Objet de mode et objet d’art, l’éventail, venu d’Asie à la Renaissance, a connu son âge d’or en France sous l’Ancien régime. Avec cette exposition, présentée jusqu’au 2 mars 2014, le musée Cognacg-Jay, dédié au XVIIIe siècle, rend hommage à l’excellence du savoir-faire des éventaillistes qui ont fait de Paris la capitale de cet objet précieux. Au plaisir esthétique suscité par le raffinement décoratif des quelque 70 pièces exposées s’ajoute pour le visiteur l’intérêt historique, l’éventail se faisant souvent l’écho de l’histoire et de la société.
Le siècle d’or de l’éventail, du Roi Soleil à Marie-Antoinette ne pouvait trouver meilleur écrin que le musée Cognacq-Jay, installé au coeur du Marais dans l’hôtel de Donon. Le Musée du XVIIIe siècle de la Ville de Paris, doit son nom et son fonds à Ernest Cognacq (1839-1928), fondateur des Grands magasins de la Samaritaine et grand collectionneur d’art passionné par le XVIIIe siècle, et à son épouse Marie-Louise Jay. Peintures, dessins, sculptures meubles et objets d’art signés des plus grands artistes et ébénistes du siècle des Lumières ont ainsi été rassemblés par cet homme d’affaires. Une collection de quelque 1200 pièces qu’il a léguée à la Ville de Paris.

Alexandre Roslin, 1768 © DR
Parallèlement à la présentation permanente de cette collection, le musée Cognacq-Jay organise régulièrement des expositions temporaires sur des aspects ou des artistes inédits de l’art du XVIIIe siècle. Et c’est effectivement à une découverte inédite de cet « instrument qui sert à exciter le vent, et à rafraîchir l’air en l’agitant« , selon la définition du mot « Eventail » donnée par l’Encyclopédie méthodique en 1783, que convie cette exposition. Tant il est vrai que cette définition « mécanique » est loin de rendre compte de la complexité d’un objet de raffinement esthétique et de distinction sociale, accessoire privilégié des dames de la haute société. (1)

Portraits, vers 1760-1770. Ivoire, papier, gouache. ©Eric Erno/Musée Galliera/Roger Viollet
Pour sa fabrication, les éventaillistes – une corporation spécifique créée en 1676 – ont recours au matériaux les plus précieux, comme la nacre et l’ivoire, aux peintres à la mode – Boucher, Watteau, Le Brun, entre autres – ainsi qu’aux techniques les plus innovantes, avec des ajouts d’optique, lunettes et loupe, ou de tubes à parfums… C’est donc à un véritable parcours dans l’histoire, la société, les arts et les sciences du XVIIIe siècle que le visiteur est convié, au travers des éventails rassemblés à Cognacq-Jay, à l’occasion de cette exposition. (2)
Le parcours commence avec une salle joliment intitulée « entendre battre le coeur de Paris« . Et c’est autour du Pont-neuf qu’on l’entend tout particulièrement : Les gouaches peintes sur les éventails fourmillent de détails et proposent des vues quasi-photographiques qui ne manquent pas de pittoresque et suscitent l’attrait des contemporains.

Vue du Pont-Neuf ou Embarras de Paris, vers 1680.Bielefeld, Deutsches Faechemuseum © db
Avec un témoignage de choix, celui de Madame de Sévigné qui, en avril 1672, envoie un éventail à sa fille accompagné de ces mots : « Voici le plus beau des éventails (…) Divertissez-vous à le regarder avec attention; recevez la visite du Pont-Neuf, votre ancien ami, (…) je n’ai rien vu de si joli« … Il y a aussi la promenade aux Tuileries.

Le mariage du Dauphin Louis-Ferdinand,1745:Londres, The Fan Museum ©Martine Beck Coppola
On découvre dans les salles suivantes « les grandes heures du royaume« , avec des évocations de la vie de la Cour à Versailles, des victoires militaires ou mariages princiers, avant de passer aux scènes mythologiques et galantes… ou coquines, ces dernières dissimulées derrière d’innocents portraits, les artisans rivalisant d’ingéniosité.
Il est vrai qu’en ce siècle des Lumières le bouillonnement des idées et des arts s’accompagne de celui des sciences, avec notamment l’envol du premier aérostat en décembre 1783 du jardin des Tuileries. Une invention dont les éventails se font immédiatement l’écho pour les cadeaux d’étrennes de janvier 1784…
Alors en ce début 2014, 230 ans plus tard, rendez-vous avec Le siècle d’or de l’éventail, du Roi Soleil à Marie-Antoinette …

Hôtel Donon, cour intérieure ©db
(1) Un objet qui peu à peu retrouve son utilité dans les transports publics parisiens lorsque vient la chaleur…
(2) L’exposition a bénéficié de nombreux prêts de musées parisiens (arts décoratifs, Carnavalet, Galliera), du musée du château de Versailles et de Trianon, de la BnF ainsi que du musée des Arts décoratifs de Bordeaux et du château de Laàs (Conseil général des Pyrénées-Atlantiques) et de collections privées européennes.
Musée Cognacq-Jay, 8 rue Elzévir – 75003 Paris