jours de pluie lors des vacances à Villequier en 1839. Il y a aussi le dessin, notamment celui de Léopoldine lisant, où se révèle le talent d’Adèle, la mère de la jeune fille. Puis un bureau « bricolé » dans la chambre réservée à Victor Hugo nous apprend qu’il écrivait debout ; sur les murs des portraits de Léopoldine.

La suite du parcours met l’accent sur Léopoldine et Charles, leur histoire d’amour et leurs personnalités. Elle est la fille d’un écrivain célèbre et issu de la noblesse d’Empire, qui a grandi dans un milieu artistique et intellectuel. Son père, d’ailleurs, lui confie la relecture et la copie de ses manuscrits. Des objets lui ayant appartenu, souvent touchants, évoquent cet environnement, tandis qu’un tableau de Maurice Denis, Première communion de Léopoldine à Fourqueux (2), renseigne sur son éducation religieuse.

Maurice Denis, Première communion de Léopoldine à Fourqueux /Photo db

Lui est le fils de bourgeois armateurs, plus intéressé par les activités de plein air, en particulier la nage sportive (3), que par la littérature.

Encouragée par Adèle, la relation amoureuse de Charles et Léopoldine sera cachée pendant plus de deux ans à Victor Hugo. Lequel finira par consentir au mariage qui sera célébré à Paris le 13 février 1843.  « Aime celui qui t’aime », écrit-il ce même jour dans un poème qu’il envoie à sa fille et dont le manuscrit figure dans l’exposition. Ainsi qu’un fragment de la dentelle de la robe de mariée de Léopoldine et une chemise ayant appartenu à Charles.

Incendie du Grand-Théâtre du Havre, par Jean Oddes / Photo db

C’est au Havre que les jeunes époux vont habiter après leur mariage. Encore une fois, c’est grâce aux descriptions de Léopoldine dans ses lettres, ainsi qu’aux dessins d’Adèle, que leur chambre a pu être reconstituée pour l’exposition.

Mais « on arrive à la fin de l’histoire » , dit Jean Oddes avant de pénétrer dans un corridor qui mène aux dernières salles et dont un pan de mur évoque le rougeoiement de l’incendie du Grand-Théâtre du Havre dans la nuit du 9 avril 1843. Un évènement qui marqua profondément Léopoldine , « Je vivrais cent ans que je n’oublierais jamais cette nuit-là », écrit-elle à sa mère dans une lettre présentée dans une petite salle dédiée. Des mots qui résonnent avec une sourde intensité quand on connait la suite. Et dans « la salle du drame » souffle le vent qui gonfle les voiles tandis qu’un jeu de lumières projette le mouvement des vagues sur le sol. Victor Hugo qui est à Rochefort avec Juliette Drouet, apprend la nouvelle cinq jours plus tard dans la presse…

La tombe de Léopoldine et Charles /Photo db

Entre temps ce sont des villageois de Villequier qui auront procédé aux obsèques en réunissant Léopoldine et Charles dans la même tombe.

« Demain, dès l’aube » :  l’exposition se referme avec Les Contemplations, le recueil, publié en 1856 alors que Victor Hugo est toujours en exil, s’il rassemble des poèmes écrits sur plus de 25 ans, n’aurait sans doute pas vu le jour sans la mort de Léopoldine. « Autrefois. Aujourd’hui. Un abime les sépare, le tombeau », écrit-il dans la préface.

Un « « tombeau » vers lequel un chemin balisé par le fil rouge de la poésie conduit ensuite le visiteur à travers le village jusqu’à l’église Saint-Martin et son cimetière.

Avant de quitter la Maison Vacquerie, le visiteur se sera attardé dans le kiosque du jardin où est exposé l’œuvre de Ange Leccia, Nights in White Satin. Une image hypnotique qui repose sur un unique plan fixe où une jeune fille entrouvre lentement les yeux sous l’eau… Le visage est doux, le haut de sa chemise brodée au col montant est d’un autre siècle, tandis que les bagues dentaires que laissent voir ses lèvres entrouvertes témoignent à la fois de l’adolescence et de la modernité…

Le musée Victor-Hugo/maison Vacquerie à Villequier/Photo db


(1)
Installés à Villequier depuis au moins le milieu du XVIIe siècle, les Vacquerie auront progressivement étendu leur domaine foncier. Si, devenus armateurs, les parents de Charles et Auguste résident au Havre à partir du XIXe siècle, Villlequier sera un lieu de villégiature et les travaux de l’actuelle Maison Vacquerie sont achevés en 1819. Celle-ci sera rachetée en 1953 par le département de la Seine-maritime avec l’objectif d’en faire un musée, lequel ouvrira ses portes en 1959.
(2) Un prêt de la Maison de Victor Hugo – Hauteville House à Guernesey
(3) Lors du naufrage, Charles a tenté de sauver Léopoldine sans y parvenir. Des témoins l’ont vu émerger plusieurs fois et replonger, pour finalement ne pas refaire surface.

Photo db

Musée Victor-Hugo/Maison Vacquerie
Quai Victor Hugo,
76490 Villequier

Pour tout renseignement et réservation :
Du lundi au vendredi
Service des publics : 02 35 15 69 11 
En week-end
Musée Victor Hugo : 02 35 56 78 31

Horaires
– Du 1er avril au 30 septembre :
Du lundi au samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h.
Le dimanche de 14h à 18h.
– Du 1er octobre au 31 mars :
Lundi, mercredi, jeudi, vendredi de 14h à 17h30.
Samedi et dimanche de 14h à 17h30.
Fermé le mardi


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