« The Light Hours », Haroon Mirza à la Villa Savoye …

La villa Savoye © db

… ou quand la lumière devient sons.

Avec des panneaux solaires, lumières LED et systèmes de captation, diffusion et amplification du son, c’est au sens propre que  l’artiste britannique Haroon Mirza fait résonner ce lieu emblématique de l’architecture moderniste qu’est la Villa Savoye conçue par Le Corbusier à Poissy. Réalisé à l’initiative de Lab’Bel, le Laboratoire artistique du groupe Bel, en partenariat avec le Centre des Monuments Nationaux, le projet The Light Hours est présenté jusqu’au 29 juin 2014.

Il y a d’abord le plaisir de découvrir, ou redécouvrir, cette Villa résultant de la commande faite en 1928 par les époux Savoye à Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Entourée de verdure, la « maison de week-end » (1) offre au premier regard son apparente simplicité, le bel équilibre de son volume symétrique monté sur pilotis, avec la façade rectangulaire et les fenêtres en bandeau qui courent tout autour de la Villa. Ce qu’on aperçoit d’un mur en courbe sur la toiture- terrasse adoucit les angles. Assemblage de lignes droites et courbes que l’on retrouve à l’intérieur, de l’entrée  à la terrasse supérieure, avec un double accès aux différents niveaux à la fois par une rampe et un escalier enfermé dans une tourelle.

Villa Savoye, le salon © db

Villa Savoye, le salon © db

Harmonie des formes et fonctionnalité font de cette maison un manifeste de l’architecture de moderne telle que la conçoit Le Corbusier, pour qui la « machine à habiter », doit être aussi une « machine à émouvoir ». Une émotion où la lumière joue un rôle fondamental, caressant les formes et faisant entrer le paysage dans la demeure. En accédant au salon donnant sur la terrasse du 1er étage, on comprend que les Savoye aient appelé la maison « Les Heures claires » quand ils y emménagèrent en 1931 avec leur fils (2)

Haroon Mirza et sa compagne, à Poissy lors de la présentation de "The Light Hours" ©db

Haroon Mirza et sa compagne, à Poissy lors de la présentation de « The Light Hours » ©db

The Light Hours, d’Haroon Mirza, sont un écho de ces « heures claires »… Echo au sens propre puisqu’il s’agit de faire écouter la lumière, de traduire en sons ses vibrations et variations. Afin de mieux capter celles-ci et les restituer l’artiste a décidé d’aborder le lieu les yeux bandés. L’absence de ce sens « dominant » qu’est la vue, intensifie les autres sens qui reçoivent davantage  d’information et modifie l’expérience de l’espace. L’idée étant « que je ne verrai jamais la maison de mes propres yeux, mais que j’y ai installé et présenté un travail« , explique-t-il. En toute cohérence, le jour de l’inauguration on le verra arriver les yeux bandés, guidé par sa compagne.

Ce qui enrobera d’un peu de poésie, voire de mystère, les panneaux solaires, leds, fils, diodes, boitiers, bref, toutes choses un peu ingrates sur le plan visuel formant l’ensemble du dispositif permettant de capter l’énergie de la lumière et de la transformer en sons. Des sonorités qui varient en fonction de l’intensité de la lumière, cessent pendant la nuit, où la maison redevient silencieuse, en attendant que le lever du jour vienne la ranimer. Peut-être aurait-il fallu proposer aux visiteurs de se priver eux aussi momentanément de leur sens dominant,  pour vivre cette expérience sonore avec plus de subtilité…

Les dispositifs de "The Light Hours" © db

Les dispositifs de « The Light Hours » © db

Cette intervention de Haroon Mirza s’inscrit dans un projet  visant à établir une relation entre des lieux emblématiques de l’architecture moderniste et l’art contemporain. Un premier volet en 2011 avait mis en relation un artiste mexicain, Stefan Brüggemann (Galerie Yvon Lambert), avec le célèbre Pavillon Mies van der Rohe, à Barcelone. Sur un plan plus général, The Light Hours répond à la vocation du Lab’Bel, le Laboratoire artistique du groupe Bel créé en 2010 avec pour objectif  d’associer le groupe alimentaire Bel à une politique d’intérêt général de soutien à l’art contemporain. (3)

Pour le Président du Centre des Monuments nationaux qui célèbre en 2014 son centenaire, cette manifestation constitue « un tremplin pour la grande année Le Corbusier en 2015 à l’occasion du 50ème anniversaire de sa disparition« , avec  notamment une exposition au Centre Pompidou. (4)

Villa Savoye, La salle de bain et le vestibule ©db

Villa Savoye, La salle de bain et le vestibule ©db

 

Haroon Mirza est un artiste britannique né à Londres, en 1977. « Associant le ready-made et des matériaux évoluant avec le temps, il crée des compositions sonores et lumineuses qui sont souvent « site specific ». Dans son travail, Mirza brouille les distinctions entre bruit, son et musique. De ce fait, il altère la fonction d’objets du quotidien ainsi que la symbolique socioculturelle qui peut leur être associée. Un an après avoir remporté le Lion d’Argent de la 54ème Biennale de Venise en 2011, Haroon Mirza a présenté un solo show (« Preoccupied Waveforms ») au Studio 231 du New Museum de New York. En 2013, il a lancé le site internet o-o-o-o.co.uk qui invite artistes et musiciens à télécharger des échantillons audio de son travail, à les remixer et à les télécharger de nouveau sur son site via Sound Cloud« .

(1) La demande pour cette « maison de week-end » est assez précise, comme on le constate en lisant la lettre adressée par Eugénie Savoye à Le Corbusier où se trouvent indiqués outre le nombre de pièces, leurs dimensions, le revêtement des sols, etc., jusqu’à la quantité et localisation des prises de courant…

(2) Les heures « claires » ne vont pas le rester longtemps. Des défauts de construction apparaissent des 1931: la maison prend l’eau. Les relations avec Le Corbusier se dégradent. En dépit d’une première restauration en 1935, la villa reste inconfortable : « il pleut dans l’entrée (…) il pleut toujours dans ma salle de bain« , écrit Mme Savoye en septembre 1936… La maison cessera définitivement d’être habitée pendant la guerre. Classée monument historique en 1965,  la Villa Savoye  appartient à l’Etat et est ouverte à la visite par le Centre des Monuments nationaux. Elle a bénéficié  de trois campagne des restauration entre 1963 et 1997. De nouveaux travaux vont être engagés en 2015 avec la suppression du point de vente/boutique installé dans le vestibule de la Villa et la restauration de la maison du gardien.

(3) Dirigé par Laurent Fiévet et Silvia Guerra, son directeur et sa directrice artistique, le Lab’Bel « s’engage auprès des artistes plasticiens et des différents acteurs du monde de l’art contemporain avec humour, décalage et impertinence, les trois axes thématiques autour desquels il structure son identité« . Dans cet esprit, on avait tout particulièrement apprécié Au Lait ! Quand l’Art Déborde, une exposition collective  présentée à La Maison de la Vache qui rit à Lons-le-Saunier en 2012.

vignette_light-hours

 

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