Théâtre :  « JUBILER » ou la construction d’un couple

« Jubiler » au Théâtre de La Reine blanche- Judith Rémy et Benoit Giros

Le théâtre de La Reine Blanche, dans le 18ème arrondissement de Paris, présente « Jubiler », la nouvelle pièce écrite par Denis Lachaud et mise en scène par Pierre Notte. Sur scène, on retrouve Benoit Giros – on avait admiré en 2018 sa prestation dans « La Magie lente » (1) – en duo cette fois avec Judith Rémy. Ils sont Stéphanie et Mathieu, ils ont cinquante ans et ont fait connaissance via internet. Pendant 1h30, on les accompagne dans leur cheminement, semé à la fois de confiance et de crainte, pour forger leur intimité, construire un couple, « guidés à l’unisson par leur envie de jubiler ensemble ».
À voir jusqu’au 20 février 2022.

Ensemble, les comédiens le sont en permanence sur la scène. Même dans leurs moments de solitude, ils ne quittent jamais le plateau au décor minimaliste, et ce sont les personnages qui « installent et désinstallent l’espace, chez eux, chez elle, chez lui, le café, le restaurant. Ils mettent la table et la démettent aussitôt, dans un ballet domestique incessant, c’est le mouvement, une sorte de danse du quotidien qui s’organise, fluide puis tendue, harmonieuse puis bordélique sur le plateau. Comme la vie, à deux. », explique Pierre Notte, le metteur en scène. 

Cette vie à deux qu’il s’agit d’inventer. Car après la première rencontre – même si elle résulte d’une application d’après laquelle ils semblent faits l’un pour l’autre, comme on dit – Stéphanie et Mathieu ne sont pas dupes et vont tenter ce qu’à cinquante ans ils savent être une aventure à l’issue incertaine, en dépit de l’envie qu’ils en ont.

Ils savent aussi, forts de leur expérience, de leur histoire passée, ce qu’ils ne veulent pas. À cet égard, Stéphanie semble plus déterminée, voire véhémente, « violente », dira Mathieu dont l’angoisse noue souvent la parole. Il va lui falloir apprendre à identifier et maîtriser sa peur d’être délaissé: « J’ai peur que tu t’en ailles/ que tu me laisses/Je me dis que je n’en vaux pas la peine/que tu trouveras mieux… ».

Stéphanie, de son côté est confrontée à sa peur être envahie, assujettie. À Mathieu qui a exprimé son désir qu’ils vivent ensemble, elle répond : « Vivre ensemble/pour moi/ ce serait revenir en arrière (…) /retourner sur les rails qui mènent là où tu as manqué d’étouffer et moi aussi d’ailleurs… ». Cet échange conduit d’ailleurs à une violente dispute et au départ de Mathieu.

Sur l’issue de l’aventure, le spectateur est vite délivré du suspense. La séquence suivante le projette trente ans plus tard. Ils sont ensemble. Ils auront tenu jusqu’au bout. Stéphanie est très malade, elle va mourir. Mathieu est à son chevet, il l’aide à appuyer sur le diffuseur de morphine. Les dernières phrases échangées sont pleines de tendresse et de sérénité douloureuse. 

Mais ce n’est pas un mélo qu’a écrit Denis Lachaud. D’ailleurs, le projet initial, après La Magie lente, n’était-il pas d’écrire une comédie? 

« Jubiler » au Théâtre de La Reine blanche – Benoit Giros et Judith Rémy

Donc, retour en arrière, trente ans plus tôt, après la dispute; le dialogue s’est renoué et chacun se livre un peu plus sur ce qui le hante et, en le formulant, commence à s’en délivrer. Et même si les mots pour définir ce qui est en train d’advenir entre eux sont encore difficiles à trouver, l’évidence est là, qui les bouleverse. Ils vont dîner en paix. Ils jubilent. 

Le spectateur aussi.  Encore une fois la magie a opéré, celle du théâtre, grâce à la belle alchimie entre le texte de Denis Lachaud, la mise en scène de Pierre Notte et, bien sûr, la performance des comédiens Benoit Giros et Judith Rémy, tellement vrais.

Théâtre de La Reine blanche – la salle vue de la scène

(1) Cette « Magie lente », que Benoit Giros avait magistralement interprétée seul sur la scène du théâtre de Belleville, est celle de la psychanalyse et du difficile parcours à la découverte de soi, évoqué à travers la narration d’un cas.
Benoit Giros est le directeur artistique de la compagnie L’idée du Nord. 

Théâtre de La Reine Blanche

LA REINE BLANCHE / scène des arts et des sciences
2 bis, passage Ruelle 
75018 Paris 
01 40 05 06 96 

Métro : La Chapelle (ligne 2) ou Marx Dormoy (ligne 12)

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