
Vue panoramique nocturne de l’intérieur du pavillon de la source des Célestins (1908) © E.Lattes/office Tourisme Vichy
Du 25 au 27 avril 2014, Vichy rendait hommage à celui dont l’intervention fut décisive pour l’essor et la notoriété de la station thermale. Comme tous les ans depuis 2008, reconstitutions, concerts, bals, dîners, expositions ont fait revivre le temps d’un long week-end le faste impérial des années 1860. Côté exposition, l’éventail était à l’honneur cette année avec la réunion de pièces rares issues des plus grandes collections européennes. Ces journées sont aussi l’occasion de découvrir le riche patrimoine Art Nouveau et Art Déco de la ville.

Les chalets Napoléon III © F. Milochau
L’empreinte impériale s’impose dès la gare : c’est en effet pour accueillir Napoléon III lors de son deuxième séjour à Vichy en 1862 qu’elle a été construite. (1) L’empereur, qui y effectuera cinq cures jusqu’en 1866, a décidé de faire de la ville la station susceptible de rivaliser avec les destinations thermales alors très prisées, comme Baden Baden ou Carlstadt. D’où la réalisation de grands travaux et aménagements: routes, digue sur l’Allier, boulevards, casino, parcs, mairie, église, chalets… Les capitaux privés s’ajoutant aux investissements de l’Etat, en dix ans la population de Vichy et sa fréquentation auront doublé.
Si Vichy – Vicus Aquis Calidis/ village des eaux chaudes, pour les Romains – connut son plus grand essor sous le second empire, quelques visiteurs illustres avaient déjà contribué à sa notoriété en vantant les mérites de ses eaux. Ainsi la marquise de Sévigné qui, venue soigner des rhumatismes en 1676 et 1677, s’en trouvera fort bien, comme en témoignent ses lettres à Madame de Grignan, et ne tarira plus d’éloges sur Vichy et ses eaux, faisant des émules dans la noblesse française et d’outre-Manche… Un buste en bronze de la célèbre épistolière a été inauguré en 1996 dans dans le parc Napoléon III à l’occasion du tricentenaire de sa mort.(2)

Le Casino Opéra, entrée © Laurence Plancke/ville de Vichy
A la Belle Époque, entre 1900 et 1910, où la vie thermale est à son apogée, les équipements sont modernisés et complétés avec les hôtels, les thermes, les lieux de divertissement comme l’opéra. Celui-ci, édifié en 1901 en extension de l’ancien casino de 1865 et son théâtre devenu trop petit, a largement mérité alors son qualificatif de « Grand Casino » avec une salle de 1483 places qui en fait le plus grand opéra de province et à laquelle une structure en béton armé donne une impressionnante envergure.
Le décor intérieur en fait un temple de l’Art-Nouveau avec la multiplication des courbes et des peintures ornementales en volutes signées Léon Rudnicki. Les couleurs, déclinées en camaïeu de beige, blanc cassé et or, rompent avec l’habituel rouge et or, et donnent au décor une harmonie originale tout en douceur, que l’on pleut apprécier aujourd’hui grâce à un très important et minutieux travail de restauration entamé en 2011.

Le grand bal sous la verrière du salon Berlioz © J. Mondierie
L’Opéra a été le premier édifice racheté par la Ville à l’Etat, en 1994, amorçant ainsi un processus de réappropriation du patrimoine thermal, qui se poursuit encore aujourd’hui. L’ancien Casino a été conservé, entièrement rénové et restructuré en Palais des Congrès. L’ensemble a été classé Monument historique en 1996. (3)
Ce « Palais des congrès-Opéra » a été au coeur des manifestations de cette 7ème édition des Fêtes Napoléon III: concert à l’Opéra, dîner, danses et grand bal final sous la verrière du Salon Berlioz, ancien foyer de l’Opéra, conférences (sur l’éventail et et le corset) dans l’auditorium Eugénie, à l’emplacement de l’ancien théâtre du casino, tandis que la salle Napoléon III accueillait l’exposition L’Éventail au Second Empire, entre objet d’art et accessoire de mode.

Eventail en nacre de l’Impératrice, » La fontaine de Jouvence », v.1860/ Coll.H.Alexander © Fan Museum Londres
Une exposition remarquable par la qualité des pièces réunies provenant des plus importantes collections internationales, comme le Fan Museum de Londres (collection Hélène Alexander), le Cercle de l’Eventail-Palais Galliera (musée de la Mode de la Ville de Paris) ainsi que la très réputée collection de Maryse Volet (Suisse). Cette dernière avait fait le déplacement, ainsi que la directrice du Fan Museum et celle du Musée de l’éventail de Paris, Anne Hoguet. Il faut ajouter les éventails publicitaires, carnets de bal et archives ayant marqué l’histoire de Vichy entre 1860 et le début du XXe siècle, rassemblés par le collectionneur vichyssois Michel Laval.

Création Sylvain Leguen, 2011, « White wedding » © Stephen Jackson
Objets du passé les précieux éventails? Pas tout à fait. Le jeune (né en 1977) éventailliste Sylvain Leguen était présent à Vichy, pour montrer que l’art de l’éventail, tel qu’il a été pratiqué par les célèbres maisons Alexandre et Duvelleroy très appréciées par l’impératrice Eugénie et les têtes couronnées d’Europe, avait de dignes héritiers au XXIe siècle. Il y avait foule en permanence autour du lauréat 2013 du Grand prix de la Création de la Ville de Paris, venu de la capitale avec quelques-unes de ses créations, ses matériaux et outils, une vidéo montrant le processus de fabrication et avec l’envie de faire connaître son art et partager sa passion. Nous saurons désormais que l’éventail se compose d’une monture et d’une feuille…

Affiche Musée de l’Opéra, 1er Août 1914 : Relâche…Mobilisation générale…
Nous quittons le Palais des Congrès-Opéra pour le musée de … l’Opéra de Vichy. Ce très intéressant musée, ouvert en 2002, a pour vocation de conserver et présenter les archives du XXe siècle concernant le patrimoine musical et artistique de la ville : affiches, photographies, projets de décors, journaux, ainsi qu’une bibliothèque de quelque 8000 titres de partitions d’orchestre et une documentation sonore. Cette année, pour l’exposition temporaire, d’Avril à Décembre, un thème s’est imposé : 1914-1918, Vichy, Les théâtres et la guerre. On y découvre qu’interrompus le 1er août 1914, spectacles et divertissements reprennent le 15 mai 1915. Vichy loin du front… Au cours des vingt années qui séparent les deux guerres la « Capitale d’été de la musique », connaitra ses plus belles heures de gloire, les plus grands artistes s’y produisent. Lorsque la seconde guerre éclate, la saison s’achève le 31 août 1939 sur l’Orphée de Gluck… On connait la suite. (5)

CCLV, « La Tragédie », Francis Chigot © DR
Après le joyau Art Nouveau de l’Opéra, l’Art Déco réserve aussi quelques belles surprises. A commencer par le Centre culturel Valéry Larbaud, juste en face du musée de l’Opéra. Le CCLV, l’ancien « petit casino » construit en 1926, devenu scène de la musique actuelle en 1965, peut s’enorgueillir d’un remarquable triptyque de vitraux signé Francis Chigot, représentant la musique entourée de la tragédie et de la comédie. Francis Chigot (1879-1960) est l’auteur également de la grande verrière du salon Berlioz de l’Opéra.

Eglise Saint-Blaise © DR
Mais le plus étonnant nous attend à l’Eglise Saint-Blaise. Si l’extérieur de l’édifice, construit entre 1925 et 1931, avec un gros oeuvre en béton armé, impose sa silhouette plutôt austère, la décoration intérieure, exemple unique, complet et très représentatif des débuts de l’Art Déco, est totalement inattendue avec la profusion de couleurs des vitraux, peintures et mosaïques, et les matériaux précieux ornant le mobilier : onyx, lapis-lazuli, émaux …
Vichy ce sont aussi des personnages. On avait oublié que Valéry Larbaud y était né (1881) et mort (1957). On ignorait que son père, pharmacien, y était propriétaire d’une source. Valéry Larbaud, écrivain, voyageur et surtout « passeur » en littérature : ce polyglotte (anglais, italien, allemand, espagnol), grand lecteur (« Ce vice impuni, la lecture…« ) et traducteur, a fait connaître entre autres James Joyce et Ramon Gomez de la Serna. Un portrait de ce dernier trône dans le bureau de l’écrivain, reconstitué dans la bibliothèque-musée installée au deuxième étage de la médiathèque Valery-Larbaud. On y trouve la bibliothèque de l’écrivain : quelque 15 000 volumes, conservés dans le mobilier et le classement d’origine… Chaque année, la remise du prix littéraire Valery-Larbaud, a lieu à Vichy en mai ou début juin, à l’occasion d’une exposition organisée à la médiathèque. (6)

Bureau de Valerie Larbaud- mediatheque de Vichy © D.Cagnolatti
Il y a aussi Albert Londres, né à Vichy en 1884. La maison natale du grand reporter, en déshérence depuis plus de vingt ans, devrait enfin pouvoir être réhabilitée, après une campagne de recueil de fonds menée par une association locale. Laquelle organise depuis 2009 des « Rencontres Albert Londres de Vichy », dont la 5ème édition aura lieu du 13 au 15 juin prochains au Palais des congrès et à l’hôtel Aletti.

Quelques exemples de villas © Office de Tourisme Vichy
Ce palace, construit en 1905, nous ramène à l’architecture si originale du Vichy ancien, avec notamment le foisonnement de villas particulières construites au tournant des XIXe et XXe siècles. Succédant à l’architecture thermale du second empire, et aux chalets impériaux, cette architecture de villégiature fait se côtoyer tous les styles – médiéval, Louis XIII, classique ou Art Nouveau – et toutes les inspirations plus ou moins exotiques : mauresque, vénitienne, flamande, russe… Curieusement, il nait de cet éclectisme une certaine homogénéité, celle d’un monde hors du temps…D’autres villas sortiront de terre dans les années 1920-1930, davantage caractérisées par l’Art Déco, dans leur architecture comme les motifs de fer forgé et de mosaïque.

Vue de nuit de l’esplanade aménagée pour les piétons sur la rive droite du lac d’Allier © E. Lattes
La transition avec le Vichy d’aujourd’hui se fait sans véritable rupture sur le plan urbain. D’autant que le patrimoine thermal a dû lui aussi évoluer, se moderniser pour répondre à de nouveaux critères médicaux et de confort d’une clientèle plus diversifiée. Les bords de l’Allier accompagnent cette évolution de la ville, avec l’aménagement des berges et la rénovation-prolongation de la promenade arborée en surplomb – « Les planches de Vichy » – , offrant désormais aux promeneurs un tracé ininterrompu de plus de trois kilomètres. Des aménagements qui devraient permettre de mieux relier les quartiers d’habitat social – dont certains sont aussi repensés -, le Vichy historique et le centre ville …
On aura beaucoup marché, visité, vu de belles choses durant ces journées impériales. Il y eut aussi des pauses, à la rencontre de bonnes choses… À suivre, pour le côté papilles…

La promenade couverte du Parc des Sources / DR
(1) Lors de sa première venue en 1861, Napoléon III était descendu à Saint-Germain des Fossés.
(2) Laquelle épistolière qualifie les eaux de « méchantes » : « car imaginez-vous qu’elles sont bouillantes et d’un goût de salpêtre fort désagréable« , écrit-elle à sa fille. Lettre citée par Rémi Koltirine dans Vichy Patrimoine, édité par la Fondation du patrimoine et en vente à l’Office du tourisme de Vichy; un petit ouvrage extrêmement documenté – texte et iconographie- sur l’histoire et l’architecture de la ville.
(3) Avec une dizaine de villes thermales européennes, Vichy a entamé la procédure d’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Après l’acceptation de sa candidature par le ministère de la Culture, la prochaine étape sera le Congrès de Prague en mars 2015, chargé d’harmoniser l’ensemble de ces candidatures.
(4) On avait ou découvrir ces collections lors de l’exposition Le Siècle d’or de l’éventail de Louis XIV à Marie-Antoinette au musée Cognacq-Jay à Paris en 2013/2014.
(5) C’est surtout la grande capacité hôtelière de Vichy, ainsi qu’un équipement téléphonique moderne et une relative proximité de Paris (4h30 en train à l’époque) qui fit préférer la ville thermale à Clermont-Ferrand pour devenir le siège du régime collaborationniste du maréchal Pétain. Réquisitionnés, hôtels et villas abritent jusqu’en août 1944, ministères et ambassades.
(6) A partir du 16 mai 2014, la médiathèque rend hommage à Chas Laborde, reporter-dessinateur, graveur et illustrateur, né à Buenos-Aires en 1886 et mort à Paris en 1941. Scènes de rues croquées dans des villes du monde entier voisineront avec des illustrations de Larbaud.
Liens utiles:
http://www.vichy-tourisme.com
http://www.ville-vichy.fr/accueil-mediatheque.htm
http://www.palaisgalliera.paris.fr/fr/palais-galliera/le-cercle-de-leventail
http://www.thefanmuseum.org.uk
http://www.sylvainleguen.com

Le Dôme, patrimoine thermal © Ville de Vichy/Laurence Plancke
http://www.fotocommunity.fr/pc/pc/mypics/1821453/display/34817708
merci pour votre blog
tres peu de photo de photos de nuit sur vichy en panorama
alors venez me voir ,
amicalement
thierry
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