C’est par un hommage à Colette que l’Université Populaire du Goût d’Argentan a clos, le 29 mai 2010, sa quatrième année d’initiation à la saveur des mets et des mots. Avec une affluence et une convivialité qui ne se démentent pas.
Après Georges Sand, Emile Zola et Marcel Proust, Colette (1873-1954) avait donc les honneurs du chapiteau dressé au milieu des Jardins dans la Ville pour le quatrième et dernier « cours » de l’année 2009/2010 de cette université pas comme les autres créée en 2006 par le philosophe et écrivain Michel Onfray et quelques complices, dont son copain d’enfance et directeur des Jardins dans la Ville, Jean-Luc Tabesse.
On aurait pu craindre que le temps gris, la menace de la pluie et une fraicheur plus automnale que printanière, en dissuadent plus d’un de faire le déplacement jusqu’à Argentan pour cette « Journée avec Colette ». Car l’Université Populaire du Goût draine un public à l’échelon de la région , sans parler de Paris. Le bouche à oreille a bien fonctionné depuis la création de l’UPG. La personnalité de Michel Onfray y est pour beaucoup, connu comme le fondateur de l’Université populaire de Caen et l’auteur de nombreux ouvrages. Le dernier, sur Freud, suscite une furieuse polémique; ce qui – avec la venue de l’actrice Macha Méril – n’est sans doute pas étranger à la présence d’équipes de télévision ce 29 mai.
De la briotine au jardin originel
Notre entrée en matière sera d’abord celle du Marché du Terroir qui accueille le visiteur devant le chapiteau et lui permet de se requinquer avant d’entrer dans le vif du sujet, tout en découvrant des saveurs nouvelles. Une « briotine » (alliance inédite de la brioche et du boudin), quelques tranches de filet mignon de porc fumé, des macarons en guise de dessert, accompagnés d’un honnête vin, le tout glané aux étals des producteurs locaux, et nous voilà prêts à passer les heures qui suivent dans le sillage de Colette.
Mine de rien, le temps de notre repas sur un coin de table (il est bon d’apporter un tire-bouchon et un couteau) sous le chapiteau, celui-ci s’est progressivement peuplé et c’est devant un parterre rempli, qu »Evelyne Bloch-Dano commence son « cours » sur Les mille et un jardins de Colette.
Car pour Colette, cette « vagabonde assise« , les jardins auront été autant de jalons au fil de sa vie. De Saint-Sauveur en Puisaye, en Bourgogne, le « jardin originel« , celui de l’enfance qui sera « le berceau de amour pour la nature« , au Palais-Royal à Paris, en passant par la Franche-Comté, Le Crotoy en baie de somme, Castel-Novel dans le limousin, et la Treille-Muscate à Saint-Tropez. Jalons autant géographiques que sentimentaux, puisqu’à chacun correspond un moment de sa vie sentimentale, époux, amants ou amantes : Willy, Missy, Jouvenel (père et fils) …
Ensuite, le personnage de la romancière Colette prend corps avec l’actrice qui l’a incarnée à la télévision, Macha Méril, qui évoque le tournage du film dont un extrait est projeté. Et le tempo de la « journée Colette » s’accélère. Une table ronde, « La gourmandise de la langue de Colette », avec Michel Onfray, Macha Méril, Evelyne Bloch-Dano, tandis que Périco Légasse, rédacteur en chef de Marianne et animateur de l’émission de télévision « Toques et politiques » sur la chaine parlementaire, évoque « Colette et le vin »… Les envolées lyriques de ce « scribouillard de la gastronomie« , comme lui même se définit, sur le vin et la gastronomie comme « l’ âme française » ou « l‘identité de la France« , susciteront de légers remous dans l’assistance. Il lui sera pardonné : c’est grâce à lui que des bouteilles de Chiroubles et de Brouilly, vins préférés de Colette, seront présentes sur les tables du dîner….
Maurice Ravel et Alain Dutournier : chacun au piano
Mais auparavant, un autre de nos sens aura été éveillé, avec un concert Ravel. Mélomane avertie, Colette a collaboré avec Maurice Ravel pour la fantaisie lyrique L’enfant et les sortilèges. On en profite pour saluer la performance de la soprano Maya Villanueva, dans l’ambiance peu propice d’un chapiteau.
Le concert terminé, on retrousse les manches et installe les tables pour le dîner de 250 couverts, préparé par les Argentenais Arnaud Viel, chef propriétaire de l’hôtel-restaurant La Renaissance, et Dominique Tulane, charcutier-traiteur. Au menu : Gaspacho de melon et pastèque, boeuf en sauce aux pruneaux et figues (pour illustrer l’alliance sucré-salé vantée par Colette dans un de ses écrits qu’on nous avait lu un peu plus tôt), purées de potiron et céleri, riz au lait et abricots mi-secs. Légère déception côté dessert : on aurait aimé quelque chose de plus léger, coloré et aromatique, fleuri ou fruité, pour coller à l’esprit « jardin » de Colette…
Dernière étape : la « leçon » de cuisine… avec Alain Dutournier. Le chef gascon du Carré des Feuillants à Paris nous déconcertera puis régalera avec un melon chaud, agrémenté il est vrai de gambas, de crème, d’une pointe de safran, d’une feuille de menthe, plus quelques groseilles, « pour l’acidité »… Suivra un poulet en gelée aux écrevisses. Un vrai moment de talent et de générosité, partagé en toute simplicité.
Quelques bouffées de Ravel à nouveau avant de quitter le chapiteau. Il est 22h30 et c’est sous la pluie que notre petit groupe de Parisiennes regagne le bien sympathique Hôtel des Voyageurs, qui comme son nom l’indique, est tout proche de la gare où l’on prendra le train le lendemain matin. .
On se donne rendez-vous le 12 juin prochain, pour une sorte de « hors-série » de l’Université populaire du goût, consacré à Louise Michel.