
« le Casin » et le parc, aujourd’hui /Photo db et peint par Caillebotte en 1877/ coll. part. Berhaut
C’est un double plaisir qui attend le visiteur de l’exposition « Caillebotte à Yerres au temps de l’impressionnisme » : voir réunies pour la première fois quelque quarante toiles peintes par l’artiste jusqu’en 1879 dans le lieu même qui les a inspirées, et découvrir celui-ci, la magnifique propriété familiale où Gustave Caillebotte est venu régulièrement en villégiature de 1860 à 1879. Cette exposition, présentée jusqu’au 20 juillet 2014, met en évidence l’originalité d’un artiste longtemps méconnu, voire oublié, avant que nombre de ses oeuvres deviennent « des images aujourd’hui inséparables de l’impressionnisme ».
Ces mots sont ceux de Serge Lemoine, ancien directeur du musée d’Orsay et commissaire de l’exposition.(1) Et parmi ces « images » il y a notamment les scènes de canotage peintes dans la propriété des bords de l’Yerres, comme Périssoires sur l’Yerres. Présentée dans la première salle de l’exposition aux côtés de cinq autres grandes toiles, cette oeuvre met en évidence l’originalité de Caillebotte telle que la caractérise Serge Lemoine : « des peintures aux sujets ordinaires mais à la composition audacieuse« .

Gustave Caillebotte, « Périssoires sur l’Yerres »,1877 / Collection of Mr. and Mrs. Paul Mellon
Audacieux, en effet, ce cadrage qui inclut dans le côté droit du tableau l’extrémité d’une rame et où le ciel n’est présent que dans quelques reflets bleutés à la surface de l’eau. Parmi les autres tableaux dits « emblématiques » de cette première salle il faut noter la présence de trois tableaux peints en 1878. Représentant aussi les bords de l’Yerres, ils formaient à l’origine un triptyque, que cette exposition réunit à nouveau pour la première fois.

Gustave Caillebotte, « L’Yerres, effet de pluie »,1875/ Bloomington, Indiana University Art Museum
Scènes nautiques, vues de la villa (le « Casin »), de l’immense parc avec son potager et ses « fabriques d’ornementation », vues d’intérieur sont comme autant d’échos de » la vie quotidienne et de loisirs d’une famille bourgeoise en villégiature« , souligne Anne-Christine Dufour, responsable du patrimoine et des affaires culturelles à la mairie de Yerres. C’est aussi, et surtout, grâce aux prêts consentis pour cette exposition, un parcours privilégié dans l’oeuvre de Caillebotte et de ce lieu qui fut une source d’inspiration féconde, tout au long des années 1870. (2)

Domaine Caillebotte : les bords de l’Yerres © db
S’y ajoutent quelques toiles « après Yerres », peintes entre 1880 et 1893, présentées dans la dernière salle. Quinze ans après Périssoires sur l’Yerres, le tableau Régates à Argenteuil témoigne de la passion de Caillebotte pour le bateau et de sa maîtrise de la composition. (3) Il y a aussi cette oeuvre inclassable qu’est Le Boulevard vu d’en haut (1880) et son étonnant cadrage d’un arbre photographié d’en haut, de la fenêtre de l’appartement du boulevard Haussmann, laissant voir au travers du feuillage les silhouettes de quelques passants.

Caillebotte, « régates à Argenteuil », 1893 / Coll. part. Berhaut

Caillebotte, « Le boulevard vu d’en haut », 1880 / Coll. part. Berhaut
Ces tableaux confirment la « place à part » que Caillebotte occupe » au sein des artistes de la seconde moitié du XIXe siècle et dans le cercle des impressionnistes, comme le souligne Serge Lemoine. « Sa peinture, qui ne ressemble pas à celle de Monet, de Pissarro ou de Renoir, se trouve souvent davantage inscrite dans la filiation du réalisme, tout en ayant à voir avec l’art de Degas par l’originalité de ses compositions« . On peut ajouter Manet.
L’exposition se referme sur un diaporama de photos anciennes de la propriété, issues de l’album Dubois-Chaslin (4) et qui invitent le visiteur à la promenade dans le domaine. Lequel, acquis par la commune de Yerres en 1973, a fait l’objet depuis 1995 d’un vaste plan de réhabilitation visant notamment à redonner au parc de 11 hectares « son ampleur et son aspect d’origine« , précise Anne-Christine Dufour, avec son orangerie, ses « fabriques », comme autant d’invitations au voyage et à l’exotisme (chalet suisse, kiosque oriental, etc.) et le potager de 1600 m2. Quant à la villa, « le Casin », de style italien, elle fera l’objet d’une rénovation intérieure en 2015. En attendant, on peut y assister à la projection de films sur Caillebotte et l’impressionnisme, le temps de l’exposition Caillebotte à Yerres …
Une exposition qui pour la commune est « le point d’orgue » de la rénovation de la propriété labellisée « Maison des Illustres » en 2012 par le ministère de la Culture.

L’Orangerie et le kiosque surmontant la glacière © db
(1) Serge Lemoine avait assuré l’organisation de l’exposition sur les frères Caillebotte en 2011 au musée Jacquemart-André.
(2) Cette exposition a pu être réalisée grâce aux prêts provenant de grands musées et institutions en France et aux Etats-Unis (National Gallery of Art de Washington, Art Museum de Milwaukee, Indiana University Art Museum de Bloomington, Musées d’Orsay et de Marmottan-Monet à Paris, Musées des Beaux-Arts d’Agen et de Rennes) ainsi que de la famille, qui détient les 3/4 de l’oeuvre du peintre, et de collectionneurs privés.
(3) Caillebotte a acheté en 1881 une maison au Petit-Gennevilliers, sur la rive de la Seine face à Argenteuil, où se trouve le Cercle de la Voile de Paris. Lui même a remporté plusieurs régates.
(4) Du nom des deux propriétaires qui ont succédé aux Caillebotte, en 1879 et en 1963. On doit à Paul Chaslin l’extension des bâtiments de la Ferme Ornée qui abritent aujourd’hui le Centre d’art et d’expositions.

Le « chalet suisse » © db
Propriété Caillebotte
8, rue de Concy, 91330 Yerres
Entrée libre
De 9h à 20h30 du 1er avril au 30 mai
De 9h à 21h du 1er juin au 31 juillet