L’Expression libre, c’ est ce qui caractérise les deux artistes, Gaston Chaissac et Jean Dubuffet, comme l’enseignant Célestin Freinet, fondateur de la pédagogie universellement reconnue qui porte son nom. Une exposition les réunit au musée des Beaux-Arts de Nantes jusqu’au 31 octobre 2010.
« Une exposition sans prétention », nous dit Vincent Rousseau, conservateur au Musée. Une modestie qui n’empêche pas un certain contentement d’avoir réussi à rassembler des éléments épars autour d’un même centre d’intérêt, à l’occasion de la Rencontre internationale des éducateurs Freinet, organisée à Nantes du 20 au 29 juillet 2010.
Une « réédition originale » en quelque sorte. Car si le musée a à son inventaire un fonds de dessins d’enfants, c’est qu’ils lui furent offerts, en partie, par Elise Freinet, à l’occasion d’une Exposition Internationale d’Art Enfantin, organisée en 1957, parallèlement au XIIIe Congrès de l’Ecole Moderne-Pédagogie Freinet tenu à Nantes.
Mais en 2010, les dessins sont mis en regard, pour la première fois, avec des oeuvres de Gaston Chaissac et Jean Dubuffet. Pour Chaissac, il s’agit de deux oeuvres acquises par la Société des Amis du : le , peint sur du zinc, et réalisée au ripolin sur le dessus d’une table de cuisine, dont Chaissac utilise les trois planches disjointes pour composer une sorte de triptyque, représentation minimaliste et dépouillée de l’épisode biblique.
Mais en 2010, les dessins sont mis en regard, pour la première fois, avec des oeuvres de Gaston Chaissac et Jean Dubuffet. Pour Chaissac, il s’agit de deux oeuvres acquises par la Société des Amis du musée des Beaux-Arts de Nantes : le Personnage aux yeux bleus , peint sur du zinc, et La Cène, réalisée au ripolin sur le dessus d’une table de cuisine, dont Chaissac utilise les trois planches disjointes pour composer une sorte de triptyque, représentation minimaliste et dépouillée de l’épisode biblique.
La peinture de Chaissac avait tout pour retenir l’attention de Dubuffet, le théoricien de l’Art brut, cet art produit en marge des normes et conventions esthétiques, par des auteurs eux mêmes en marge du milieu artistique et le plus souvent aussi de la société. Jean Dubuffet soutient Chaissac et lui achète des oeuvres. Pour l’occasion le Musée a bénéficié du prêt de deux tableaux de Dubuffet.

Jean Dubuffet, Site avec deux personnages, 1982 (acrylique sur papiers collés, marouflé sur toile) Photo DB
En dehors des normes et des conventions, Célestin Freinet et sa femme Elise le sont aussi avec leur « école du peuple ». Une « utopie » qu’ils concrétisent en fondant en 1935 à Vence la première école qui porte leur nom, après des années de réflexion et aussi d’incompréhension de la part de l’école publique officielle. L »Expression libre » est au coeur de cette pédagogie visant à la fois à « réintégrer l’enfant dans son milieu » et développer sa créativité au sein du groupe.
Freinet introduit notamment l’imprimerie à l’école, afin que les enfants réalisent eux-mêmes un « journal scolaire » sur des thèmes qu’ils sont choisis, partant du principe que « pour avoir envie d’écrire, il faut que l’enfant ait un but« . Outre le dessin, toutes les formes d’expression artistiques sont explorées : danse, chant, theâtre…. Importante également, dans cette « école du peuple », l’attention portée à l’hygiène de vie, avec l’alimentation et l’exercice physique. « On était libre et heureux« , témoigne quelque 40 ans plus tard cet ancien élève, Kiki, qu’on voit dans un des films diffusés dans l’exposition…
L’exposition, justement. Elle prend tout son sens quand on découvre que la femme de Gaston Chaissac, institutrice en Vendée connaissait les activités des Freinet, que le peintre lui-même, lors de la parution en décembre 1959 du premier numéro de Art Enfantin, créée par Elise Freinet, avait envoyé une lettre enthousiaste à celle-ci pour la féliciter, qu’au comité d’honneur de la revue figurait Jean Dubuffet, installé depuis 1955 à Vence, que l’année suivante Gaston Chaissac lui rendit visite, en profitant pour entrer en contact avec l’école Freinet.
Vincent Rousseau d’ailleurs, ne cache pas sa satisfaction d’avoir retrouvé une lettre à l’en-tête de l’ Ecole Freinet adressée à Chaissac : « C’est bien volontiers que nous vous recevrons pour discuter avec vous de toutes ces questions qui vous intéressent et nous intéressent« . Et qui nous intéresse : l’art à l’école, n’est-ce pas une question récurrente ? (1)
Avec l’ensemble des pièces rassemblées dans cette salle du musée des Beaux arts de Nantes – les oeuvres des deux artistes, celles des enfants des écoles Freinet, en France, mais aussi à Pitoa au Cameroun, les documents écrits et filmés – Expression libre, Chaissac, Dubuffet, Freinet, cette « exposition sans prétention« , n’en est pas moins très intéressante, tant sur le plan artistique que pédagogique. A cet égard, le documentaire présenté dans l’exposition est très éclairant sur l’histoire et la philosophie de la pédagogie Freinet.
Si celle-ci a évolué avec les techniques, l’esprit demeure et anime encore l’action d’éducateurs, en France, au travers de l’ICEM (l’Institut coopératif de l’Ecole moderne), et dans d’autres pays dans le monde, regroupés au sein de la FIMEM (Fédération internationale des Mouvements de l’Ecole moderne).
(1) Le 14 octobre 2010, le musée des Beaux-arts de Nantes accueille une table ronde sur La pédagogie des arts plastiques, de Freinet à aujourd’hui…