« Émotions de croire » : Rei Naito à la Maison de la culture du Japon à Paris

Rei Naito,"Émotions de croire", 2017 MCJP © Grazielle Antonini

Rei Naito, »Émotions de croire », 2017 MCJP © Graziella Antonini

Née à Hiroshima en 1961, ce n’est que récemment, après la catastrophe de Fukushima en 2011, que Rei Nato s’est explicitement inspirée dans son oeuvre de la tragédie de sa ville natale. Épurée et minimaliste, l’installation Émotions de croire, présentée à la Maison de la Culture du Japon jusqu’au 18 mars 2017, suscite une intense émotion : de minuscules personnages sculptés dans le bois se tiennent debout à coté de flacons de verre irradiés issus de la collection du Hiroshima Peace Memorial Museum. Dans une salle séparée, une vidéo permet de découvrir une autre oeuvre de l’artiste japonaise, Matrix, installée sur l’île de Teshima.
L’exposition Émotions de croire s’inscrit dans le cycle « Transphère », initié en 2016 par la Maison de la culture du Japon et dédié à des artistes contemporains.

Le visiteur est d’abord invité à ôter ses chaussures pour pénétrer dans la salle. Ce qui va d’emblée modifier sa posture et sa relation à l’espace. C’est donc avec les pas feutrés et hésitants de celui qui vient de se dépouiller d’un attribut essentiel de sa personne citadine que le visiteur foule la moquette beige. Il est désarçonné un instant par les petites boules de métal argenté qui semblent léviter au dessus du sol à intervalles réguliers, et s’ interposent entre lui et l’installation,  comme s’il fallait franchir un espace magique pour y accéder. Mais bien vite l’oeil distingue les fils blancs – du coton, lira-t-on plus tard – qui descendent du plafond et auxquels sont suspendues ces boules, en fait de minuscules clochettes – ça aussi on l’apprendra plus tard – qu’on n’aura donc pas entendu tinter, car on aura respectueusement évité de les toucher par inadvertance en pénétrant au coeur de l’installation.

Rei Naito, "Émotions de croire", 2017 MCJP © Grazielle Antonini

Rei Naito, « Émotions de croire », 2017 MCJP © Graziella Antonini

Sur la partie centrale d’un socle blanc tout en longueur, éclairée par une série de lampes elles aussi suspendues en arc de cercle,  sont disposés les flacons de verre irradiés – dix-sept au total – flanqués chacun d’un petit personnage sculpté dans le bois – du balsa -, le regard – matérialisé par deux points bleus – tourné vers le visiteur.  Si les flacons sont de dimensions variables, ils sont de toute façon beaucoup plus grands que les « humains » à leurs côtés. Une inversion d’échelle éloquente, symbole de ce mélange de fragilité et de force qui est celui de la condition humaine. Debout, ils sont. Ils résistent.

À droite et à gauche, deux groupes de petits « humains » encadrent le « mémorial » central : la vie ensemble continue…

Rei Naito, "Émotions de croire", 2017 MCJP © Grazielle Antonini

Rei Naito, « Émotions de croire », 2017 MCJP © Grazielle Antonini

Aux formes disloquées des flacons fondus par l’explosion de la bombe atomique, répond la paisible présence de trois pots de verre transparent remplis d’eau avec chacun une fleur, une renoncule, jaune ou blanche. Laquelle ne se fanera pas car l’eau sera renouvelée…

L’eau, on découvre l’importance qu’elle revêt dans l’art de Rei Naito, en regardant la vidéo diffusée dans une petite salle à la sortie de l’exposition. On aura récupéré ses chaussures avant de s’installer … Il s’agit d’un extrait du film Une chambre à soi – Rei Naito et la lumière (Yuko Nakamura, 2015) dans lequel est présentée Matrix, une oeuvre de Rei Naito réalisée en 2010 en collaboration avec l’architecte Ryue Nishizawa et installée de façon pérenne sur l’île de Teshima.

"Matrix", Teshima Museum, Photo Noboru-morikawa

« Matrix », Teshima Museum, Photo Noboru-morikawa

Laissons à Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou et grand admirateur de l’artiste, le soin de décrire sa rencontre avec Matrix : « Imaginez un dôme de fin béton blanc sans pilier pour le soutenir, percé de deux alvéoles, posé tel une soucoupe dans un champ aux côtés d’un autre plus petit, lui-même sans autre ouverture que celle d’une porte minimale. Imaginez une architecture dans laquelle la pluie, les insectes, les oiseaux et les rayons du soleil pénètrent. (…)  Sous mes pieds, tout autour de moi sur le sol de ciment gris, apparaissent des gouttes d’eau semblant éclore du sol par de minuscules ouvertures. Des « naissances latentes ». (…) Puis je les ai vues saillir, se mettre doucement en mouvement, se rejoindre pour former de simples filets et de toutes petites flaques. Elles s’animaient tout autour de moi, se réunissaient et se séparaient, allaient à la rencontre d’autres, telles ces cellules que l’on observe grouiller au microscope. La vie! »

Oui, il s’agit bien de la vie, et de l’émotion d’y croire,  nous disent  les petits « humains » aux yeux bleus de Rei Naito…

Rei Naito, "humain", 2012 + flacon irradié, Coll Hiroshima Peace Memorial Museum,/ Photo Naoya Hatakeyama

Rei Naito, « humain », 2012 + flacon irradié, Coll Hiroshima Peace Memorial Museum,/ Photo Naoya Hatakeyama

Rei Naito a représenté le Japon à la Biennale de Venise en 1997.

Maison de la Culture du Japon
101Bis Quai Branly
75015 Paris
01 44 37 95 01

ouvert du mardi au samedi, de 12h à 20h
Entrée libre

Cet article, publié dans Culture, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s