
Sainte Catherine, Verrière de l’Annonciation, 1451, Bourges, cathédrale Saint-Etienne // Jacques Gruber : Vitrail (détail) du mur Art déco de l’ancien Hall des Guichets du ministère du Travail / Photo db
Avec Le Vitrail, Ve-XXIe siècle c’est un ouvrage de référence que publient les Editions du Patrimoine. Fruit d’un travail de plusieurs années visant à un recensement exhaustif du patrimoine du vitrail en France, des découvertes archéologiques à la création contemporaine. Un patrimoine qui, s’il est le plus important au niveau européen, reste en partie méconnu. Comme les vitraux « Art déco » réalisés par Jacques Gruber pour l’imposant édifice parisien du « Ministère du Travail » (actuel ministère des Affaires sociales) construit entre 1929 et 1938, à l’occasion de la mise en place de ce qui deviendrait plus tard la « Sécurité sociale »… Et qui, en cette fin 2014, accueillait les Editions du Patrimoine et leur dernier opus …
… Imposant, c’est aussi le qualificatif qui convient pour ce nouvel ouvrage et ses quelque 500 pages et 600 photographies – pour une grande partie inédites, signées par Mark Walter. Il est le fruit du travail d’une équipe d’une dizaine de personnes sous la direction de Véronique David, ingénieure d’études du ministère de la culture et membre du Centre André Chastel de recherche sur le vitrail, et de Michel Hérold, conservateur général du patrimoine, directeur du comité français du Corpus vitrearum.(1)

Jean-Michel Alberola et atelier Duchemin, Le guépard, Verrière de la Création (détail) 2002, Nevers, cathédrale Saint-Cy- et-Sainte-Julitte © Mark Walter
Le Vitrail, Ve-XXIe siècle, constitue un très riche répertoire iconographique, d’autant plus précieux que grâce à la photographie « la vision rapprochée change totalement notre regard« , comme le souligne Michel Hérold. Tandis que les textes rédigés par des spécialistes présentent une synthèse des recherches effectuées au cours des dernières décennies sur l’histoire et l’évolution du vitrail. Notamment dans le domaine de l’archéologie où la découverte de verres de couleur et de plomb, identifiés comme des fragments de vitraux, a permis de repousser la date d’apparition du vitrail jusqu’au Ve siècle, et de faire de « l’époque romane non pas le début, mais l’aboutissement » d’une technique …
Parallèlement à cette « chronologie la plus ouverte possible« , l’évolution vers des techniques plus complexes, avec notamment le remplacement du plomb par d’autres matériaux (béton, résine…), a conduit à rechercher « la définition la plus large possible« , indique Véronique David. Défini jusque dans les années 1980-1990, comme « des pièces de verre montées en plomb », le vitrail peut l’être maintenant comme « une composition qui tire son attrait de sa transparence, de sa translucidité« .

Jacques Gruber, vitraux sur le thème de l’agriculture et de l’industrie, ministère des Affaires sociales, Paris © db
Une définition qui, en faisant de la technique « juste un élément d’appréciation« , participe du côté « militant » de ce dernier opus des Editions du Patrimoine, visant à « réévaluer l’art du vitrail« , souligne Michel Hérold, précisant que « le lien entre le vitrail et les arts majeurs traverse tout l’ouvrage« . Lequel devrait constituer, pour Véronique David, « une référence pour les cinquante ans à venir« , la dernière synthèse sur le sujet remontant à 1958…

Verrière du Hall dit « des guichets » © db
Ce lien entre le vitrail et les arts majeurs on peut le vérifier dans l’édifice du ministère des Affaires sociales, d’abord dans l’entrée « historique » aménagée en salle de presse, puis dans le vaste hall de 750 mètres carrés où la verrière et les vitraux Art déco de Jacques Gruber (1870-1936) côtoient les bas-relief des frères Martel (1896-1966). Ce hall dit « des guichets » abrite désormais le centre de ressources documentaires multimédia (CDRM) du ministère. (2) Car ce bâtiment, construit à partir de 1929 sur des anciens terrains de manœuvres derrière l’Ecole militaire, est sans doute le seul à avoir été conçu dès l’origine pour abriter un ministère.

Ministère des Affaires sociales, extérieur et cour intérieure © db
Il a en effet pour commanditaire Louis Loucheur, ministre du travail, de l’hygiène, de l’assistance et de la prévoyance sociales (1928-1930), chargé de la mise en oeuvre de la loi sur les assurances sociales de 1928, ancêtre de la Sécurité sociale. Le bâtiment a pour vocation d’héberger non seulement les services administratifs mais aussi ceux d’accueil du public… On ne peut s’empêcher d’avoir une pensée émue pour la première assurée qui, le 1er octobre 1930, est accueillie aux guichets de la Caisse interdépartementale d’assurance sociale sous la splendide verrière de Gruber, sans doute plus intéressée par les quelques francs versés que par les vitraux et frises sculptées Art déco… Il n’empêche : le ministre et et son architecte (Guillaume Tronchet 1867-1959) avaient vu grand et beau pour les bénéficiaires des nouveaux droits sociaux !(3)
À ce premier bâtiment érigé dans l’urgence, viendront s’ajouter deux extensions latérales (1938) et un abri antiaérien (1939). Au fil des agrandissements l’édifice va finir par occuper à partir du début des années 1970 la totalité de l’ilot urbain situé entre les avenues Duquesne et de Lowendal, la place de Fontenoy et la rue d’Estrées. Une nouvelle phase de restructuration et rénovation vient de s’achever pour préserver ce patrimoine et l’adapter aux besoins d’aujourd’hui.
L’édifice est ouvert au public lors des Journées Européennes du Patrimoine (les 19 et 20 septembre 2015).

Horloge du mur Art Deco du hall dit « des guichets » © db
(1) Il s’agit de la première entreprise de recherche d’histoire de l’art organisée sur le plan international, décidée lors du colloque international d’histoire de l’art à Amsterdam en 1952. Pour en savoir plus : http://www.corpusvitrearum.or
(2) Le maître verrier Jacques Gruber a été l’un des fondateurs et représentants de l’Ecole de Nancy et de l’Art nouveau, avant de devenir à partir des années 1925, un acteur majeur de l’Art déco.
(3) Architecte en chef du ministère du travail dès sa création en 1907 et du Palais de l’Elysée, à partir de 1911, Guillaume Tronchet a réalisé de nombreux bâtiments, tant publics que privés (l’hôtel des postes de Nice, pavillons Dauphine et du Pré Catelan à Paris…)
Le Vitrail, Ve-XXIe siècle
Editions du Patrimoine
Coll. Hors Collection
150 euros
merci pour nous emmener ou l’on aurait pas toujours le temps ou l’idée de chercher…
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