Nostalgie : la MUTUALITE rouvre ses portes

La Maison de la Mutualité, ce lieu parisien emblématique, vient de rouvrir ses portes après deux ans de travaux. Les murs de l’imposant édifice néo-classique de la rue Saint-Victor dans le 5ème arrondissement, ont recueilli la mémoire de plus d’un demi siècle d’histoire de la France au fil des rassemblements populaires qui s’y sont tenus. Les temps ont changé. Gestionnaire de la Mutualité depuis 2010, le groupe GL Events ambitionne d’en faire un grand lieu événementiel de la Rive gauche et en a confié la rénovation à l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Lequel a su à la fois adapter le bâtiment à son nouveau cahier des charges et aux normes de sécurité et accessibilité tout en préservant l’esprit du lieu et le style Art déco de l’architecture intérieure. Quant au nouveau restaurant, « Le  Terroir Parisien », il a été confié au chef triplement étoilé Yannick Alléno. Qu’on se rassure, l’addition est tout à fait raisonnable et l’accueil convivial …

au premier plan escalier monumental, au fond second escalier fruit de la rénovation/Photo DB

… Car il ne faudrait pas tout de même que cette Maison de la Mutualité, voulue par la Fédération Mutualiste de la Seine comme « un lieu emblématique de l’engagement solidaire et des valeurs du mouvement mutualiste », devienne un temple des marques et du luxe ! Même si le bâtiment, conçu par les architectes Victor Lesage et Charles Mitgen et inauguré en 1931 par le président Paul Doumer, a très vite pris l’appellation de « Palais » avec ses volumes imposants, son grand escalier de marbre, des ouvrages de fer forgé identiques à ceux du paquebot Normandie, des fresques et des motifs géométriques ou floraux réalisés en staff doré ou coloré, ou encore des appliques de verre signées René Goro. (1)

Le grand auditorium / Photo DB

Et, bien sûr, sa grande « salle de conférences, fêtes et congrès » avec ses 1789 places en référence à la Révolution française. Un « théâtre, d’une seule portée, qui derrière une façade néo-classique, met en évidence une technologie de pointe du béton », souligne Jean-Michel Wilmotte.  Cette salle, qu’il a fallu adapter aux différents types de manifestations susceptibles de s’y dérouler ( concert, ballet, meeting, etc.),  ne compte plus désormais que 1730 places assises, avec l’ensemble des sièges pouvant se rabattre sous la scène pour dégager une surface d’environ 1000 m2 au sol.

Un des bas-reliefs mis au jour, détail / Photo DB

Cette salle a été le point de départ des travaux dans « un bâtiment qui n’était pas en très bon état, mais aux capacités extraordinaires, explique l’architecte. Il s’agissait donc de reprendre possession de cet espace, de remettre en exergue ce qui était intéressant, comme les reliefs des murs et des plafonds, tout en leur donnant une présence discrète, en opposition aux couleurs dont ils avaient été recouverts […] Ensuite, les accès dans les étages, adaptés aux exigences actuelles de sécurité et d’accessibilité, avec de nouveaux accès verticaux, escaliers et ascenseurs, tout en utilisant le ‘vocabulaire existant’, comme le fer forgé ». (2)

L’Atrium, vu du 1er étage / Photo DB

Le 1er étage est celui des salles de réunion, des espaces diversifiés et modulables équipés de toute la technologie nécessaire. La cour a été remplacée par « un atrium avec des jeux de passerelles, et aux étages supérieurs les bureaux de GL Events se déploient autour de ce patio qui joue le rôle d’un puit de lumière, en plus des ouvertures en façade sur Paris », précise Jean-Michel Wilmotte. Quant aux couleurs, elles jouent sur une palette de blanc cassé, marron glacé, brun, mêlées au bois, du noyer d’Amérique. Le tout est très harmonieux.

Vue du grand salon modulable. Hommage à Charlie Chaplin qui enregistra la musique de quelques-uns de ses films à la Mutualité /Photo DB

Harmonie qu’on retrouve dans le restaurant, autre grande nouveauté de cette rénovation. Installé au rez-de-chaussée, on y accède directement par la rue Saint-Victor, mais aussi de l’intérieur du hall central. Le Terroir Parisien, se veut un « bistrot contemporain » de quelques 70 couverts où les produits du terroir francilien sont mis en valeur non seulement dans l’assiette, mais aussi dans le décor, avec des cagettes de produits frais, la découpe sur le comptoir, des plateaux de fromage et de charcuterie. Le tout donnant sur une cuisine « ouverte ».

La cuisine du restaurant, vue de la salle / Photo DB

Yannick Alléno rappelle qu’il est né à Paris, que ses parents « tenaient un bistrot »… Une manière pour le lauréat du Bocuse d’Or 1999 et chef 3 étoiles du Meurice de renouer avec ses origines en prenant les commandes de ce bistrot du terroir, pour lequel il a fait «  le tour des banlieues » et y a rencontré « des gens fantastiques qui font de la pêche à Montreuil, des asperges à Argenteuil, des choux à Pontoise... ».  Pas mal le chou farci. En attendant de goûter le « veau chaud », version Lutèce du hot-dog

La salle du restaurant / Photo DB

Quant aux activités appelées à se dérouler dans cette nouvelle Maison de la Mutualité, ce « petit palais des congrès de la Rive gauche », pour reprendre l’expression de son nouveau directeur, Alexandre Fougerole, elles seront variées: concerts, soirées événementielles pour le lancement de produits , défilés de mode, salons, meeting politiques…

Du côté de GL Events (3), on assure vouloir perpétuer la tradition « populaire » du lieu, et en avoir les moyens : « Nous ne sommes pas dans le cadre d’une concession, mais d’un bail commercial. Lequel nous autorise à faire des tarifications comme on le souhaite, en fonction du type de clientèle. Nous aiderons les manifestations qui voudront  continuer à se dérouler ici, avec une tarification adaptée, à la fois en fonction de l’origine des personnes qui voudront louer ce bâtiment et de la concurrence parisienne. Il n’est pas question d’enlever à ce bâtiment ce qui en a fait sa richesse, c’est-à-dire la pluralité des types de manifestations qui s’y déroulaient : syndicales, mutualistes, ouvrières ou patronales, des congrès médicaux… », assure Olivier Ginon, président du groupe français. Dont act. (4)

La Mutualité, entrée rue Saint-Victor/Photo DB

Quoiqu’il en soit, il faudra bien rentabiliser le coût des travaux de rénovation dont le budget global est de l’ordre de 30 millions d’Euros.

Des travaux dont GLEvents a souhaité conserver la mémoire en confiant à  l’artiste plasticienne Marie Amar le soin d’en accompagner la progression par la photographie. Il en résulte un bel ouvrage sobrement intitulé Maison de la Mutualité. La photographe dit avoir appréhendé  ce « lieu sensible », ce « projet très délicat », avec « un sentiment de responsabilité vis-à-vis de ce lieu de mémoire, et aussi vis-à-vis de tous ceux qui étaient engagés dans sa rénovation », et qu’elle a accompagnés pendant 18 mois. « Je me suis mise en retrait, j’ai privilégié le respect du lieu en pratiquant une photo documentaire, c’est-à-dire avec le moins d’effets possible, juste montrer les choses, de façon la plus neutre possible, pour qu’on voit la réalité telle qu’elle est », explique Marie Amar. « Une belle aventure », conclut-elle.

La suite nous dira comment se poursuit l’aventure de la Maison de la Mutualité.  The Times They Are A Changing…, n’est-ce pas ? (5)

(1) La façade et la toiture font l’objet d’une inscription au titre des Monuments historiques depuis le 17 décembre 1949.
(2) Avouons que, pour notre part, ce « vocabulaire existant » on ne l’a vraiment découvert que lors de notre visite à l’issue des travaux de rénovation. Ce n’est pas faute pourtant d’avoir fréquenté assez régulièrement « la Mutu » dans les années 1970. Mais alors, on ne prêtait guère attention au décor, à la majesté des escaliers de marbre menant à la grande salle, qu’on montait ou descendait tout en discutant avec animation de ce qui avait guidé nos pas jusque là : écouter Sartre expliquer pourquoi il avait pris la direction de La Cause du Peuple, en 1970, ou quelques années plus tard, venir apporter notre caution au Programme commun de la Gauche, ou notre soutien aux camarades espagnols ou chiliens…
3) GL Events, créé il y a 35 ans, est présent dans 25 pays et 90 villes, avec en plus de l’événementiel, la gestion d’une trentaine de sites dans le monde, dont à Paris le Palais Brongniart (en cours de restauration), L’hôtel Salomon de Rothschild et le Parc Floral. La gestion de la Maison de la Mutualité – qui accueille sur 3000 m2 le siège parisien du groupe – lui a été confiée par un bail emphytéotique de 35 ans.
(4)Il n’empêche : on serait curieux de savoir combien il en a coûté à l’UMP pour organiser à la Mutualité le meeting du président-candidat Sarkozy le 11 avril 2012 et la soirée électorale du 1er tour ? En leur temps, Lionel Jospin et Ségolène Royal y avaient tous deux été investis candidats…
(5) On ne se refait pas : il s’agit bien sûr de la chanson de Bob Dylan (1963)…

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