Le 14 mai 1610, le roi Henri IV était assassiné par Ravaillac. En cette année 2010, de nombreuses manifestations sont organisées à l’occasion du 400ème anniversaire de la mort du plus populaire des rois de France. Mais au château de Blois, c’est son prédécesseur Henri III qui est à l’honneur. L’exposition Fêtes et Crimes à la Renaissance : la cour d’Henri III, a pour ambition d’éclairer d’un jour nouveau un roi de France finalement assez méconnu. A voir jusqu’au 24 août 2010.
Hommage officiel de la République à la monarchie ou plus exactement au plus « populaire » de ses représentants : c’est le ministre de la Culture qui, le 14 mai 2010, a donné le coup d’envoi des manifestations qui vont avoir lieu tout au long de l’année pour célébrer Henri IV. « Celui qui est resté pour chacun le modèle des souverains » déclarait Frédéric Mitterrand au pied de la statue du monarque, sur le Pont-Neuf à Paris, revisitée pour l’occasion par Jean-Charles de Castelbajac. Le même jour, le ministère de la culture mettait en ligne un site dédié au règne d’Henri IV, histoire et légende.
Car dans l’imaginaire collectif, Henri IV, ce n’est pas tant celui dont le pragmatisme politique a mis fin aux guerres de religion, que le personnage d’ image d’Epinal, mêlant libertinage (le Vert-Galant), scepticisme (« Paris vaut bien une messe ») et populisme (la fameuse poule au pot). Un mélange quelque peu inédit à l’époque, mais dont la recette a souvent resservi, moyennant quelques variantes.
Décrypter ce phénomène de popularité d’Henri IV (toujours « superstar« , comme on a pu lire dans Le Monde) et accéder à un peu de vérité historique, c’est l’objet de l’ensemble des manifestations – expositions (1), colloques, etc – organisées à l’occasion du quatrième centenaire de son assassinat par Ravaillac.
Démêler clichés et réalité historique, c’est aussi l’objet de Fêtes et crimes à la Renaissance : la cour d’Henri III, l’exposition présentée au château royal de Blois. Il est vrai que la figure et le règne du troisième fils d’Henri II et de Catherine de Médicis , et dernier des Valois à monter sur le trône en 1574, auront été éclipsés sur la scène de l’Histoire par son successeur immédiat puis les Bourbons.
D’autant que l’imagerie populaire à partir du XIXe siècle aura contribué à entretenir l’image d’un roi faible, frivole et maniéré, entouré de ses Mignons. Ce qui, avec l’absence d’héritier, a également entretenu la thèse de l’homosexualité d’Henri III. « Il n’en est rien », affirme Mathieu Mercier, le commissaire scientifique de l’exposition, Henri III était « follement amoureux » de son épouse Louise de Lorraine (et vice-versa) et il ne la répudiera pas. Quant aux Mignons, on nous rappelle que le terme au XVIe siècle désignait le familier d’un prince sans autre connotation, leur réputation d’homosexualité, reposant essentiellement sur les consignes vestimentaires et de de soins du corps données par Henri III. « les artisans parfumeurs et gantiers font fortune à Paris et à Blois« , fait remarquer Mathieu Mercier.
Tout un art du vêtement qui en fit « le premier chef d’Etat bling-bling » de l’histoire, résume, sourire en coin, Alain Germain, le scénographe de l’exposition. « Un roi metteur en scène« , dont Louis XIV s’inspirera pour l’étiquette de la Cour à Versailles. « Un des premiers grands communicants« , renchérit Pierre-Gilles Girault, conservateur adjoint des châteaux et musées de Blois et co-commissaire de l’exposition. Et dans ce dispositif de communication, « la fête est un moment important de la vie politique« .
Fêtes et crimes résume bien l’époque qui fut celle aussi des guerres de religion et de leur cohorte d’assassinats politiques, y compris de régicides : Henri III a péri sous les coups du moine Jacques Clément. Période tourmentée s’il en fut, « un demi siècle de guerre civile terrible, on l’oublie souvent« , rappelle Isabelle Latrémollière, directrice du château et des musées de Blois. « Une folie universelle semble s’être abattue sur les hommes« , écrira Montaigne dans ses Essais. Folie dont le château de Blois fut aussi le théâtre et Henri III l’acteur, en y organisant l’assassinat du duc de Guise, son rival politique.
Tout cela revit dans l’exposition, avec les tapisseries, portraits, tableaux historiques, gravures, armures prêtés par les musées et collectionneurs français. On peut aussi admirer des oeuvres émanant de musées et collectionneurs polonais, l’occasion de se rappeler que Henri III était aussi roi de Pologne.
Un vaste ensemble présenté sur deux niveaux du château dans une scénographie originale théâtralisant le propos général de l’exposition dans le droit fil du renouveau des études historiques sur Henri III depuis les années 1970. L’occasion aussi de découvrir ou redécouvrir les splendeurs du château royal de Blois. Lequel a d’ailleurs servi de décor naturel au tournage de La Princesse de Montpensier, le dernier film du réalisateur Bertrand Tavernier.
A noter que par un curieux hasard du calendrier, l’exposition Fêtes et Crimes s’achève le 24 août, qui est aussi la date de la Saint-Barthélémy, le massacre des Protestants à Paris, en 1572…
(1) Notamment : Henri IV au château de Chantilly, jusqu’au 16 août 2010, et Paris vaut bien une messe. Hommage des Médicis à Henri IV, au château de Pau jusqu’au 30 juin 2010.