
Au pays des merveilles : une foire artistique à Kiev (Ukraine,mai 2009). Sergei Supinsky / AFP Photo
A l’occasion du 40ème anniversaire de sa création, le SIAAP (Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne), propose une exposition pour le moins originale sur les « toilettes ». Présentées à ciel ouvert boulevard de la Bastille, à Paris, 46 photos prises dans plus de trente pays, invitent à un tour du monde des toilettes, édifiant et parfois cocasse… Chiotissime! A voir jusqu’au 20 octobre 2010.
Si un pictogramme quasi universel sert à indiquer ce lieu où l’espèce humaine satisfait cette contrainte biologique absolue consistant à évacuer ses excréments, le terme « toilettes » recouvre des réalités très différentes sur la planète.
Au delà de différences culturelles, les toilettes en disent long aussi sur nos sociétés et leurs inégalités, des toilettes en or les plus chères au monde à Hong Kong au simple trou dans la terre dans un camp de réfugiés au Pakistan.
Heureux donc, les 8,6 millions de Franciliens qui, grâce au SIAAP et ses 1700 agents, bénéficient d’une eau assainie (1). Cette exposition est l’occasion pour le SIAAP de se faire connaître, mais aussi, et surtout, d’attirer l’attention sur le fait que si en France on bénéficie des techniques les plus modernes de dépollution des eaux, 2,6 milliards de personnes dans le monde ne disposent pas de sanitaires offrant une bonne garantie d’hygiène et que 1,2 milliard ne disposent pas de latrines du tout. Dans ces régions dénuées de systèmes d’assainissement, les maladies liées à l’eau tuent 1500 000 enfants par an, selon les chiffres de l’UNICEF. Pour le SIAAP, qui s’est engagé sur des programmes de coopération et d’échanges internationaux, cette question de l’assainissement de l’eau représente un enjeu majeur du millénaire.
Les toilettes, c’est aussi un thème très riche : c’est du sociétal, du design, de la technologie, un support artistique (comme les 600 sièges installés par l’artiste Nada Sehnaoui à Beyrouth, le 13 avril 2008, pour commémorer le début de la guerre civile libanaise le 13 avril 1975) ou publicitaire (le Marton’s, un restaurant de Kaohsiung à Taiwan, décline le thème des toilettes dans sa décoration, des sièges aux assiettes), un refuge, par exemple pour les amateurs de lecture. (2)
Ou encore une arme politique, comme ces urinoirs islandais garnis des portraits de banquiers responsables de la faillite du pays. A l’instar « des Anglais qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, vendaient des pots de chambre avec au fond le portrait d’Hitler « , rappelle François Cuel, le commissaire de l’exposition.
Il y aussi ces toilettes délabrées d’un appartement communautaire à Saint-Pétersbourg, mais où chaque locataire dispose de sa lunette en bois, « une version roots du film de plastique déroulant que l’on trouve dans certaines toilettes« , souligne Francois Cuel. Ou encore ce contraste saisissant entre ces toilettes au milieu de nulle part dans le désert marocain, voisinant avec celles, invraisemblables, installées sur la banquise par des chercheurs suisses…
L’exposition Chiottissime ! est un regard singulier sur le monde dans lequel nous vivons et dont les toilettes sont en quelque sorte un révélateur tout aussi inattendu que pertinent. Un propos que renforce la qualité des photos grand format, signées des grands noms de la photographie (de Willy Ronis à Eve Arnold, de Fernando Scianna à Robert Doisneau), et que viennent appuyer des légendes extrêmement bien documentées. Enfin, pour la nostalgie des anciens ou pour l’édification des jeunes générations, on peut voir une photographie de l’une des deux « vespasiennes » de Paris, boulevard Arago, le long de la prison de la Santé….
Saluons au passage le travail du commissariat d’exposition assuré par Terre Bleue.
(1) Créé en 1970, ce Service public dépollue chaque jour 2,4 millions de m3 d’eaux sales, (domestique, pluviale et industrielle) avec ses cinq et bientôt (en 2012) six usines en Île-de-France. Une unité a été spécialement construite au nord-ouest de Paris, à Achères, pour traiter l’azote de l’urine transportée par les chasse-d’eau, et rendre à la Seine et à la Marne une eau propre, dans le but de maintenir et développer la biodiversité du milieu naturel.
(2) Henry Miller n’a-t-il pas écrit Lire aux cabinets ? (Gallimard/collection Folio) Pour en savoir plus à ce sujet, voir dans Birck à Brac
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