
« Scènes galantes », faisant certainement partie d’un surtout de table, porcelaine dure (manufacture de Hoescht) © Rmn/musée de la Renaissance/photo db
Il n’y avait pas d’écrin plus pertinent que ce château des La Rochefoulcauld, marqué par la pensée des Lumières, pour accueillir des objets précieux témoins de la vie aristocratique au XVIIIe siècle ». Ces « Trésors cachés » ont été extraits exceptionnellement des réserves d’un autre château du Val d’Oise, celui d’Ecouen, édifice du XVIe siècle abritant le musée national de la Renaissance. Regroupés par thèmes dans des vitrines installées au coeur des salles du château de La Roche-Guyon, ces objets retracent le quotidien de la haute société des Lumières, de la toilette et de la parure aux divertissements et à la chasse, des arts de la table à la lecture, l’écriture et aux ouvrages de dames, sans oublier les prières et… le tabac.
À voir jusqu’au 29 novembre 2015.

« Chatelaine portant montre et breloques » (or émaillé, porcelaine, verre) © Rmn/musée de la Renaissance/photo db
« Le Luxe, c’est l’usage qu’on fait des richesses et de l’industrie pour se procurer une existence agréable« , peut-on lire dans l’Encyclopédie sous la plume de Jean-François de Saint Lambert (1766). Et aussi pour affirmer sa position dans la société : en l’occurrence un aristocrate du XVIIIe siècle. Ce que résume bien le titre de l’exposition Être et paraître…
Matériaux précieux et raffinement de la fabrication caractérisent tous les objets présentés au château de La Roche-Guyon. Ivoire, or, argent, vermeil, pierres précieuses, nacre, émaux, cristal, porcelaine : Le quotidien se pare de luxe à tous les moments de la journée répertoriés en une dizaine d’activités déclinées au féminin ou au masculin, comme broder ou fumer… Et, bien sûr, c’est un étui en cristal de roche taillé serti d’argent qui abrite le nécessaire à broder avec ses ciseaux d’acier doré, tandis que la râpe à tabac est de buis et d’ivoire sculptés et la tabatière en cuivre doré ou émaillé…

Râpe à tabac, « Vénus apprenant à lire à l’Amour » © Rmn/Musée de la Renaissance/photo db
Le plaisir des yeux se conjugue à l’évocation imaginaire d’instantanés de vie de ces aristocrates. Au premier rang desquels la duchesse d’Enville, alias Elisabeth de La Rochefoucauld qui, veuve à trente ans, tissa des liens d’amitié avec Turgot, Sophie de Lespinasse, Voltaire, s’intéressa aux idées des physiocrates, emplissant le lieu de l’esprit et de la pensée des Lumières.
À quelques siècles de distances, la parole lui est donnée avec Le dit de la duchesse, un ensemble de dix textes écrits par Frédéric Révérend (2) et interprétés par Corinne Miret, que les visiteurs peuvent écouter dans les casques mis à leur dispositions auprès de chaque vitrine. Une façon de donner vie à ces objets dont la présence anime à son tour les vastes salles et salons du château, pour la plupart vidés de leur mobilier.

Bésicles et leur étui en buis sculpté © Rmn/musée de la Renaissance/photo db
Comme la bibliothèque – qui comptait au XVIIIe siècle quelque 10 000 volumes – l’a été de ses livres, vendus et dispersés en 1987. Placée au centre de cette bibliothèque désormais peuplée des « livres fantômes » d’Alain Fleischer, la vitrine consacrée aux objets liés à l’écriture et à a lecture rappelle que l’engouement pour celle-ci au siècle des Lumières entraîna une diffusion plus large des … lunettes! Le musée d’Écouen conserve une importante collection de bésicles du XVIIIe siècle avec leurs étuis dont on peut voir quelques précieux spécimens en corne, bois sculpté, métal doré ou argenté et galuchat.

Nécessaire de poche (or émaillé, acier et ivoire) et boites à mouches (agate et argent) © Rmn/musée de la Renaissance/photo db
Avec tous ces objets, c’est une nouvelle approche de l’histoire des arts décoratifs que propose cette exposition en invitant « à mêler la connaissance des objets propre à l’historien de l’art aux apports de l’histoire des civilisations et des moeurs, pour un voyage au coeur d’un siècle porteur d’une image d’apaisement découlant du raffinement de sa société de cour« , écrit Muriel Barbier, conservateur du patrimoine au musée national de la Renaissance et commissaire de l’exposition. (2)
Et l’on se dit qu’on verrait bien ces précieux témoignages du savoir-faire des artistes et artisans et du savoir-vivre de l’aristocratie du XVIIIe siècle demeurer plus longtemps, sinon définitivement, dans le cadre majestueux des salons du château de La Roche-Guyon…
(1) Écrivain, dramaturge, traducteur, comédien, Frédéric Révérend est notamment l’auteur de L’invention d’un château, suivie de Le coffre meurtrier, premier ouvrage publié dans la collection « Bibliothèque Fantôme », aux éditions de l’Amandier. La « Bibliothèque fantôme » est une collection de l’établissement public du château de La Roche-Guyon créée par son directeur Yves Chevallier et qui a pour vocation d’accueillir des écrits d’artistes et chercheurs produits au château, à partir du château, autour du château…
(2) Être et Paraître, la vie aristocratique au XVIIIe siècle, a fait l’objet d’un catalogue très documenté qui constitue un intéressant complément à l’exposition, publié aux Editions Artlys (18 euros)
Manifestations de la rentrée au Château de La Roche-Guyon :
– Méandres, exposition d’une série de vingt toiles du peintre et illustrateur Christian Broutin du 19 septembre au 29 novembre 2015.
– La cinquième édition de la Biennale Oksébô, qui réunit du 26 septembre au 4 octobre 2015 les oeuvres créées en duo par plus d’une trentaine d’artistes et artisans .
Sans oublier les portes ouvertes à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, les 19 et 20 septembre 2015
CHÂTEAU DE LA ROCHE-GUYON
1 rue de l’Audience
95780 La Roche-Guyon
33 (0)1 34 79 74 42
et voilà une idée d’échappée belle tout en raffinement, merci beaucoup pour cette suggestion.
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