Le théâtre du Garde-Chasse : Versailles aux Lilas

Sallle du théâtre du Garde-Chasse / Photo DB


Un édifice centenaire inspiré du Grand Trianon de Versailles, conçu pour être la Salle des fêtes de la ville des Lilas aux portes de Paris, est devenu au milieu des années 1990 un espace culturel, le théâtre du Garde-Chasse. Si la salle de bal est devenue salle de spectacle, les événement s’y déroulent toujours sous le somptueux plafond peint par Victor Tardieu et classé aux monuments historiques. Tandis qu’un équipement scénique et technique sophistiqué permet d’accueillir une programmation pointue et diversifiée : cinéma, théâtre, danse, concerts. Ce serait dommage de passer à côté…

… C’est pourtant ce qui risque d’arriver si en sortant du métro Mairie des Lilas, on remonte d’un pas un peu trop pressé la rue de Paris. Car le théâtre du garde-Chasse dissimule son imposante façade derrière un square, dernier vestige sans doute de ce qui était jadis un bois, et c’est en vain qu’on chercherait le 181bis indiqué par le Comité départemental du tourisme de Seine-Saint-Denis à qui l’on doit cette invitation à venir découvrir « ce bijou architectural inattendu et plein de charme ».

Le buste de Paul de Kock devant ce qui fut sa villa / Photo DB

Au premier abord, l’inscription « Liberté, Egalité, Fraternité » sur le fronton  évoque  davantage une mairie qu’un théâtre. Théâtre, il ne l’est devenu qu’en 1994, et mairie il ne l’a jamais été. En fait le bâtiment, construit de 1903 à 1908, a été conçu pour être la salle des fêtes de la municipalité. Il a été édifié sur l’emplacement « d’un très grand jardin, celui de la villa de l’écrivain Paul de Kock, qui le céda à la ville, explique Stéphanie Machart, chargée de relations auprès du public pour le théâtre du Garde-Chasse. Paul de Kock, dont on a pu voir le buste sur l’esplanade et qui, avouons-le, nous était jusque là inconnu… On apprendra que cet écrivain du XIXe siècle (1793-1871) fut un romancier et dramaturge fécond et populaire – dans les deux sens du terme : peintre des gens du peuple et auteur à succès. (1)

Pourtant, à l’heure de donner un nom au théâtre lors de la reconversion du lieu,  ce ne fut pas le sien qui fut retenu. La municipalité lui a préféré l’évocation de l’ancien bois et son garde-chasse, ce dernier ayant déjà donné son nom à la rue derrière le bâtiment. Et puis, « Théâtre du Garde-Chasse », est plus en résonance avec le côté « Versailles » de l’édifice. Conçu par l’architecte Léopold Bévière, il s’inspire en effet du Grand Trianon avec sa façade aux grandes portes-fenêtres arrondies et son large escalier de pierre. Quant aux dimensions de l’ensemble, elles sont plus proches du petit Trianon.

La façade du Théâtre du Garde-Chasse / Photo DB

La transformation de la salle des fêtes en théâtre est l’œuvre de l’architecte Bertrand Stoll, qui a dû composer avec le respect de l’ancien et les exigences d’un équipement moderne et multifonctionnel.

Hall d'entrée / Photo DB

Pour accéder au théâtre, il faut descendre quelques marches, en contrebas de l’escalier central. Le hall d’entrée est classique, avec billetterie et bar, avec pour seule note originale le sol incrusté de silhouettes stylisées de danseuses (qu’on retrouvera sur les rampes d’escalier ou les barrières dans la salle de théâtre), une légèreté qui contraste avec le plafond surbaissé supporté par d’épaisses colonnes. Un détail architectural qui va trouver son explication à l’étage, en entrant dans la salle : celle-ci a été entièrement construite sur verrins.

« Chaque gradin est monté sur verrins hydrauliques, explique Nicolas, régisseur son du théâtre, ce qui permet de ranger les fauteuils dans des trappes, et de redonner à la salle son aspect originel, avec son plancher de bal ». Un aspect que la salle retrouve en une dizaine d’occasions par an, notamment pour la traditionnelle cérémonie des vœux du maire, mais aussi pour des expositions ou d’autres manifestations. « L’escamotage de tous les gradins nécessite au total entre six et huit heures, celui des seuls gradins du bas permet d’agrandir la surface de la scène, notamment pour les spectacles de danse ».

Au fur et à mesure que l’on se rapproche de la scène, l’ensemble de la salle s’offre au regard, avec ce qui en fait le principal attrait, son magnifique plafond, entièrement décoré de fresques entourées de grisailles et de stucs, classé aux monuments historiques. Il est l’œuvre de Victor Tardieu (1870-1937), prix de Rome, dont le projet a été retenu au milieu d’une cinquantaine d’autres. Les esquisses originales, achetées et restaurées par la municipalité, sont exposées dans le hall d’entrée.

« Le panneau central fait 160 mètres carrés,  il est flanqué à ses deux extrémités de deux panneaux plus petits de huit mètres sur quatre, précise notre guide. L’ensemble a été peint sur toile puis marouflé au plafond. Le thème général est celui de la fête, de la guinguette… Le préfet, le maire avec son écharpe tricolore, ainsi que l’architecte, Léopold Bézières, ont été représentés. Pour l’anecdote, c’est la mère du peintre qui a servi de modèle pour la harpiste ». Restaurées une première fois en 1972,  les peintures ont  a été rafraîchies au moment de la transformation de la salle en théâtre en 1994.

Voilà pour le plaisir de l’oeil. Pour celui de l’oreille, l’acoustique est parait-il excellente, car « les murs latéraux sont en bois, avec des essences différentes selon la distance par rapport à la scène », explique le régisseur son.

Si la salle, avec ses 308 places, est de dimensions relativement modestes, l’ensemble est à la fois très particulier et très harmonieux, dans les proportions, les couleurs, comme dans le mariage réussi du décor ancien et d’un équipement technique de pointe. C’est ainsi qu’au fond de la salle, on distingue les cabines de régie et de projection, et leurs trois fenêtres percées dans le respect de l’intégrité architectural de l’ensemble.

Car c’est une programmation « multi-genre » qu’accueille cet espace culturel : cinéma (cinq jours sur sept – salle classée Art et Essai), théâtre (le vendredi soir), danse, concerts, spectacles pour le jeune public. Le jeudi est jour de « relâche » pour permettre aux compagnies théâtrales de monter et répéter le spectacle du vendredi.

Côté coulisses, on trouve trois loges individuelles et deux loges collectives spacieuses et confortables « où les conditions sont bien souvent plus agréables que dans des théâtres plus anciens », souligne Stéphanie Machart. Des conditions qu’apprécient tout particulièrement, parait-il, les quelque 50 à 70 musiciens de l’orchestre d’Ile-de-France lorsqu’ils viennent donner le traditionnel concert du Nouvel An.

Une loge collective / Photo DB

Autre atout, le théâtre du Garde-Chasse dispose de quatre techniciens permanents : régisseurs son, lumière, général et général adjoint. « Des conditions qu’on ne trouve pas forcément dans tous les théâtres où, en raison de budgets de plus en plus restreints, on n’a le plus souvent qu’un régisseur général et des intermittents. C’est un confort appréciable pour les artistes et les compagnies ».

Quant au public, il est composé « de fidèles, d’abonnés des Lilas et des communes limitrophes, dont certaines ne disposent pas d’un équipement similaire. Un public de proximité, mais aussi des Parisiens, parce qu’on a une programmation assez riche et une politique tarifaire assez compétitive », souligne Stéphanie Machart.

Alors, pourquoi pas une séance de cinéma, un concert de jazz ou une comédie au théâtre du Garde-Chasse ?

(1) Pour se faire une idée, un titre, parmi bien d’autres:  La Pucelle de Belleville (1934)…
Paul de Kock est également l’auteur de nombreuses chansons dont la célèbre Madame Arthur, grand succès des années 1920, interprétée par Yvette Guilbert.

Le site de la ville des Lilas : www.ville-leslilas.fr

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