Cartier est à l’affiche du Grand-Palais pour une exposition retraçant l’histoire de cette maison créée au milieu du XIXe siècle à Paris et devenue un des fleurons du luxe, numéro un mondial dans le domaine de la joaillerie et numéro deux dans celui de l’horlogerie. Plus de cinq cents pièces parmi les plus emblématiques de la Collection Cartier, ainsi qu’une centaine issues de prêts, témoignent de l’opulence et du raffinement des créations de la marque. « Cartier, le Style et l’Histoire« , est aussi un véritable voyage dans l’histoire des Arts décoratifs, le tout dans une remarquable scénographie.
À voir jusqu’au 16 février 2014.
Après Van Cleef & Arpels, autre fleuron de la joaillerie française qui avait eu les honneurs de la nef du Musée des Arts décoratifs, en 2012/2013, c’est au tour de Cartier de s’inviter le temps d’une exposition, cette fois au Grand-Palais. D’aucuns pourront se chagriner de voir des « marques » s’exposer au sein de grandes institutions publiques. Un argument auquel l’auteure de ces lignes n’est pas insensible.

Collier hindou, 1936, transformé en 1963, platine,or blanc, diamants, saphirsémeraudes, rubis:Commande spéciale de Mrs Daisy Fellowes.Photo Nick Welsh,Coll.Cartier© Cartier
Mais le parti pris historique de l’exposition, qui s’arrête d’ailleurs au milieu des années 1970, à l’époque où l’entreprise était encore familiale, avant son rachat par la Compagnie Financière suisse Richemont SA (laquelle détient également Van Cleef & Arpels), ressortit davantage de la mise en valeur patrimoniale d’un savoir-faire que de la publicité de marque. Pièces de joaillerie, d’horlogerie et accessoires sont restituées dans leur contexte d’origine grâce à des documents d’archives, des robes, des tableaux, extraits de films et illustrations diverses.

Entrée boutique Cartier au 13 rue de la Paix, vers 1900 ©.db
C’est l’agrandissement d’une photo de la boutique de la rue de la Paix, prise en 1900, qui accueille le visiteur à son entrée dans l’exposition. L’inauguration de cette boutique en 1899 marque la consécration d’une maison qui a rapidement acquis une renommée internationale depuis l’installation, en 1847, dans un atelier de la rue Montorgueil de l’orfèvre-joaillier Louis-François Cartier. Celui qui n’était alors qu’un artisan parmi d’autres est devenu en un demi-siècle le « joaillier des rois et roi des joailliers », dixit le Prince de Galles qui a commandé pas moins de 27 diadèmes à Cartier pour son couronnement en 1902.

Parure, Cartier Paris, v.1860 : Or, améthystes de forme ovale et poire facettées, écaille:Coll.Cartier:Photo V.Wulveryck ©Cartier
En misant sur l’opulence des pierres et la référence à l’Ancien Régime dans des parures et diadèmes grandioses, Cartier s’est attiré les bonnes grâces des têtes couronnées et grands de ce monde, à commencer par Napoléon III et l’impératrice Eugénie. On peut admirer dans l’exposition le saphir géant de 478 carats qui ornait un collier de la reine Marie de Roumanie.
Les temps changent et la maison Cartier – les trois fils ont pris le relais – opère dans les années 1910 le tournant du « style moderne », puis celui de l’Art déco dans la décennie suivante. La clientèle se modifie, les têtes couronnées se font plus rares ou moins argentées, à l’inverse des fortunes de l’industrie et de la finance. Avec des figures comme Marjorie Merriweather Post, unique héritière de l’empire céréalier fondé par son père devenue à 27 ans, en 1914 la femme la plus riche des Etats-Unis… Ou celle des « stars » de l’industrie du cinéma : Elisabeth Taylor et le diamant Burton-Taylor de 69,42 carats, ou Maria Félix et sa passion pour les colliers serpents ou crocodiles (l’actrice aurait parait-il apporté un bébé crocodile vivant rue de la Paix pour servir de modèle!).

Collier Crocodiles, Cartier Paris 1975, commande spéciale de Maria Félix; Or,1023 diamants jaune ( 60.02 carats), deux cabochons émeraudes (yeux), 1060 émeraudes (66.86 carats), deux cabochons rubis (yeux). Coll.Cartier:photo V.Wulveryck©Cartier
Il y a aussi la princesse Grâce de Monaco qui posa parée de bijoux Cartier pour son portrait officiel en 1956, sans parler de son attrait pour les oiseaux, caniches et animaux de basse-cour, « réalisés avec raffinement, mais non sans humour« , nous dit-on. Pour rester dans le domaine animalier, c’est pour Wallis Simpson, duchesse de Windsor, que Cartier réalisa, en 1948, le premier bijou panthère en trois dimensions, animal emblématique de la griffe depuis plus de cinquante ans. Autant de célébrités qui participèrent au succès planétaire de Cartier au XXe siècle et auxquelles est consacrée la dernière partie de l’exposition.
C’est le Salon d’Honneur du Grand-Palais qui sert d’écrin aux créations de Cartier. Un écrin en forme de cathédrale, avec des projections de formes colorées et mouvantes, entre vitraux et gemmes, sur les hauts murs voûtés du salon plongé dans la pénombre. Ce magnifique espace de 1 200 m2, avec ses murs de 17 m, sa verrière et son parquet de chêne clair, reconquis en 2012 sur celui du Palais de la Découverte et rénové, a retrouvé sa vocation d’origine. En 1900, il était en effet un des lieux préférés du Tout-Paris pour ses expositions ou ses événements mondains. (1)
(1) En juin 2012, pour sa réouverture, le Salon d’honneur a accueilli la Comédie-Française pour des représentations (magnifiques) de Peer Gynt, la pièce d’Ibsen.