La scène du MC93, le théâtre de Bobigny, accueille jusqu’au 22 septembre 2012 Le Centaure et l’animal, le dernier spectacle de Bartabas.
Un spectacle qui réunit le créateur du Théâtre équestre, le danseur de butô Ko Murobushi et Lautréamont, avec des extraits des Chants de Maldoror dits en voix off. L’osmose entre ces trois univers crée une liturgie dramatique d’une puissante beauté.
Une beauté à laquelle la scénographie, signée Bartabas, doit beaucoup, d’entrée, avant même que le rideau ne se lève. Cette fine voilure gris argent que gonfle un souffle invisible et dont le brusque lâcher, des cintres au sol, dévoile alors la scène, sombre manège au sol de sable noir et fermé de rideaux aux plis sombres et brillants, avec quelques passages pour les entrées et sorties du centaure. Tandis qu’un chemin recouvert de cette même étoffe argentée occupe le devant de la scène sur toute sa largeur. Avec côté jardin un piano droit noir et côté cour un panneau noir vertical qui se révélera de métal lorsque les heurts de l’animal le feront vibrer et résonner.
L’animal, c’est celui issu des métamorphose de l’homme incarnant dans son corps les visions du poète, Ko Murobushi traduisant en mouvements tour à tour lents ou convulsifs le délire verbal de Lautréamont. Rencontre assez inouïe entre deux tensions poussées à leur extrême limite, celles du corps et du verbe, du danseur de butô et du poète halluciné.
« J’étais impressionné par le travail sur le corps qu’impose le butô, d’autant que Ko Murobushi en fait un exercice extrême, violent, douloureux, dérangeant, comme s’il ne voulait atteindre que des états limites », dit Bartabas. (1)
Le thème de l’animalité, « comme réalité et hantise au fond de l’homme » s’est en quelque sorte juxtaposé au « lien secret entre le cheval et le cavalier » qui parcourt tout le travail du créateur du Théâtre équestre et trouve son expression symbolique dans l’être mythique du centaure, pour la réalisation de ce spectacle, Le Centaure et l’animal.
D’un côté, le centaure comme une fusion pacifiée et esthétique de l’homme et de l’animal, dont l’art équestre de Bartabas permet de susciter la présence – parfois même inversée – sur la scène, dans des moments d’une intense et troublante beauté. Comme, par exemple, lorsque l’ombre projetée de la crinière du cheval se dessine sur le dos de l’homme, à terre…
De l’autre, l’homme hanté par un effroyable bestiaire. Celui que convoquent les extraits des Chants de Maldoror choisis par Bartabas qui « ne sont d’ailleurs pas des passages narratifs, précise-t-il. Ils décrivent plutôt des états intérieurs, entre rêves et cauchemars. Ils enclenchent une véritable dynamique de la métamorphose et font surgir tout un bestiaire imaginaire ».
Le texte de Lautréamont dit en voix off (2) acquiert ici une force et une résonance particulières. Comme le souhaitait Bartabas : « Je voulais un texte fleuve […] qui soit intelligible tout en jouant de la musique des mots ».
Quand aux chevaux – Horizonte, Soutine, Pollock, Le Tintoret -, leur préparation a demandé un an. « Le but était de les mettre dans un état de concentration, de rythme intérieur assez lent et par un travail respiratoire, les amener à des gestes minimalistes et à des temps d’immobilité totale », explique Bartabas. « Comme dans la danse butô […] on peut parler d’impulsion contenue. Les chevaux sont devenus des partenaires danseurs ».
Et nous des spectateurs éblouis …
(1) Ces propos – et les suivants – sont extraits d’un entretien réalisé par Sophie Nauleau et qui sera diffusé le 23 octobre 2012 sur France-Culture dans l’émission Ça rime à quoi ?
(2) par Jean-Luc Debattice
(Sans oublier les lumières de Françoise Michel et la musique de Jean Schwarz qui concourent à la belle harmonie du spectacle)
MC93 Maison de la Culture de la Seine-Saint-Denis.
9, boulevard Lénine 93000 Bobigny
Tél. (33) 1 41 60 72 60.
Pour en savoir plus sur le Théâtre équestre Zingaro, l’Académie du spectacle équestre de Versailles et leur créateur, Bartabas : http://www.bartabas.fr/