Bâtiment centenaire au coeur d’un quartier historique du 13ème arrondissement parisien, la piscine de la Butte-aux-Cailles a rouvert ses portes fin 2014 après d’importants travaux de réhabilitation portant sur l’intérieur du bâtiment. Au terme d’un chantier complexe devant concilier enjeux techniques et respect d’un cahier des charges très contraignant – l’édifice est inscrit à I’inventaire supplémentaire des Monuments historiques – l’agence TNA architectes a redonné vie et splendeur à l’architecture de voûtes, de béton et de verre et conservé l’âme de cet édifice atypique, entre Art nouveau et modernisme.
Une précision, pour commencer : contrairement à ce qu’on pourrait penser, la Butte-aux-Cailles n’a très probablement rien à voir avec le volatile qu’on imaginerait nichant parmi les vignes plantées jadis sur les flancs de cette colline, point culminant (plus de 63 mètres) de l’arrondissement. En fait, il s’agit d’un nom de famille : celui d’un certain Pierre Caille qui y acheta une terre en 1543 …
… et sous la terre, l’eau. C’est en effet la découverte, en 1866, d’une nappe d’eau chaude souterraine qui est à l’origine de la construction d’un établissement de bains-douches en 1908 auquel viendra s’ajouter en 1924 une piscine, conçue par l’architecte et urbaniste de la Ville de Paris, Louis Bonnier. Entre Art nouveau et Modernisme, l’architecture du bâtiment témoigne aussi de l’approche hygiéniste de certaines constructions populaires de l’époque (1). C’est ainsi que cabines et bassins sont séparés avec un passage obligé par les douches et un pédiluve avant d’accéder à la piscine.

Piscine de la Butte-aux-Cailles, la halle de bassin © db
Vu de l’extérieur, le bâtiment de brique rouge, plutôt bas, s’il attire l’oeil par l’arrondi travaillé de ses portes et fenêtres, ne laisse pas deviner le volume imposant et la luminosité qui font le charme et la beauté de son architecture intérieure, avec l’impressionnante voûte de la halle de bassin, soutenue par sept arches de béton et ornée de trois espaces circulaires incrustés de pavés de verre. Ce détail architectural emblématique du style Art nouveau avait particulièrement pâti de l’usure du temps et de l’humidité. Les pavés ont tous été refabriqués et replacés dans la voûte après renforcement de la structure par un enchevêtrement de poutres, puis le béton a été coulé à la main avec cette fois des joints de dilatation inoxydables, l’ensemble des opérations étant effectué à 15 mètres de hauteur… (2)
Soutenue par une forêt de poteaux en béton fortement dégradé la structure du bassin a été renforcée… Eclairage, ventilation tout a dû être repensé en termes d’installations techniques et de normes sanitaires modernes. Une visite dans les entrailles de la piscine donne la mesure de la complexité de leur réalisation.

Piscine de la Butte-aux-Cailles, les vestiaires © db
Les vestiaires ont été l’objet d’une « vraie démarche de restauration« . (3) Là aussi la luminosité est présente avec un éclairage zénithal diffusé par une verrière horizontale qui a été entièrement reconstruite. Quant à la seconde verrière zénithale arrondie qui la surmonte, sa restauration fera partie de la deuxième tranche de travaux (2). Des cabines qui avaient été fermées et servaient de lieu de stockage ont été réaffectées, auxquelles ont été ajoutés des casiers, afin de pouvoir accueillir les quelques 1500 visiteurs quotidiens en période estivale.
Carrelages sol et murs ont été refabriqués, comme les garde-corps en acier galvanisé laqué qui sont venus remplacer ceux en verre posés lors de la restauration du début des années 1990, ainsi que les pare-vue crénelés qui masquent le haut des portes de cabine. Lesquelles, en bois massif, ont retrouvé leur couleur grise et bientôt leur décor en V inversé, tandis que la couleur rouge foncé initiale des frises a été reprise pour l’ensemble de la décoration, notamment des bancs design en béton fibré, qu’on retrouve dans la halle du bassin et dont « la conception contemporaine apporte une touche de modernité sans heurter l’architecture patrimoniale de l’édifice« .
Laissons le mot de la fin au photographe d’architectures Paul Kozlowski, qui signe les photos de l’ouvrage De voûtes et de briques, Piscine de la Butte-aux-Cailles : histoire d’un renouveau » (publié aux éditions Archibooks): « La piscine de la Butte-aux-cailles est une véritable cathédrale (…) il faut trouver le moment magique où les lumières intérieures et extérieures s’équilibrent« .
Et en sortant de la piscine, pourquoi ne pas aller déjeuner ou diner dans un des restaurants de la rue de la Butte-aux-Cailles ? Avec un faible pour Le Temps des cerises, coopérative ouvrière au nom évocateur de la chanson de Jean-Baptiste Clément. Histoire de ne pas oublier qu’en 1871, lors de la Commune de Paris, les « Fédérés de la Butte-aux-Cailles », ont repoussé par quatre fois les troupes versaillaises… et de déguster de la délicieuse joue de porc, parmi d’autres spécialités traditionnelles de la maison …

LE TEMPS DES CERISES S.C.O.P., 18-20 RUE DE LA BUTTE AUX CAILLES
(1) Témoignage de cette approche « hygiéniste », la piscine des Amiraux dans le XVIIIème arrondissement. Cette piscine achevée en 1930, également classée au titre des Monuments historiques, est située dans la cour centrale de l’ensemble d’habitations bon marché (HBM) construit entre 1922 et 1927 par Henri Sauvage.
(2) La piscine de la Butte aux Cailles dispose de trois bassins dont deux à l’extérieur (33m x 12m à l’intérieur ; 25m x 12,5m et 12m x 6m à l’extérieur).
(3) C’est essentiellement sur la halle et les vestiaires, qu’a porté cette première phase des travaux de réhabilitation menée par TNA Architectes. Elle sera suivie d’une seconde concernant le hall d’accueil, les bains douches et le ravalement extérieur.
Piscine de la Butte-aux-Cailles
5, place Paul Verlaine
75013 PARIS
Tél. : 01 45 89 60 05
Tres interessant
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Lors d’un prochain passage a Paris (j’habite aux USA) j’irai definitivement faire trempette ! C’est superbe.
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