L’Art et le lait débordent à la Maison de la Vache qui rit

Boris Achour, « Un monde qui s’accroche à nos désirs » / Photo DB

Pour sa nouvelle exposition, le Lab’Bel – Laboratoire artistique du Groupe Bel – a sollicité des artistes sur le thème du lait. Au Lait ! Quand l’art déborde rassemble jusqu’au 23 septembre 2012 à La Maison de la Vache qui rit à Lons-le-Saunier une vingtaine d’œuvres d’artistes émergents ou confirmés se saisissant de cette matière ambivalente et chargée d’imaginaire qu’est le lait nourricier, dans ses débordements et métamorphoses. On pourra en profiter pour visiter l’exposition permanente sur l’histoire du célèbre fromage né en 1921 et aussi pousser jusqu’au musée des Beaux-Arts de Dôle qui abrite la toute jeune et intéressante collection d’art contemporain de Lab’Bel…

Oui, ça déborde ! Et sur grand écran, comme l’a souhaité Boris Achour, auteur de Un monde qui s’acccroche à nos désirs, un film de 1’30 projeté en boucle et qui s’impose dès l’entrée dans l’exposition. Les ombres mouvantes des visiteurs s’imprimant momentanément sur l’image viennent en quelque sorte valider le titre de l’œuvre… Le lait déborde également dans Alpsee, court métrage (1994) de Matthias Müller, projeté dans l’auditorium. 15 minutes de plongée dans un univers domestique des années 1960 où le liquide versé par la mère s’échappe du verre puis de la table au sol où il poursuit sa fuite, sans doute celle dont est frustré le jeune garçon objet de la débordante sollicitude maternelle…

Patrick Tosani, « Chaussures de Lait II » / Photo DB

La photographie fige le débordement. Comme le trop plein des Chaussures de Lait de Patrick Tosani, sans doute l’œuvre la plus décalée et éloquente de l’exposition. « La présence du lait renvoie à celle de la personne qui a porté ces chaussures et s’est littéralement ‘liquéfiée’, volatilisée, induisant ainsi une forme de scénario », commente Laurent Fiévet, directeur de Lab’Bel. (1) Si la référence à Van Gogh est inévitable, ces souliers-là nous invitent à un tout autre registre narratif … Une autre photographie de Tosani semble défier les lois de la gravité avec un verre où le lait n’occupe que le tiers supérieur du récipient…

Roberto Verde et Géraldine Py, « Twist again » / Photos DB

On reste dans le registre de la maîtrise de la matière  – et pourtant, ça bouge – avec Twist again, l’installation ludique de Roberto Verde et Géraldine Py. Sous leurs mains le lait est devenu panacotta… Les flans démoulés reposent sur des plateaux circulaires en rotation. Le mouvement est maîtrisé – les masses gélifiées restent sur orbite – mais pas perpétuel.  À l’instar de Michel Blazy, le duo d’artistes se livre là à une expérience certes esthétique, mais qui a à voir avec la dégradation de la matière alimentaire. « On recommence régulièrement », soulignent-ils. En attendant, une mouche y a trouvé son plaisir…

Mouvement encore lorsque l’objectif de Sarah Naïm fige l’écho à la surface du lait des vibrations sonores de la Sonate au Clair de Lune de Beethoven…

On ne citera pas toutes les oeuvres de cette exposition qui, réalisée par Lab’Bel, le Laboratoire artistique du groupe Bel, en reflète l’ambition affichée. Créé en 2010, le Lab’Bel est né de la volonté « d’engager le groupe alimentaire dont il émane dans une politique d’intérêt général de soutien à l’art contemporain », mais avec une identité spécifique structurée autour de « trois axes thématiques » qui sont « humour, décalage et impertinence ».  Dans le droit fil de ce qui présida à la naissance de l’appellation La Vache qui rit, dérivée, rappelons-le, d’un jeu de mots, une mise en boite, osera-t-on dire, en pleine guerre de 14-18, de la Walkyrie en « Vachkyrie », par le soldat Léon Bel affecté à une section de ravitaillement en viande fraîche … (2)

La première boite de Vache qui rit / Maison de la Vache qui rit/ Photo DB

Un esprit qui se reflète également dans la collection qu’a commencé à rassembler le Lab’Bel, sous la double houlette de Laurent Fiévet et de sa directrice artistique, Silvia Guerra, critique d’art et commissaire d’exposition. Une sélection de cette collection est exposée au musée des Beaux-Arts de Dôle. S’y côtoient, entre autres, des œuvres de Michel Blazy, Vincent Ganivet, Paul-Armand Gette (3), Carlos Herrera, Katie Paterson – dont on peut voir et écouter l’installation Earth-Moon-Earth /Moonlight Sonata Reflected from the Surface of the Moon (4) – ou encore Jan Vercruysse, avec sa version irrévérencieuse des Ménines de Velasquez  : la Menina 1 de la série Grande Camera oscura fait le poirier… Il s’agit de la première acquisition de la collection.

de gauche à droite et de haut en bas: Carlos Herrera, « sans titre » ,de la série « Perfect température » (objets/marques du quotidien compressés) / Roman Signer, « Ski de fond » / Vincent Ganivet, « Fontaine 1 » / Michel Blazy, « Galet mou » (réalisé en bonbon caramel) / Photos et montage DB

La prochaine manifestation organisée par le Lab’Bel permettra de tester à nouveau la cohérence de sa démarche artistique. Le projet itinérant Metaphoria sera présenté d’abord au Portugal, à Guimarães, capitale européenne de la Culture, du 29 septembre au 10 novembre 2012, puis à Athènes et Paris. Pour Silvia Guerra, il s’agit d’explorer « de quoi l’Europe est-elle aujourd’hui la métaphore et comment artistes, écrivains, poètes, musiciens, travaillent autour de ce thème ». A suivre …

(1) Laurent Fiévet, arrière-petit-fils de Léon bel, fondateur des fromageries Bel, et diplômé d’études cinématographiques et audiovisuelles est lui-même artiste dans le domaine de l’image.

(2) Pour en savoir plus sur l’histoire de La Vache qui rit, il y a le magnifique livre de Gilles de Bure, C’est une vache, elle rit, publié en 2008 aux Editions Nicolas Chaudin, à l’occasion de la création de la Maison-Musée de Lons-le-Saunier. Nous en avions rendu compte dans un article. Pour le lire, cliquer ici

(3) Paul-Armand Gette que nous avons découvert à cette occasion avec une série photographique Le Toucher du modèle. Pour en savoir plus sur cet entomologiste né en 1927 et devenu artiste atypique et iconoclaste, voir le portrait réalisé par Cyril Thomas sur  Artnet.  

(4) Avec cette installation, l’artiste britannique a soumis la fameuse Sonate au clair de lune (encore elle !) de Beethoven à un système scientifique de transmission passant par la lune. Comme un certain nombre d’informations se perdent en route, la restitution de la partition sur un piano mécanique est incomplète… Une manière d’inscrire l’activité humaine dans une interaction avec l’univers. Katie Paterson fait partie des artistes invités du projet Metaphoria.

La Maison de la Vache qui rit, 25 rue Richebourg 39000 Lons-le-Saunier
tél. 03.84.43.54.10

La Maison de la Vache qui rit / Photo DB

Cet article, publié dans Culture, Patrimoine, Tendances, est tagué , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour L’Art et le lait débordent à la Maison de la Vache qui rit

  1. Que l e lait déborde c est signe de bonheur et de prospérité cela est universel
    bravo pour ce titre d expo qui inspire le bonheur en ce temps de crise et de récession pour bon nombre de peuples de ce monde pourri par l argent.

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s