À VITRY, l’art contemporain s’expose à ciel ouvert…

Jaume Plensa, "Désir-Rêve", 2011© ville de Vitry-sur-Seine

Jaume Plensa, « Désir-Rêve », 2011© ville de Vitry-sur-Seine

« L’art doit surgir là où on ne l’attend pas, par surprise » : faisant sienne cette affirmation de Jean Dubuffet, il y a maintenant plus de 50 ans que la politique culturelle de Vitry-sur-Seine fait la part belle à l’art contemporain.  Grâce à la mise en oeuvre systématique depuis 1962 du 1% architectural, ce sont aujourd’hui quelque 140 oeuvres qui habitent de façon pérenne l’espace public de la ville. Des parcours sont organisés régulièrement pour aller à la rencontre de ces oeuvres.  C’est à la faveur de l’un d’eux qu’on a pu en découvrir quelques-unes, parmi les acquisitions les plus récentes.

VITRY DUBUFFET

Jean Dubuffet, « Chaufferie avec cheminée », Vitry / DR

Si l’on évoque Vitry et l’art contemporain, on pense tout de suite au MAC/VAL, le magnifique Musée d’art contemporain du Val de Marne inauguré en 2005. (1) En face du MAC/VAL, au milieu du carrefour de la Libération se dresse une sculpture monumentale de Jean Dubuffet. Erigée en 1996, cette Chaufferie avec cheminée, symbolise du haut de ses 14 mètres l’engagement de la ville en faveur de l’art contemporain. (2) Un engagement qui remonte à 1962, dans l’élan donné par André Malraux à la tête dans les années 1960 du premier ministère de la culture, et auquel les deux mandats de Jack Lang, a la Culture à partir de 1981, donnera un second souffle.

« La qualité de cette politique, c’est la durée« , souligne Catherine Viollet, directrice de la Galerie Municipale Jean Collet (3) et  conseillère aux arts plastiques de la Ville de Vitry, responsable du programme d’intégration de l’art dans la ville. « Elle ne s’est jamais démentie et s’est même structurée » au fil du temps, récemment encore avec l’opération « Un bâtiment, une oeuvre », relancée depuis 2015. Par ailleurs, « le fait que la municipalité soit gérée depuis de nombreuses décennies par le même parti politique, le Parti communiste français, a contribué à cette continuité « , tient-elle à souligner.

"Le Crayon", Collectif 6 bis /DR

« Le Crayon », Collectif 6 bis /DR

Vitry est avec Grenoble une des toutes premières villes à avoir mis en œuvre, de façon quasi systématique, ce principe du 1 % architectural en vertu duquel au moins 1% du budget de construction d’un bâtiment doit être consacré à la commande d’une oeuvre d’art destinée à l’espace public. D’abord dédié aux équipements scolaires, le 1% architectural s’est ensuite appliqué à d’autres équipements et aujourd’hui ce processus de la commande d’œuvres est  étendu aux bailleurs sociaux et aux partenaires privés lors de réalisations immobilières d’importance ou de grandes transformations urbaines.

L’enfant qui marche, une petite sculpture de bronze réalisée par Balthazar Lobo et installée en 1962 dans la cour de l’école maternelle Eva Salmon a été la première oeuvre à concrétiser cette politique de la municipalité.

Anne Rochette, Sans titre, 2009-© Laurence Barbier

Anne Rochette, Sans titre, 2009-© Laurence Barbier

« Ces 50 ans de commandes publiques, permettent d’avoir un regard sur l’évolution artistique« , commente Catherine Viollet. On vient de passer devant Le Crayon, une oeuvre du Collectif 6 bis installée en 2012 à l’entrée du square Barbusse. Fiché au sol par sa mine, ce « crayon » de 12 mètres de haut semble défier les lois de l’équilibre, tandis que sa couleur vert pomme égaye le gris de la dalle et des immeubles. Car l’art est aussi une manière d’introduire « des ponctuations colorées dans la ville« . Comme le rouge éclatant de la grille de la résidence étudiante Henri Laborit, sculptée par Anne Rochette (2009), boulevard de Stalingrad.

Didier Marcel, "Le Pin noir d'eau triche" /Photo db

Didier Marcel, « Le Pin noir d’eau triche » /Photo db

« Boulevard des Arts » est l’autre nom de cet axe jalonné de nombreuses oeuvres, avec notamment Désir-Rêve, les sculptures de l’artiste catalan Jaume Pensa. Inspirées de la tradition des stylites – ces ermites qui se retiraient dans le désert en haut d’une colonne – les deux figures humaines en fibre de verre installées sur de longs mâts en inox plantés depuis 2011de chaque côté du boulevard, éclairées de l’intérieur la nuit et dialoguant avec les nuages le jour, sont comme une entrée symbolique dans la ville.

Plus récemment, en janvier 2016, sur une place à la hauteur du N°79, Didier Marcel est venu planter Le Pin noir d’eau triche. Cet  arbre-fontaine  résulte du moulage en bronze d’un pin qui pourrait venir d’Autriche, par exemple du cimetière de Vienne où est enterré Beethoven qui a donné son nom à la rue voisine… On admire la patine du tronc d’arbre, faux élément végétal sur son socle minéral. La réalisation de cette oeuvre a été rendu possible grâce à une « mutualisation de moyens au niveau des promoteurs« , indique Catherine Viollet. (4)

Nathalie Junod Ponsard, "Variations silencieuses" /Photos db /

Nathalie Junod Ponsard, « Variations silencieuses » /© N. Junod Ponsard &  db

Toujours sur le « Boulevard des Arts »  les Variations silencieuses de Nathalie Junod Ponsard éclairent l’accès d’une résidence au N°21-27. L’artiste a installé au plafond du porche extérieur 25 lignes de tubes leds dont l’intensité lumineuse et chromatique varie en séquences programmées de 9 minutes. On regrette seulement que l’éclairage intense et permanent de l’entrée du parking souterrain ôte un peu de relief à cette « partition » lumineuse qui prend tout son sens au déclin du jour…

Soizic Stokvis, Sans titre / Photo db

Soizic Stokvis, Sans titre / Photo db

Si l’oeuvre de Nathalie Junod Ponsard se situe dans un lieu de transition entre l’espace privé et l’espace public, celle de Soizic Stokvis déroge par contre   au principe du 1% architectural qui veut que l’oeuvre soit visible dans l’espace public. La peinture murale avec boîte lumineuse réalisée en 2010 est en effet installée à l’intérieur du hall d’un immeuble (rue Louise de Vilmorin) auquel on n’accède qu’avec un digicode. Si l’oeuvre s’inscrit dans le 1% artistique, elle répond à une commande spécifique de BNP Immobilier.

Emilie Lemardeley, "Babel Shelter", 2014 © ville de Vitry-sur-Seine

Emilie Lemardeley, « Babel Shelter », 2014 © ville de Vitry-sur-Seine

Quant au Babel Shelter, cet « habillage » d’un transformateur électrique par d’Émilie Lemardeley, rue Germain Pinson, il se situe « dans une emprise EDF au sein d’un espace privé« , explique Catherine Viollet. Réalisé en acier Corten – un acier oxydé artificiellement pour mieux résister à la corrosion atmosphérique – cet « abri » est orné de fines découpes, sortes de hiéroglyphes qui sont en fait « la reproduction du vocabulaire graphique des appareils électriques « . On aurait aimé le voir à la nuit tombée, lorsque les leds disposés à l’intérieur transforment les signes en écriture lumineuse…

Au fil du temps et des oeuvres, c’est aussi une évolution urbaine qui est racontée. « La ville est en constante évolution, tout bouge. Le regard des artistes sur la ville, sur l’art public aussi, forcément. Les besoins,les ressources, les contraintes, tout se modifie. Persister à considérer l’art dans la ville comme on l’a fait longtemps selon les critères de la monumentalité n’est plus forcément adapté« , constate Catherine Viollet.

Une évolution que retrace, L’art est dans la ville, un livre publié en 2012 à l’occasion des 50 ans de la politique artistique de Vitry. (5)

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Balthazar Lobo, « L’enfant qui marche » / DR

(1) La collection du MAC VAL a pour spécificité l’art en France depuis 1950. Initiée en 1982, elle compte à ce jour plus de 2000 œuvres, reflétant la création de près de 330 artistes.
(2) L’oeuvre doit son titre au fait qu’elle était au départ – le dessein initial de cette pièce remonte à 1970 – destinée à abriter le système de chauffage de la Villa Falbala, une oeuvre majeure de l’artiste construite à Périgny-sur-Yerres (siège de la Fondation Dubuffet). L’œuvre fait partie du fameux cycle de «l’Hourloupe» que l’artiste entreprit en 1962, à partir d’une expérience singulière d’écritures automatiques machinalement griffonnées, ponctuées de hachures bleues et rouges, ainsi que d’aplats des mêmes couleurs, cernées de noir sur fond blanc.
(3) En janvier 2016 on y avait découvert avec beaucoup d’intérêt l’oeuvre de Paul Pouvreau
(4) En l’occurrence Bouygues immobilier, l’OPH (Office Public de l’Habitat) de Vitry et la Semise (société d’économie mixte dans le domaine de la construction de logements et bailleur social)
(5) Réalisé sous la direction de Catherine Viollet et publié par Fage Éditions, ce livre est accompagné d’un DVD Les artistes sont dans la ville,  un film de 25 minutes incluant les témoignages de Christian Bonnefoi, Frédérique Lucien, Bernard Moninot, Jaume Plensa, Heidi Wood et de l’architecte Olivier Ferrière.

Pour consulter le répertoire de l’ensemble des oeuvres installées dans la ville, cliquer ici

VITRY : "Désir-Rêve", de Jaime Plensa / Photos db

VITRY : « Désir-Rêve », de Jaime Plensa / Photos db

 

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