« HISTOIRES SANS SORCIERE » à la Maison de La vache qui rit

"Histoires sans sorcières", "Feijoeiro", João Pedro Vale, 2004  © db

« Histoires sans sorcières », « Feijoeiro », João Pedro Vale, 2004 © db

La nouvelle exposition d’art contemporain organisée à la Maison de La vache qui rit à Lons-le-Saunier par le Lab’Bel, le Laboratoire Artistique du Groupe Bel, propose jusqu’au 8 mars 2015  une plongée dans les contes de fées et leur imaginaire. Sculptures, installations, performances, oeuvres vidéo : une dizaine d’artistes contemporains explorent ces territoires et personnages de l’enfance, de Blanche-neige à Jack et le haricot magique… 

Laquelle est empoisonnée?… © db

Laquelle est empoisonnée?… © db

…  Si le Feijoeiro, le haricot magique revisité par l’artiste portugais João PedroVale (1) envahit l’espace de sa présence imposante autant que vivante, entre animal et végétal, c’est le personnage de Blanche-neige qui hante l’exposition, ne serait-ce qu’avec le titre de celle-ci : Histoires sans sorcière. Celle de Blanche-neige n’en est-elle pas l’archétype ? Et la frayeur que la métamorphose de la reine en vieille femme au nez et mains crochus a suscité  chez des générations de jeunes spectateurs de Walt Disney, à commencer par l’auteure de ces lignes…  « Non, ne mange pas la pomme« , avions-nous envie de crier à Blanche-neige, recroquevillés au fond de nos fauteuils. Des pommes, bien rouges, il y en a d’ailleurs à foison en ce jour d’inauguration de l’exposition; des nains aussi dans l’allée menant à l’entrée de la Maison de La vache qui rit.

"Histoires sans sorcière", Pierre Huyghe, 2005 (au 1er plan "Untitled "(Pillow), Anna Betbeze, 2014) © db

« Histoires sans sorcière », Pierre Huyghe, 2005 (au 1er plan « Untitled « (Pillow), Anna Betbeze, 2014) © db

D’ailleurs, c’est avec les premières lignes de ce célèbre conte des frères Grimm que Silvia Guerra, directrice artistique de Lab’Bel et co-commissaire de Histoires sans sorcière, ouvre le texte de présentation de l’exposition. (2) « J’avais oublié la beauté de ces contes », confie-t-elle, s’interrogeant en même temps sur  leur place dans l’imaginaire des enfants à l’heure des jeux vidéos. Mais l’art est là, qui prend le relais de la tradition orale pour s’emparer des contes  qui n’appartiennent à personne – I DO NOT OWN SNOW WHITE  (Blanche-Neige ne m’appartient pas) rappelle en lettres de lumière Pierre Huyghe – et perpétuer leur capacité à « métamorphoser la réalité« .

"Histoires sans sorcière", Pierre Joseph,"La sorcière (Personnage à réactiver)", 1993 ©db

« Histoires sans sorcière », Pierre Joseph, »La sorcière (Personnage à réactiver) », 1993 ©db

Une réalité à laquelle s’est apparemment heurtée la sorcière. Car il y a bien une sorcière dans Histoires sans sorcière, mais elle est morte. Chevauchant son balai, elle a confondu le bleu du ciel avec celui du mur contre lequel elle s’est fracassée et la voilà étendue face contre terre, sans vie, une longue trainée de sang sur la paroi témoignant du choc fatal. En s’approchant, on s’aperçoit que les vêtements de la défunte sorcière habillent une personne, une vraie en chair et en os, une jeune femme.  Pierre Joseph signe avec cette oeuvre  ce qu’il appelle un « personnage à réactiver », un concept que l’artiste a mis en oeuvre dans les années 1990.  « Des archétypes distribués dans des espaces d’exposition lors des vernissages puis fixés par la photo« , explique-t-il. Le cliché  servira à la « réactivation » du personnage.  Effectivement l’image photographique gardant la trace de la première (1993) – ou d’une précédente – activation du personnage de la sorcière est accrochée sur le mur bleu. (3)

De l’autre côté du mur  – De l’autre côté du miroir ? – c’est encore Blanche-Neige qui attend le visiteur, mais sur l’écran noir du film homonyme de João Cesar Monteiro, tandis que défilent des extraits du texte dit en voix off… (4)

L’inquiétant dans les contes c’est aussi ce dont l’apparence est incertaine,  comme la masse aussi imposante qu’indéterminée du « coussin » (pillow), Untitled,  de Anna Betbeze. Tout aussi énigmatique le « peignoir » (Merman) à la texture et aux teintes indéfinissables que son mystérieux propriétaire a suspendu au mur.

"Histoires sans sorcière", Virginie Yassef : "Passe Apache", 2004-2006 © db

« Histoires sans sorcière », Virginie Yassef : « Passe Apache », 2004-2006 © db

Le soulagement, par contre, c’est quand le héros trouve l’issue permettant d’échapper au danger ou d’accéder au lieu secret recherché. le Passe Apache de Virginie Yassef remplit cette mission : il suffit d’une pression de la main sur l’un des côtés de ce gros rocher très réaliste incrusté dans le mur, pour qu’il pivote sur lui-même donnant accès à un espace dérobé…

"Histoires sans sorcière", Virginie Baré : "Suspension des esprits", 2014 / Au fond Pierre Ardouin : "L'Abri (le vent nous portera)", 2007 © db

« Histoires sans sorcière », Virginie Baré : « Suspension des esprits », 2014 / Au fond Pierre Ardouin : « L’Abri (le vent nous portera) », 2007 © db

S’il est un autre lieu caractéristique des territoires de l’enfance, c’est bien la cabane. Celle de Pierre Ardouvin –  L’Abri (le vent nous portera) – est renversée paisiblement sur elle-même et il s’en échappe des bulles, qui vont à la rencontre de quelques pousses fleuries du haricot géant. On reste dans les airs avec La suspension des esprits de Virginie Barré, nacelle magique tournant lentement sur elle même au dessus de la volée d’escalier menant au 1er étage. (5)

Le visiteur rencontrera aussi, entre autres, un miroir (Dis-moi, Pierre Ardouvin), une sphère d’or et de cristal (Silence is golden, Olivier Beer), une araignée (C.C. Spider – Pierre Huyghe)…

Les oeuvres sont présentées dans un espace volontairement restreint, pour que de « la concentration des oeuvres et matières se dégage une énergie« , explique Silvia Guerra. Car de même que « c’est avant tout le lieu de l’action qui donne à l’histoire son pouvoir d’évocation et son efficacité (…), l’expérience spatiale vécue par le visiteur devient une composante à part entière de son expérience esthétique« , souligne  Michael Staab qui signe la scénographie de cette exposition  aussi attachante qu’originale. Laquelle s’inscrit dans une démarche entamée en 2010 par le Lab’Bel visant à favoriser l’accès à l’art contemporain par le biais d’expositions collectives mêlant artistes confirmés et artistes émergents.

Et la Vache qui rit, dans tout ça? Eh bien elle aura 100 ans en 2021 et prépare dès maintenant cet anniversaire avec une première boite collector réalisée par l’artiste allemand Hans-Peter Feldman. À découvrir du 17 novembre au 31 décembre 2014 …

Silvia Guerra, 22 septembre 2014 © db

Silvia Guerra, la Maison de La vache qui rit, 22 septembre 2014 © db

 

(1) Oeuvre réalisée pour la Biennale de Séville en 2004.
(2) Les deux autres commissaires sont Gilles Baume, associé depuis 2011 aux activités du Lab’Bel, et Laurent Fiévet, arrière petit-fils de Léon Bel et directeur du Lab’bel.
Quant au texte de blanche-Neige, on ne résiste pas au plaisir de le partager :
« Il était une fois, au coeur de l’hiver, tandis que les flocons de neige tombaient du ciel comme des plumes, une reine qui cousait, assise à  une fenêtre encadrée de bois d’ébène, noir. Et pendant qu’elle cousait tout en levant les yeux vers la neige, la reine se piqua le doigt avec son aiguille et trois gouttes de sang tombèrent sur la neige. Comme la couleur rouge du sang sur la neige blanche était si belle, elle se dit : “Si je pouvais avoir un enfant aussi blanc que la neige, aussi rouge que le sang et aussi noir que le bois de la fenêtre! Bientôt après, elle mit au monde une petite fille qui était aussi blanche que la neige, aussi rouge que le sang et qui avait les cheveux aussi noirs que de l’ébène, et , pour cette raison, elle fut appelée Blanche-Neige. Et aussitôt après la naissance de l’enfant, la reine mourut. »
(
traduction de Natacha Rimasson-Fertin, Contes pour les enfants et la maison, Éditions José Corti, collection Merveilleux, Paris 2009)
(3) La sorcière fait partie, avec Le pilote et Le convalescent du triptyque Le Grand Bleu de personnages à réactiver (Collection Frac Provence-Alpes-Côte-d’Azur)
(4) Branca de Neve (Blanche-Neige), le film réalisé en 2000 par João Cesar Monteiro (1939-2003)  est pour l’essentiel constitué de plans absolument noirs, sur lesquels cinq comédiens disent en voix off le texte poétique du Blanche-Neige de l’écrivain suisse Robert Walser, retrouvé mort d’épuisement dans la neige aux environs de l’asile psychiatrique où il avait fini sa vie.
(5) Où l’on peut visiter l’exposition permanente sur l’histoire de la marque La Vache qui rit.
Pour en savoir plus sur le Lab’Bel, cliquer ici

La première boite de Vache qui rit / Maison de La vache qui rit © db

La première boite – en métal – de La vache qui rit (1921) / Maison de La vache qui rit © db

 

 

La Maison de La vache qui rit
25 Rue Richebourg
39000 Lons-le-Saunier
+33 3 84 43 54 10

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