Luxueux, décalé, raffiné : Martin Margiela habille la Maison Champs-Elysées

façadeAu 8 rue Jean Goujon, à deux pas du Grand Palais, la façade haussmannienne d’un ancien hôtel particulier abrite un nouvel hôtel très particulier, la Maison Champs-Elysées. Ce nouveau fleuron du Triangle d’Or est né du renouveau de la Maison des Centraliens, fruit d’une restauration respectueuse du lieu patrimonial doublée d’une véritable re-création avec l’architecture intérieure et la décoration confiées à la Maison Martin Margiela. Restaurant, salons, chambres et suites portent l’empreinte de ce créateur secret et atypique, adepte de la subversion des codes.

A commencer par celui qui régit l’univers de la mode. Martin Margiela aurait mérité de figurer à titre de contre exemple dans No Logo, le livre de Naomi Klein sur « la tyrannie des marques », lui qui a fait de l’anonymat une des caractéristiques essentielles de la marque fondée en 1988 avec Jenny Meirens sous l’appellation Maison Martin Margiela. Ni logo, ni initiales sur les étiquettes, mais des chiffres… Même chose du côté de la tyrannie de l’égo, puisque Martin Margiela a toujours mis en avant le collectif, le « nous »,  évitant  le contact direct avec la presse…

MCE, Lobby / Photo D.Birck

MCE, Réception /© D.Birck

Ce sont donc les créateurs du bureau Interior Design  de la Maison Martin Margiela, sélectionnée sur concours, qui sont intervenus dans ce lieu patrimonial qu’est l’ancien hôtel particulier de la Duchesse d’Essling, construit en 1868 et devenu en 1919 le siège de l’association des anciens élèves de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures, connu sous le nom de Maison des Centraliens. Il s’agissait de redonner une identité à un lieu géré jusqu’en 2009 par le groupe Accor qui en y construisant un Sofitel avait imposé l’enseigne. Depuis 2010, la gestion des lieux a été confiée à la société ODO. (1)

Absences… © D.Birck

Franchir le seuil de la Maison Champs-Elysées, c’est aller à la rencontre d’un univers très particulier, dont l’originalité s’affiche dès le hall d’entrée. Au sol, le pavage « à la Française » a été déstructuré : les cabochons de marbre noir ont été dispersés sur les dalles de pierre blanche, au lieu d’en marquer les angles… La poésie de ce désordre organisé nous fait penser à Mallarmé avec les mots de Jamais un coup de dé n’abolira le hasard jetés à la volée sur les pages… Et quand le regard se pose sur les murs, c’est pour constater que les appliques n’éclairent plus que les traces laissées par les cadres de tableaux … qui n’ont jamais existé… (2) Tout comme dans le Salon blanc, à droite. A l’opposé,  le fumoir, en bois brûlé, comme il se doit… Le tout se reflète sur les parois métalliques d’une structure en forme de losange posée au centre du hall, le comptoir de réception.

Salon blanc © Martine Houghton

Salon blanc © Martine Houghton

Cet espace est un condensé de l’identité et des valeurs esthétiques l’esprit de la Maison Martin Margiela, mêlant classicisme et avant garde, tradition et provocation, humour et poésie, déconstruction, trompe l’oeil, détournement des objets et des matières,  et l’humour qui en découle …

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Le restaurant, vu du couloir © Martine Houghton

Dans le restaurant La table du Huit la verrière rehausse de lumière les sièges houssés de coton blanc (emblématiques de la MMM) et les tables nappées de même. Tout cela pourrait sembler assez classique, finalement, n’étaient-ce les pieds des tables lévitant  à dix centimètres du sol… Le restaurant, avec son bar, ouvre sur une terrasse en bois qui avec les beaux jours peut accueillir une quarantaine de convives et donne sur un jardin privé.

Le lustre "diamant" / Photo I.Karabayinga

Le lustre « diamant » / © I.Karabayinga

Au rez-de-chaussée toujours on notera dans un corridor un des symboles de la Maison Martin Margiela : le diamant édité en joaillerie, revisité en installation lumineuse, est devenu un lustre. Des photos surdimensionnées de décors intérieurs d’un ancien appartement Haussmannien tapissent les murs du couloir qui mène au restaurant, les portes ornées de vrais boutons – qu’on atteint en levant le bras – invitent presque à les pousser…  Tandis que la moquette imite le parquet… Lequel préfère s’afficher à la verticale, sur les murs..

Salon Second Empire / Photo I.Karabayinga

Salon Second Empire / © I.Karabayinga

Dans les étages, les 17 chambres et suites « Couture » conçues par les designers de la MMM sont venues s’ajouter aux 40 chambres « Boutique » existantes, lesquelles ont été rénovées, ainsi que les salons Second Empire, restaurés à l’identique (parquet, moulures redorées, lustres…).

On a aimé le cabinet de curiosité installé dans certaines chambres avec possibilité d’achat des pièces, comme dans la suite 142 que nous avons visitée. On y a aussi apprécié le « détournement surréaliste » d’une aile d’oiseau en abat-jour de lampe de chevet….

Site 142 : cabinet de curiosité et lampe "aile"© Martine Houghton/ Montage db

Site 142 : cabinet de curiosité et lampe « aile »© Martine Houghton/ Montage db

En sortant de l’ascenseur, au 4ème étage, notre attention avait été attirée par un carré de lumière au sol, venu de nulle part… La vie est un songe?

Le buffet du brunch servi le dimanche est lui bien réel: opulent, raffiné et savoureux!

La Table du Huit, brunch © Martine Houghton

La Table du Huit, brunch © Martine Houghton

(1) L’agence « ODO » (Où dine-t-on, où dort-on ?), a été retenue à la suite d’un appel d’offre lancé par les Centraliens, parce que « très en phase avec l’esprit centralien : généraliste mais professionnel et entrepreneur lui aussi« , confie Jean-Claude Cabre, président de la Maison des Centraliens, rappelant que « L’esprit centralien, c’est Eiffel, Blériot, Peugeot, Michelin,, Panhard, et… le musicien et écrivain Boris Vian« .
(2) Une anecdote circule à ce sujet, selon laquelle un client russe aurait refuser de s’acquitter de sa note au prétexte qu’on avait ôté les tableaux de sa chambre…

La Maison Martin Margiela a été rachetée en 2003 par le groupe Diesel, Renzo Rosso, fondateur de la société, devenant l’actionnaire majoritaire de la griffe. Depuis décembre 2009, date du départ officiel du fondateur, c’est un collège de créateurs, dont les identités sont tenues secrètes, qui est à la tête des collections.

Hôtel La Maison Champs-Elysées
8 rue Jean Goujon
75008 Paris
Tél. : 01 40 74 64 65
Restaurant La Table du Huit
tél. : 01 40 74 64 94/95

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