
Paul Pouvreau, « Variations saisonnières », 2016 – Galerie Jean-Collet, Vitry /Photo db
La Galerie municipale Jean-Collet à Vitry, dédiée à l’art contemporain, présente jusqu’au 28 février 2016 une exposition consacrée à Paul Pouvreau. Les dessins, photographies et vidéos exposées – oeuvres récentes et plus anciennes – mettent en évidence l’attrait de l’artiste pour les objets et images de l’espace quotidien, avec un intérêt tout particulier pour les emballages, leurs formes et les effigies dont ils sont les supports. À partir de quoi il crée des oeuvres entre description et fiction, réalisme et métamorphose poétique, en jouant, non sans humour, sur les formes et l’espace.
Dans la grande salle du rez-de chaussée où se tient l’exposition, l’attention est attirée à droite par un cliché noir et blanc grand format, dont on pourrait croire au premier abord qu’il s’agit de la photographie aérienne d’un édifice fortifié… Lequel se révèle être en fait un alignement d’emballages d’objets et produits de consommation courante – verres, boissons diverses, biscuits – disposés sur le sol où l’on distingue un carton d’emballage déplié, tandis que se déploie sur l’ensemble l’ombre de ce qui pourrait être une autre architecture?… La lumière et l’angle de prise de vue contribuent à créer un paysage singulier, une atmosphère entre réalité et artifice.

Paul Pouvreau, Sans titre,2012© P.Pouvreau
Depuis le début des années 1980, l’ oeuvre de Paul Pouvreau se nourrit en effet des objets et matériaux banals du quotidien tels que ustensiles ménagers, emballages, journaux, cartons, sacs en plastique. Ces derniers sont d’ailleurs au coeur d’une oeuvre qui donne son titre, Variations saisonnières, à l’exposition. Sur une photographie murale de sacs plastiques en noir et blanc déployée en triptyque, se détachent trois photos en couleurs. « Prises à proximité de centres commerciaux« , explique Paul Pouvreau, elles montrent « une végétation famélique dont on se demande si elle est naturelle ou artificielle« . Un « brouillage » troublant entre réalité et création, les sacs plastiques apparaissant presque comme plus « naturels » que la végétation figée des espaces commerciaux, telles des herbes agitées par le vent, comme celles qui figurent aussi sur la photographie.

Paul Pouvreau, « Pique-nique aux champs » © P.Pouvreau
« les signes deviennent des choses tandis que les choses deviennent signes ». Quant au « sens » à dégager de ces signes, là-dessus l’artiste est très clair : il ne faut pas voir dans son travail un « rapport critique » à la société de consommation, un « travail revendicatif sur le plan écologique » , et de rappeler que la « récupération est un élément de la démarche artistique ». Mais rien n’empêche le spectateur de se livrer à sa propre interprétation…
Si la photographie est le médium essentiel de son expression artistique, le dessin intervient depuis quelques années dans le travail de Paul Pouvreau. En 2010, il a exposé pour la première fois des dessins au Salon du dessin contemporain de Paris, avec notamment la série Les quatre couleurs, dont deux oeuvres sont présentées à Vitry, Pique-nique 1 et 2. De sa collection d’images (1) l’artiste en a sélectionné quelques-unes qu’il a détourées et appliquées sur un fond constitué de feuilles de papier journal recouvertes de traits tracés au stylo quatre couleurs, les quatre mines étant utilisées simultanément. Un brouillage d’un autre genre qui, en privant les images de leur environnement imprimé, les rend étranges, sinon inquiétantes…

Paul Pouvreau, série « Alpha » / Photos db
Rien d’inquiétant, au contraire, dans l’alphabet dont chaque lettre résulte du regard posé sur un « petit rien » échoué sur le trottoir évoquant le tracé d’une voyelle ou d’une consonne … Drôle de choses que les « séries », comment démarrent-elles? Celle-ci aurait commencé par la rencontre avec un « E », ou du moins quelque chose qui le suggérait… En quatre ans, la série des 24 lettres était complète, « avec même des doublons typographiques » !
L’exposition se referme sur une vidéo de 2015. À gauche, une image fixe montre le visage d’une jeune femme endormie, la tête appuyée sur le dossier d’un siège dans ce qu’on devine être un train, tandis que sur l’écran de droite un oreiller est animé de mouvements. La jeune femme rêve-t-elle de ce qui rendrait son sommeil plus confortable ? En tout cas, on se prend à partager ce « rêve d’oreiller »…
Avec cette video, on n’aura pas vraiment quitté l’univers du dessin, puisque son titre À la masse, est un hommage déguisé au dessinateur de bande dessinée Francis Masse, dont Paul Pouvreau dit aimer « les personnages et l’univers absurde« .

Paul Pouvreau, « À la masse » (hommage), 2015 -Diaporama 3′ /Photos db
Et l’on comprend pourquoi, après avoir vu les ses photographies qui « cultivent le singulier et l’incongru (…) toujours au bord de quelque chose, entre visible et insensible, entre invisible et sensible« . (2)
Outre le travail de Paul Pouvreau, les Variations saisonnières nous auront permis de découvrir ce lieu dédié à l’art contemporain qu’est la Galerie municipale Jean-Collet. Ouverte en 1982, elle s’est donné pour mission de « soutenir, promouvoir, diffuser les arts plastiques et les arts visuels, sensibiliser les publics à la création contemporaine » par le biais d’expositions, visites commentées, conférences, médiation et un prix annuel de peinture. Riche d’un fonds de quelque 400 oeuvres graphiques et photographique – déposé par convention au MAC VAL (3) – la Galerie présente sur ses 500m2 entre cinq et six expositions monographiques ou collectives par an, avec une programmation ouverte aussi bien à la jeune génération qu’aux artistes confirmés.
Paul Pouvreau est né en 1956 à Aulnay-sous-Bois. Il vit et travaille à Paris et Argenton-sur-Creuse.
Diplômé de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Bourges (DNSEP-Art), il a enseigné la photographie aux Beaux-Arts du Mans de 1986 à 2010, et depuis cette date il enseigne à l’École Nationale Supérieure de photographie d’Arles. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions en France et à l’étranger, et nombre de ses oeuvres font partie de collections publiques et privées.

portrait Paul Pouvreau © P.Pouvreau
(1) « Je prélève en permanence des documents photographiques dans des supports les plus divers pour constituer une sorte de bibliothèque d’images liées à l’actualité. Même quand elles sont extraites d’un catalogue, ces dernières témoignent d’un usage de la photographie et sont représentatives de la façon dont on les utilise. », écrit Paul Pouvreau.
(2) Philippe Piguet, 12 août 2007, Catalogue Frac Alsace
(3) MAC VAL, le très beau et très riche musée d’Art contemporain du Val de Marne, à Vitry, qui fête cette année ses dix ans.

Entrée de la Galerie Jean-Collet © DeBelleschoses/db
Galerie municipale Jean-Collet
59, avenue Guy-Môquet
94400 Vitry-sur-Seine
Tél : 01 43 91 15 33
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