Pour sa 38ème édition et dans le cadre de son programme Hors les Murs, la FIAC, après les Tuileries et la rue parisienne, investit un nouvel espace public en exposant des oeuvres dans le Jardin des Plantes du Muséum national d’Histoire naturelle. Les jardins, les serres, la Grande Galerie de l’Evolution et la ménagerie accueillent 16 œuvres d’une douzaine d’artistes qui trouvent là un cadre idéal pour le thème retenu : la nature, la biodiversité, l’environnement et la relation entre l’humanité, la nature et le règne animal. A voir jusqu’au 6 novembre 2011.
La FIAC ne s’est pas installée cette année dans la Cour Carrée du Louvre – en travaux – entraînant ainsi, en dépit de l’ouverture de nouveaux espaces sur le site du Grand Palais, une réduction de près de 1000 m2 des capacités d’exposition. Quelques galeries (surtout parisiennes) auront pu trouver refuge au Jardin des Plantes. Le grand public est le premier bénéficiaire de cette « délocalisation » poétique du marché de l’art….
Une initiative qui s’inscrit également en continuité avec l’histoire et les multiples vocations du Muséum national d’Histoire naturelle – conservation, recherche, enseignement, sensibilisation au respect de la nature – qui en ont fait dès l’origine un véritable creuset culturel mêlant intimement les mondes de la science et de l’art, comme le rappelle Jennifer Flay, Directrice de la FIAC :
« Ses maîtres de dessin et son titulaire de la chaire d’iconographie lui ont légué au fil des siècles une formidable encyclopédie illustrée du vivant, dont un trésor unique au monde, 7 000 vélins signés des plus illustres maîtres du genre. Ses taxidermistes, héritiers d’un art pratiqué depuis l’Antiquité, ont réinsufflé la vie à de nombreuses espèces aujourd’hui disparues.
L’art animalier d’un Antoine-Louis Barye, d’une Rosa Bonheur ou d’un Emmanuel Frémiet a puisé son génie au Jardin des Plantes. Gustave Moreau, Eugène Delacroix, Auguste Rodin, Paul Jouve, Marie Laurencin, Jacques Monory et tant d’autres y ont trouvé leur Muse. C’est dans les serres du Muséum que le Douanier Rousseau a élaboré ses jungles exubérantes et nostalgiques, à la Ménagerie que François Pompon a inventé ce style essencialisé fondé sur le mouvement. Maints clichés de Robert Doisneau ont capté l’effervescence quotidienne du microcosme des allées. »
Côté jardins, si l’on entame ce parcours d’art contemporain par l’entrée Austerlitz, la première œuvre rencontrée est le Mutant d’Olav Westphalen. Le fait que l’artiste, qui vit et travaille à Stockholm, ait été par le passé dessinateur de presse a sans doute à voir avec la caricature de bonhomme de neige qui accueille les visiteurs. Au premier coup d’œil la forme semble répondre au concept, mais on se rend vite compte que sur la masse blanche rien n’est vraiment à sa place…
A l’opposé, au pied du labyrinthe, l’installation Strange Fruit de Malachi Farrel nous confronte à la condition humaine matérialisée par des baskets et chaussures usagés pendus à un arbre. Quelques-uns de ces objets s’animent et s’éclairent, donnant à entendre la voix de Peter Sellers et sa version « parlée » de She loves you, le tube des Beatles. Pour certains visiteurs, s’imposera peut-être aussi la voix de Billy Holiday, interprète poignante de ces Strange Fruits, qui ne sont autres que les Noirs lynchés et pendus aux arbres. (1)
Ces dépouilles de chaussures en grappes nous renvoient aussi à Personnes, l’installation de Boltanski au Grand Palais avec son entassement de vêtements, métaphore de la Solution finale (2). Un tragique estompé par le côté ironique et ludique de l’installation de Malachi Farrel et par la quiétude et l’harmonie du Jardin des Plantes.
De la condition humaine on passe à celle de l’animal, en l’occurrence des ours, avec Iceberg & Palmtrees, une œuvre de Mark Dion sous le péristyle d’entrée des Grandes Serres, tandis qu’à l’intérieur la nymphe Platée revisitée par Alain Séchas, inscrit sa présence à la grâce humoristique, ton sur ton avec la végétation exotique.
On retrouve Mark Dion dans la Grande Galerie de l’Evolution avec deux œuvres, dont l’installation Fieldwork 4. Une structure transparente abrite un mélange de cabinet de curiosités, laboratoire scientifique et atelier de bricolage où des animaux conservés dans le formol cohabitent avec des accumulations d’objets déchets de la société industrielle, comme des canettes de boissons vides, des ballons de sports dégonflés, etc… Tandis que La Meutede Lionel Sabatté et ses loups réalisés en moutons de poussière hantent de leur présence fantasmatique et inquiétante la pénombre de la Grande Galerie de l’Evolution.(3)
Le matériau privilégié par Laurent Le Deunff est le bois. Deux sculptures de l’artiste français ont pris place dans La Ménagerie, sur la pelouse autour de la Rotonde, là ou les tortues des Seychelles prennent leurs quartiers d’été. L’installation de la Tête colossale – celle d’une chouette – et du Monument à la promesse tenue à proximité de ce symbole de longévité que sont les tortues (4) renforce le côté ancestral et totémique de ces deux œuvres.
D’autres œuvres sont à découvrir au fil du parcours… Avant d’entamer celui-ci, il est conseillé aux visiteurs de retirer à l’accueil de la Grande Galerie de l’Evolution le dépliant (gratuit) avec une notice sur les œuvres et – surtout – un plan permettant de les repérer…
(1) Southern trees bear a strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root
Black body swinging in the Southern breeze
Strange fruit hanging from the poplar trees
Les arbres du Sud portent un étrange fruit,
Du sang sur les feuilles et du sang aux racine
Un corps noir qui se balance dans la brise du Sud,
Étrange fruit suspendu aux peupliers
( ….. )
…. Here is fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for the trees to drop
Here is a strange and bitter crop.
C’est un fruit que les corbeaux cueillent,
Rassemblé par la pluie, aspiré par le vent,
Pourri par le soleil, laché par les arbres,
C’est là une étrange et amère récolte.
(2) Installation réalisée en 2010 dans le cadre de Monumenta
(3) La poussière rassemblée pour cette œuvre, a été prélevée à la station de métro Châtelet- Les Halles.