En cette année de célébration du quatrième centenaire de la naissance de Le Nôtre, et après Joana Vasconcelos, c’est au tour de Giuseppe Penone d’investir Versailles. Les arbres de bronze et les marbres de l’artiste italien, figure de l’Arte povera, dialoguent avec l’ordonnancement des jardins et l’architecture du château, y imprimant leur présence à la fois forte et élégante, monumentale et humble. Une rencontre particulièrement heureuse…
À voir jusqu’au 31 octobre 2013.
Une présence qui s’impose, dès l’esplanade d’où l’on embrasse depuis le château la Grande Perspective ordonnancée autour de l’axe du Grand Canal. Défiant la ligne d’horizon, s’élève une étonnante sculpture, à la fois imposante et aérienne, Tra scorza e scorza (Entre écorce et écorce). Réalisée en 2003, elle se compose d’un arbre vivant, un jeune chêne au tronc encore frêle et au feuillage tendre, enserré dans l’écorce fendue en deux d’un vieil arbre. L’écorce, sculptée dans le bronze est la réplique de celle d’un grand cèdre de Versailles abattu par la tempête de 1999. Une oeuvre qui illustre « le lien personnel que Penone entretient avec Versailles depuis qu’il a sculpté deux cèdres abattus par la grande tempête de 1999, poursuivant l’idée de sa jeunesse que « l’arbre renait dans l’arbre », souligne Catherine Pégard , présidente de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles. (1)
Cette oeuvre verticale s’inscrit aussi dans le prolongement d’un alignement horizontal de sections de troncs évidés posés sur des branches comme sur des tréteaux. L’intérieur des troncs sculptés dans le bronze, est recouvert d’une couche d’or (Spazio di luce, espace de lumière).

Giuseppe Penone, « Tra scorza e scorza » et « Spazio di luce » © db
D’autres « arbres » se découvrent au visiteur en descendant les marches et en avançant sur la perpective. D’abord un tronc foudroyé qui dresse son corps brisé et doré (Albero folgorato), puis un autre dont les branches se plient jusqu’à terre (Triplice). Un troisième, renversé, envoie vers le ciel ses racines sur lesquelles pousse un arbre vivant (Le Foglie delle radici, les feuilles des racines), évoquant le phénomène naturel de ces « arbres en miroir » mis en évidence par les botanistes et dont les racines, à l’instar des feuilles, ‘tombent’ à l’automne et poussent au printemps. (2)

De gauche à droite et de haut en bas : « Albero folgorato », « Le foglie delle radici », « Triplice » © db
On l’aura compris, l’arbre est l’un des motifs principaux de l’œuvre de Penone. Il y voit « un être à la capacité de penser qui a la mémoire de son vécu ». La sculpture va consister en un travail de modification et de réassemblage du modèle végétal existant, pour aboutir à des formes surprenantes, où les arbres de bronze sont associés à des pierres ou même à des végétaux vivants. « L’arbre symbolise ainsi la rencontre de la nature et de la culture« , résume Alfred Pacquement, commissaire de l’exposition.
« Avoir la possibilité de faire dialoguer mon travail avec celui de Le Nôtre à Versailles est un grand privilège. Le jardin est un lieu emblématique, qui synthétise la pensée occidentale sur le rapport homme-nature« , déclare Giuseppe Penone. Effectivement, hormis trois sculptures installées dans le château, l’artiste italien a essentiellement travaillé dans le jardin, avec sept sculptures ou ensembles installés sur la grande perspective, entre le château et le grand canal, et sept autres dans le bosquet de l’Etoile.

Giuseppe Penone, « Anatomies » © db
Le bois, le bronze, la pierre et aussi le marbre. Un ensemble de stèles de marbre blanc de Carrare sur lesquelles Penone a sculpté ses « Anatomies », sortes d’empreintes fossiles de la nature végétale, ou du réseau veineux humain, ou encore empreinte digitale… Avec toujours ce jeu des formes verticales et horizontales, à l’instar du paysage dessiné par Le Nôtre, Sigillo (sceau), un rouleau de marbre semble prêt à imprimer ses veines sur le vaste tapis de dalles disposées au sol …
Et plus on avance, lorsqu’on se retourne, l’ensemble des oeuvres de Penone s’inscrit dans un dialogue à la fois inattendu et harmonieux avec l’ordonnancement du château et des jardins. Qu’on redécouvre avec bonheur à cette occasion…

Giuseppe Penone, « Sigillo » © db
(1) « Entre écorce et écorce est issu de l’un des deux troncs de cèdres de Versailles que j’ai récupérés après la tempête de 1999. Avec le premier, j’ai réalisé cedro di Versailles, en creusant le bois et en retrouvant l’origine de l’arbre. Mais pour le second, le bois était malheureusement pourri. L’écorce par contre était magnifique. j’en ai relevé l’empreinte et j’ai réalisé cette œuvre composée de deux écorces en bronze suffisamment écartées l’une de l’autre pour permettre à un arbre, vivant celui-ci, de pousser entre elles. Dans cet espace d’environ 3 m sur 1,50 m, on est à l’intérieur du temps de croissance de l’arbre. on peut imaginer qu’il va l’occuper entièrement. c’est un espace futur, qui sera aussi un espace de mémoire« . (Giuseppe Penone, entretien avec Alfred Pacquement, Directeur du Musée national d’art moderne au Centre Georges Pompidou)
(2) L’expression « arbre en miroir » est empruntée au paysagiste et jardinier Pascal Cribier
Renseignements pratiques :
L’entrée de l’exposition Penone Versailles se fait par la cour d’honneur du château de Versailles, avec le billet d’accès au château. L’accès aux oeuvres dans les jardins seulement est gratuit sauf les jours de Grandes eaux musicales (samedis et dimanches du 15 juin au 27 octobre, les mardis du 11 au 25 juin et le 15 août) et de Jardins musicaux (les mardis du 2 juillet au 29 octobre).
Depuis cinq ans, le domaine de Versailles expose tous les ans un artiste contemporain. Avant Giuseppe Penone, il a accueilli Jeff Koons, Xavier Veilhan, Takashi Murakami, Bernar Venet et Joana Vasconcelos.
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