Mettre en scène des contes de Grimm au théâtre, c’est le défi qu’a relevé Olivier Py avec La Vraie fiancée à l’Odéon/Ateliers Berthier. Un habile montage de trois contes, un texte réécrit sans en perdre le sens profond, avec en bonus une réflexion sur le théâtre, des acteurs qui sont aussi musiciens et chanteurs et se donnent à fond, une belle et ingénieuse scénographie. Bref, un spectacle total où l’humour le dispute à la cruauté, les enchantements aux maléfices, la poésie au sordide, comme dans les contes recueillis par les frères Grimm, pour le bonheur des petits et des grands. (A voir jusqu’au 11 juin 2010)
Et le dénouement est heureux! Mais avant d’en arriver là, que de tours et détours! Car les contes sont autant de mini-romans d’apprentissage, où il faut faire preuve de patience et de persévérance pour vaincre obstacles et embûches. La vraie fiancée – avant de pouvoir être reconnue comme telle – aura dû livrer combat contre sa diabolique marâtre et sa créature de fille, une poupée de cire dont le Prince oublieux se sera entiché. Un prince qui grâce à elle et ses pleurs, aura enfin connu l’expérience de la peur qu’il avait jusque là vainement cherchée de par le monde…
les connaisseurs auront reconnu au passage l’emprunt à un autre conte de Grimm, l’histoire De celui qui partit en quête de la peur et qui, dans la version originale, la découvre, cette peur, d’une autre manière, plus… freudienne, dirons-nous. (1)Un autre emprunt, à La jeune fille sans mains , sera le fait de la troupe d’acteurs qui entreprend de répéter devant la cabane où s’est réfugiée la vraie fiancée. Des acteurs à la recherche d »‘un « vrai public populaire pour qui la culture est un rêve lointain« … tout un programme!
Le théâtre dans le théâtre : on ne peut s’empêcher de penser à Hamlet… A juste titre. Chez Shakespeare comme chez Grimm revu par Olivier Py, cet artifice théâtral va remplir son office de catharsis et précipiter le dénouement de l’histoire : les yeux du prince -amené à jouer son propre rôle sur scène -vont se dessiller et la « fausse » fiancée apparaître pour ce qu’elle est, démasquant du même coup la marâtre, ses mensonges et maléfices. Tandis que le père de la vraie fiancée « ressuscitera », retrouvé dans la forêt par le jardinier. Ce dernier, personnage poétique créé par Olivier Py, sorte de philosophe de la nature, – « Nous vivons dans le jardin des questions » – , aura fidèlement accompagné le cheminement de la jeune fille, comme l’ange-musicien (à l’accordéon), « l’ange des enfants qui travaillent« , qui l’aura aidée à accomplir les travaux impossibles exigés par la marâtre, avant de s’en aller aider d’autres enfants de par le monde…
« Tout est bien qui finit bien », comme on dit. On peut donc en revenir « aux questions fondamentales« , conclut le jardinier. Et n’ayons pas peur, comme le Prince, de quitter le théâtre, puisque, nous rassure Olivier Py par la voix de la vraie fiancée : « le théâtre est vérité« . Comme les contes de Grimm, qui parlent crûment de la mort, de l’injustice, de la trahison, de l’abandon, de la brutalité, de la cupidité…mais aussi de l’amour, de la fidélité, du courage, de l’ingéniosité qui permettent de les affronter.
Saluons les acteurs qui, sur la scène de l’Odéon/Ateliers Berthier, ont mis leurs talents, leur énergie et leur générosité au service de cette vérité du théâtre!
(1) Grimm, Contes (choix, traduction et préface de Marthe Robert), éditions Folio Classique.
Quant au texte de La Vraie fiancée d’Olivier Py, il est paru aux éditions Actes Sud-Papiers, Heyoka Jeunesse, janvier 2009. Quant au DVD du spectacle, il est diffusé par la Copat. L’un et l’autre sont disponibles à la librairie du Théâtre, ouverte avant et après la représentation.
A noter que le dimanche 6 juin 2010, à l’issue de la représentation de 15h, une rencontre « au bord du plateau » est organisée en présence de l’équipe artistique. Entré libre. renseignements 01 44 85 40 90;