La girafe ZARAFA à l’affiche… du Muséum d’Histoire naturelle.

Elle est en ce moment sur les écrans : Zarafa, la première girafe venue en France, est la vedette d’un film d’animation. Mais pour connaître sa véridique – et néanmoins invraisemblable – histoire, il faut se rendre au Cabinet d’Histoire du Jardin des Plantes qui lui consacre une exposition jusqu’au 18 juin 2012. Zarafa, La véritable histoire, retrace l’aventure du quadrupède offert en 1826 par le Pacha d’Egypte au roi de France Charles X, son rocambolesque périple du Soudan jusqu’à la Ménagerie du Jardin des Plantes dont elle fut la « star » et où elle est restée jusqu’à sa mort, en 1845. Naturalisée, Zarafa  est aujourd’hui exposée au Muséum de la Rochelle.

Dès l’entrée de l’exposition, une grande carte illustrée, sur tout un pan de mur, permet de visualiser la longueur et les étapes de ce périple extraordinaire de Zarafa, des sources du Nil à Paris.

Mais avant d’en entreprendre le récit, il est nécessaire d’évoquer le contexte de cette histoire. « Si les relations entre la France et l’Egypte au début du XIXe siècle, sont bonnes sur le plan culturel suite au voyage de Bonaparte, sur le plan diplomatique,  rappelle Catherine Vadon, commissaire scientifique de l’exposition, il y a un petit souci en raison de l’implication du Pacha d’Egypte aux côtés de l’Empire ottoman sur la question de l’indépendance grecque. L’opinion française est un peu remuée et le Pacha s’est fait dire par le consul de France à Alexandrie qu’un cadeau diplomatique d’exception au roi Charles X – en l’occurrence une girafe – serait le bienvenu ».

On imagine... / Photo DB

Ce qui tombe bien puisque le gouverneur du Soudan, vient d’offrir deux girafeaux femelles au pacha d’Égypte. L’une ira donc en France, l’autre en Angleterre. Cette dernière ne résistera pas au dépaysement, mais elles vont faire ensemble la remontée jusqu’à Alexandrie, « par caravane dans le désert et dans une felouque sur le Nil, 3000 km au total, avec une petite halte au Caire dans les jardins du Pacha ». A défaut de document sur cette partie du périple, une des illustratrices de l’exposition a laissé courir son imagination …

A Alexandrie, Zarafa embarque sur un deux mâts, un brigantin sarde. On devra percer un trou sur le pont pour laisser passer le cou et la tête de la girafe… « A bord, trois vaches laitières, pour les 25 litres de lait quotidiens nécessaires à l’alimentation de l’animal en pleine croissance, ainsi que deux antilopes (pour lui tenir compagnie), bref, une vraie arche de Noé, sans oublier un palefrenier ». La traversée de la méditerranée se passe sans encombres. Peut-être grâce au sac contenant des graines magiques et quelques versets du Coran que Zarafa porte à son cou pour la protéger contre les maladies…

A son arrivée à Marseille le 23 octobre 1826, elle est mise en quarantaine dans le lazaret du port, puis prise en charge par le préfet « qui va quasiment tomber amoureux de la girafe, l’installer dans ses propres dépendances où elle passera tout l’hiver à l’abri. Tandis que l’épouse du préfet propose des « dîners à la girafe », qui seront du dernier chic à Marseille », indique Catherine Vadon. Aux beaux jours elle reprend son voyage, accompagnée d’un éminent professeur du Muséum, Geoffroy Saint-Hilaire. Ce spécialiste des mammifères à l’origine de la création de la Ménagerie est aussi un ancien de l’Expédition d’Egypte de Bonaparte.

Passage de la girafe à Arnay-le-Duc / Photo DB

C’est tout un cortège exotique  qui prend la route, avec des gendarmes à cheval et un chariot pour les bagages. En remontant la vallée du Rhône, à chaque escale – Avignon, Orange, Montélimar, Valence, etc. –  on se presse en foule pour apercevoir cet animal qu’on n’avait encore jamais vu vivant sur le sol français. « D’après les récits des chroniqueurs de l’époque, on s’étonne de sa grande douceur – on s’imaginait peut-être qu’étant très grande, elle devait être féroce », suggère la commissaire. Aujourd’hui encore des enseignes à l’effigie de Zarafa témoignent de ce succès populaire.

Le 30 juin 1927, au terme de 880 km « à pattes », c’est l’arrivée à Paris, à la rotonde du Jardin des Plantes où Zarafa est accueillie par les savants du Muséum. Quelques jours plus tard, elle sera conduite en cortège pour être présentée au roi Charles X, qui sera lui aussi « séduit par la douceur de l’animal ». Commence alors un séjour de 18 ans au Jardin des Plantes. Le succès est considérable : on estime à environ 600 000 le nombre de visiteurs pour le seul été 1827. Ce qui va renflouer les caisses du Muséum et permettre de construire deux nouveaux bâtiments.

Cet engouement va durer plus de trois ans et la fin de la « mode girafe » coïncider avec le déclin de Charles X dans l’opinion. Cela n’a pas échappé à Honoré de Balzac, qui écrit quelques semaines avant la Révolution de 1830 : « [La girafe] n’est plus visitée que par le provincial arriéré, la bonne d’enfant désœuvrée et le jean-jean naïf. À cette leçon frappante, bien des hommes devraient s’instruire et prévoir le sort qui les attend. » (1)

Zarafa survivra au règne de Charles X pendant encore quinze ans, mais quelques mois seulement à la mort de Geoffroy Saint-Hilaire. La girafe meurt en 1845 à l’âge de 20 ans. Naturalisée, « empaillée », elle est aujourd’hui au Muséum d’Histoire naturelle de La Rochelle où elle serait arrivée au tout début des années 1930, sans que l’on sache exactement ce qui s’est passé entre temps…

La "girafomania" / photo DB

La seconde salle de l’exposition évoque la « girafomania » qui a sévi au cours des années suivant l’arrivée de Zarafa. On peut voir un échantillon des objets de toutes sortes réalisés à son effigie : bonbonnières, assiettes, carreaux de faïence, plats à barbe, tabatières, papiers peints, carnets de bal, médailles, etc. sans parler de la mode de « la couleur girafe »… les caricaturistes et pamphlétaires se sont aussi emparé de l’animal pour critiquer le régime de Charles X.

La girafe vue par Buffon / MNHN

Avant l’arrivée de la girafe « en vrai », les représentations de l’animal ont évolué au fil des siècles, oscillant entre réalité et mythe. Comme on peut le voir dans quelques ouvrages exposés. Un naturaliste italien qui vers 1550 avait vu des girafes vivantes au Caire, décrit et représente l’animal sous le nom de camelopardalis (son nom latin actuel) faisant allusion au cou du chameau et aux taches du léopard (2), un siècle plus tard, un autre ouvrage en fait une représentation nettement mythique, entre l’antilope et la licorne. Quant à la girafe dessinée par Buffon en 1794, elle est encore bien approximative, avec ses  dimensions démesurées et son pelage « tachiste »…

Une vidéo rend hommage à une autre girafe, celle de François Levaillant, « un aventurier et un naturaliste qui a collecté beaucoup d’objets et d’animaux de par le monde et a, au cours d’un voyage en Afrique du sud,  chassé et abattu une girafe. Il a réussi à tanner la peau sur place et l’a fait parvenir au Cabinet d’Histoire qui a donc reçu en 1784 sa la première dépouille de girafe », explique Catherine Vadon.

Parkie et Hans / MNHN

Mais Zarafa n’a pas été la seule « star » du Muséum et l’exposition en évoque quelques autres, comme la lionne Constantine ou « le couple d’éléphants, Hans et Parkie, ramenés de Ceylan en Hollande par un navire de la Compagnie des Indes et que les troupes révolutionnaires françaises ont ensuite rapatrié au Muséum, où ils ont vécu plusieurs années ». Naturalisé à Paris en 1803, l’éléphant Hans fait aujourd’hui partie des collections du muséum d’Histoire naturelle de Bourges.

Un petit rappel de girafologie avant de quitter l’exposition :  9 sous espèces de girafe sont actuellement reconnues en Afrique – nonobstant des divergences entre scientifiques – et correspondent à des territoires et  patrimoines génétiques différents…

S’il fait beau on peut poursuivre en allant regarder les très belles photos accrochées jusqu’au 21 mars 2012 aux grilles du jardin de l’Ecole de Botanique dans le cadre de l’exposition Taxidermie, dans les coulisses du Muséum. (On y reviendra)

Zarafa naturalisée / Photo DB

(1) cité dans Les avatars de Zarafa, première girafe de France, Chronique d’une girafomania (1826-1845), par Olivier Lebleu, aux éditions Arlea/Beaux livres

(2) « Dès la Renaissance, de par ses relations commerciales avec l’Orient, l’Italie accueille les informations des voyageurs sur la girafe, et bientôt, l’animal lui-même. En 1486, le sultan d’Égypte fait cadeau d’un beau spécimen à Laurent de Médicis. Bien avant les Parisiens, les Florentins se pressent pour entrevoir la demoiselle à échasses. Des peintres la représentent à l’arrière-fond de leurs tableaux religieux, des poètes lui dédient leurs vers. Fort de cette familiarité relative, le grand naturaliste Aldrovandi (1522-1605) pourfend les âmes crédules : le nom de “chameau-léopard” ne renvoie nullement à une prétendue hybridité de la créature, mais à sa morphologie et à ses couleurs. » Michel Meurger, cite par David Collin

Pour en savoir plus sur le Cabinet d’Histoire du Jardin des Plantes, cliquer ici 

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