Poissy rend hommage à Saint Louis au-delà du mythe

P1120324On l’ignore souvent : Saint Louis est né à Poissy. Comme on ignore aussi son rôle fondamental dans la construction du pouvoir royal. Dans le cadre des manifestations nationales commémorant le 800ème anniversaire de sa naissance, le musée d’Art et d’Histoire de Poissy organise une exposition  « Sous le sceau du roi : Saint Louis, de Poissy à Tunis, 1214-1270« . Présentée jusqu’au 4 janvier 2015 au prieuré royal, la manifestation met en évidence le personnage politique, le monarque « terrestre » que fut Louis IX, loin des clichés hagiographiques et du mythe qui entourent un roi devenu saint.

Voir en Saint Louis « une figure majeure de la royauté médiévale« , et dans les institutions qu’il a mises en place « une préfiguration de l’état moderne » : tel est le propos de l’exposition dont Jean-François Mouflet, archiviste paléographe et conservateur du patrimoine, est le commissaire scientifique. Il s’agit donc d’évoquer « la vie terrestre » de Saint Louis, de Poissy où naît le 25 avril 1214 le futur roi Louis IX et où il est baptisé, à Tunis où il meurt en 1270, emporté par la peste lors de sa seconde croisade.

La collégiale Notre-Dame de Poissy avec la tour-porche et la statue de Saint Louis © db

La collégiale Notre-Dame de Poissy avec la tour-porche et la statue de Saint Louis © db

Pourquoi Poissy?  la première partie de l’exposition répond à la question en évoquant, documents à l’appui, l’histoire de la commune affranchie à la fin du XIIe siècle par Philippe Auguste (grand-père de Saint Louis). Poissy fait alors partie des résidences d’une royauté qui pendant tout le Moyen-Âge est itinérante.  Davantage « un lieu de passage, qu’un lieu de pouvoir comme Pontoise, Paris, Vincennes ou Saint-Germain-en-Laye« , souligne Jean-François Mouflet, Poissy n’en est pas moins « liée à l’histoire  de la famille royale capétienne, matériellement et spirituellement« .

Du château ou naquit le futur Louis IX, incendié par l’armée anglaise en 1346, seuls sont encore visibles les quatre niveaux inférieurs de la tour porche de la collégiale Notre-Dame,  la principale église de Poissy où Saint Louis fut baptisé. Quant au prieuré Saint-Louis, édifié par Philippe le Bel en 1304, il ne reste aujourd’hui qu’une partie du mur d’enceinte et la porterie fortifiée abritant  les collections du  Musée du Jouet. (1) C’est au rez-de-chaussée de ce bâtiment qu’est présentée l’exposition.

Saint Louis, restera « très attaché à ses origines, signant Louis de Poissy, ou Louis, seigneur de Poissy » ses missives personnelles, alors même qu’il règne sur un royaume que les conquêtes de Philippe Auguste ont considérablement agrandi. Saint Louis va s’attacher à renforcer  le pouvoir royal sur cet ensemble discontinu de terres qui s’étend désormais de la Manche à la Méditerranée. Unification administrative, création du parlement (composé de juristes dont le rôle est de seconder le roi dans l’exercice de la justice), et réforme monétaire vont contribuer à la construction d’un véritable Etat royal.

Tablette de cire de Jean de Sarrazin, chambellan de Saint-Louis, chargé d'inscrire au quotidien les dépenses du roi et de la cour en déplacement. Coll. Archives nationales © SCN AN/ Photo db

Tablette de cire de Jean de Sarrazin, chambellan de Saint-Louis, chargé d’inscrire au quotidien les dépenses du roi et de la cour en déplacement. Coll. Archives nationales © db

Quelque 2400 « actes » ont été répertoriés dans les registres de la chancellerie (un peu l’ancêtre de notre « Journal officiel ») pour en garder la mémoire, d’où « l’importance donnée dans l’exposition à l’écrit qui matérialise la parole royale« , souligne Jean-François Mouflet.

Ordonnance contre les Juifs de 1230 © db

Ordonnance contre les Juifs de 1230 © db

Nombreux sont en effet les documents présentés dans l’exposition, originaux ou fac-similés (2). Il faut prendre le temps de s’y arrêter pour bien en mesurer la portée dans le contexte de l’époque, à près de huit siècles de distance. Avec ce registre des plaintes reçues en l’année 1247 par les enquêteurs visant les torts commis par des agents locaux du roi, nous voilà bien loin de l’image d’Epinal de Saint Louis rendant la justice sous un chêne … Tandis que  l’ordonnance de 1230 contre les Juifs, orné des sceaux des dix-huit barons de France, nous rappelle que le roi juste est aussi un roi chrétien, donc intraitable envers ceux qu’il considère comme des ennemis de sa foi.

À gauche, moulage (1939) de la statue de saint-Louis du château de Mainneville (1301) Cité de l'Architecture e tdu patrimoine // À droite Statue de St-Louis bois polychrome, châsse des grandes reliques de la Sainte-Chapelle (vers 1300)- Musée de Cluny © db

À gauche, moulage (1939) de la statue de saint-Louis du château de Mainneville (1301) Cité de l’Architecture e tdu patrimoine // À droite Statue de St-Louis bois polychrome, châsse des grandes reliques de la Sainte-Chapelle (vers 1300)- Musée de Cluny © db

« Intraitable » sur cette question de la justice, « le roi le sera de plus en plus en fin de règne« , souligne Jean-François Mouflet. Son « testament » en témoigne, qui fait de  la protection des faibles et du caractère irréprochable des représentants du roi une priorité. C’est  en vertu du caractère jugé « remarquable et exemplaire » du comportement du roi de son vivant que sera demandé au pape, dès la mort de Louis IX, l’ouverture d’un procès en canonisation. Laquelle interviendra – moyennant quelques miracles post mortem ajoutés au curriculum royal – en 1297, par une bulle du Pape Boniface VIII présentée dans l’exposition.

L’héritage politique et moral d’un tel roi ne pourra être que « très lourd« . D’ailleurs, « qui a entendu parler de Philippe III ? », ironise notre guide. C’est à cet héritage et sa légende qu’est dédié le dernier parcours de l’exposition.

Une exposition dont on peut seulement regretter – comme souvent ici – que l’espace dévolu ne soit pas à la hauteur de l’intérêt du sujet et de la qualité des pièces présentées (3)

On complétera la visite par celle de la Collégiale Notre-Dame de Poissy, à deux pas et où l’empreinte du saint roi est très présente. Outre des vitraux, on y trouve une statue d’Isabelle de Navarre, fille de Saint Louis, ainsi que les vestiges supposés des fonts baptismaux où Saint Louis aurait reçu le baptême… (4)

Le catalogue, un vrai livre d’Histoire bien conçu, avec un texte fourni mais clair et une très riche iconographie, est un excellent complément à l’exposition.

Les fonts baptismaux où Saint-Louis aurait été baptisé © db

Les fonts baptismaux où Saint-Louis aurait été baptisé © db


(1) Labellisé « Musée de France ».
(2) Pour des raisons de conservation liées à la très longue durée de l’exposition (dix mois), il a été prévu une rotation des documents entre originaux et fac-similés, sans incidence sur la qualité et la cohérence de l’ensemble. Tous ces documents, ainsi que des objets patrimoniaux, des reliques, des vitraux de la Sainte-Chapelle et des sculptures constituent un ensemble de pièces rares issues entre autres des Archives nationales, de la Bnf, des musées de Cluny et des Monuments français.
(3) C’était le cas de la très intéressante exposition consacrée au Colloque de Poissy, en 2012
(4)  La statue d’Isabelle de Navarre quittera la Collégiale au mois de septembre prochain pour la grande exposition Saint Louis qui sera présentée à la Conciergerie (Centre des monuments nationaux) du  8 octobre 2014  au 11 janvier 2015.

Prieuré royal de Poissy
1, Enclos de l’Abbaye
78300 POISSY
Tél. 01 39 65 06 06

 

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