« GUERRE ET PAIX », l’oeuvre monumentale de Cândido Portinari exposée au Grand-Palais

"Guerre et Paix" au Grand Palais, Avril 2014 © db

« Guerre et Paix » au Grand Palais, Avril 2014 © db

 

L’imposant diptyque Guerre et Paix, réalisé entre 1952 et 1956 par le peintre brésilien Cândido Portinari (1903-1962), fait une halte dans le Salon d’Honneur du Grand-Palais, avant de retrouver le siège de l’ONU à New York où cette oeuvre, don du gouvernement brésilien aux Nations-Unies, est installée depuis 1957. La présentation à Paris de Guerre et Paix avec quelque 40 études préparatoires et un regard sur l’ensemble de son oeuvre,  permet d’aller à la rencontre d’un des principaux artistes brésiliens du XXe siècle. Cette exposition est organisée par le Projet Portinari, lancé en 1979 par João Cândido Portinari, fils unique du peintre, à la faveur du retour à la démocratie après 15 ans de dictature militaire au Brésil, dans le but de recenser et valoriser l’œuvre de de l’artiste engagé que fut Cândido Portinari. À voir jusqu’au 9 juin 2014 (entrée gratuite). 

Le sujet, Guerre et Paix, a tout du défi. L’oeuvre que lui a dédiée Cândido Portinari le relève, par ses dimensions – deux panneaux de 14 mètres de hauteur sur 10 mètres de largeur – et son propos : son universalité s’exprime par le biais de ce qui a toujours été au coeur de la création de l’artiste, le peuple brésilien.

Cândido Portinari, "Guerre" © DR

Cândido Portinari, « Guerre » © DR

Dans les quelque 5000 toiles que Cândido Portinari a réalisées, il a décrit  tout aussi bien le dur labeur des plantations de café que les héros nationaux ou les déplacés de l’intérieur, misérables, à la recherche d’un travail. Ce sont les souffrances de ce peuple qui font la matière essentielle du volet La Guerre. Une souffrance qui s’exprime surtout par les femmes, pleurant la mort de l’enfant décharné ou implorant quelque justice ou répit dans ce monde qui les broie, traversé par les quatre cavaliers de l’Apocalypse, semant la mort sous toutes ses formes – le fer, la faim, les bêtes sauvages… Une version d’inspiration cubiste et colorée des « désastres de la guerre »…

En contrepoint,  La Paix met en scène des enfants bien vivants en train de jouer; ils sautent, se balancent, font le poirier, chantent en choeur … Les femmes sont debout, rassemblées en cercle ou dansant. Le rouge éclatant de quelques robes illumine le tableau. Les hommes discutent. les animaux participent de cette joie paisible…

Cândido Portinari, "Paix"

Cândido Portinari, « Paix »

Paisible, la réalisation de cet ensemble ne le fut pas vraiment. Ce que Portinari considérait lui-même comme « sans doute le meilleur travail » qu’il ait réalisé, lui aura coûté un effort considérable et s’est effectué dans des conditions difficiles. Déjà malade, victime de l’intoxication aux métaux lourds contenus dans la peinture (qui sera la cause de sa mort en 1962), il doit interrompre le travail commencé en 1951, avant de le reprendre contre l’avis de ses médecins et de l’achever, avec l’aide de deux assistants, en 1956.

Et, le comble,  Portinari ne pourra même pas assister l’année suivante à l’inauguration de son oeuvre, offerte par le gouvernement brésilien à l’ONU, son visa pour les Etats-Unis lui ayant été refusé en raison de ses liens avec le  parti communiste brésilien (PCB), auquel il avait adhéré en 1945. (1)

C’est à l’occasion de la rénovation du lieu qui l’abrite depuis 1957 au siège des Nations Unies à New-York, que le diptyque a pu être exposé au Brésil et en France, après avoir fait l’objet lui aussi d’une restauration, les couleurs de « Paix » s’étant décolorées et l’ensemble ayant besoin d’être rafraîchi.

Cândido Portinari, "Mort", Huile sur bois, 1958 / Coll. James Lisboa

Cândido Portinari, « Mort », Huile sur bois, 1958 / Coll. James Lisboa/Photo db

Il fallait les dimensions du Salon d’Honneur du Grand Palais pour accueillir cette oeuvre  imposante, mise à l’honneur dans une scénographie jouant sur l’ombre et la lumière.(2) Outre le diptyque, sont également exposées une quarantaine d’études préparatoires, dessins et peintures, ainsi que d’autres oeuvres issues de collections publiques et privées. Des vidéos complètent la visite, retraçant notamment la genèse de l’oeuvre et  le « Projeto Portinari », grâce auquel on peut voir défiler en continu la quasi totalité de l’oeuvre de l’artiste, dans un espace dédié.

Car jusqu’à ce que soit lancé en 1979 ce projet mené par le fils unique de Portinari, le public avait accès à seulement 5% des oeuvres signées de celui qui en 1958 avait été le seul artiste d’Amérique Latine invité à l’exposition 54 ans d’Art moderne à Bruxelles et dont le tableau « Enterro na rede » (Enterrement dans un hamac) avait été choisi pour figurer parmi les 100 chefs-d’œuvre du siècle. Ses oeuvres étaient pour l’essentiel détenues par des particuliers et dispersées un peu partout dans le monde.  Outre l’inventaire de quelque 25 000 documents, dont 6000 lettres et 1200 photographies, et la collecte de 130 heures de témoignages, le projet a catalogué 5 000 œuvres dans une publication en cinq volumes datant de 2004. Ces documents sont devenus accessibles avec la création en 2013 d’un « Portail Portinari » sur internet.

PORTINARI

 

(1) Cândido Portinari se présente comme candidat du PCB aux élections au Congrès en 1947. Il manquera de peu d’être élu. En novembre de la même année, face à la répression exercée par le pouvoir du général Dutra contre un parti communiste en progression,  il s’exile volontairement en Uruguay.
(2) On avait pu admirer le volume de ce Salon d’Honneur du Grand Palais, rouvert récemment au public, lors de l’exposition Cartier.

Portinari reçoit sa carte de membre du PCB des mains de Luis Carlos Prestes, secrétaire général du parti, devant l'écrivain Graciliano Ramos (assis à gauche) / DR

Portinari reçoit sa carte de membre du PCB des mains de Luis Carlos Prestes, secrétaire général du parti, devant l’écrivain Graciliano Ramos (assis à gauche) / DR

 

 

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