La FOLIE HUVÉ à Meudon, patrimoine caché

P1120931-001Seul le promeneur averti la découvrira, cette Folie Huvé nichée entre la ligne de tramway T2 et la Seine, en bordure de la route de Vaugirard. Elle doit son nom à l’architecte Jean-Jacques Huvé (1742-1808). Cet ancien Grand Prix de Rome, inspecteur des bâtiments royaux de Louis XVI et maire de Versailles, l’a conçue et fait construire en 1788 pour son usage personnel.

L’édifice, classé Monument historique en 1945, appartient depuis quatre générations à la famille Laumet qui l’habite et veille à sa sauvegarde… 

 

Et ce n’est pas une sinécure. Il faut réparer les dommages subis par la demeure : usure du temps, mauvais entretien et malfaçons de réparation antérieures au classement – notamment après la crue historique de la Seine en 1910 qui a inondé la Folie Huvé à hauteur du 1er étage. Il faut aussi résister aux projets immobiliers ou d’infrastructure routière mettant en péril la propriété et son environnement immédiat. (1)

L’ère Laumet a commencé en 1912 avec l’achat de la Folie Huvé – qui avait changé plusieurs fois de propriétaires au cours du siècle précédent – par Gabriel Laumet, natif du Tarn-et-Garonne, hôtelier-restaurateur à Paris, et ancien cuisinier du Tsar Nicolas II.  En ce jour de visite organisée pour l’Association des Journalistes du Patrimoine, c’est Madame Jacqueline Laumet (89 ans) elle-même qui nous accueille, en compagnie de son fils Eric, qui sera notre guide.

Derrière la grille du 13 Route de Vaugirard…À gauche la Maison Louvois © JPD Paris-bise-art

Derrière la grille du 13 Route de Vaugirard…À gauche la Maison Louvois © JPD Paris-bise-art

 

On nous avait prévenus :  la Folie Huvé, il fallait faire attention, on risquait de passer devant sans la voir…  La route de Vaugirard longeant la Seine rejointe à partir de la station Meudon-sur-Seine du T2, se présente en effet comme une succession d’enseignes dont certaines vétustes, voire désaffectées, vestiges de cet ancien quartier industriel et populaire de ce qu’on appelait alors le « Bas-Meudon », à proximité de l’ancienne usine Renault dans l’Île Seguin … Jusqu’ au numéro 13 où une grille entre deux petits immeubles s’ouvre sur une allée aux gros pavés inégaux menant à la demeure  dessinée en 1788 par l’architecte Jean-Jacques Huvé.

Frise sur la rotonde de la Folie Huvé © db

Frise sur la rotonde de la Folie Huvé © db

Un édifice original, qui s’impose par sa symétrie, de chaque côté d’une rotonde en façade ornée d’un grand bas-relief représentant le Triomphe des Arts et d’un balcon. La demeure a été conçue selon une « architecture qui rappelle la conception du style Palladio, que Jean-Jacques Huvé a tant apprécié lors de ses séjours en Italie« , indique Eric Laumet. (2) Son originalité lui a valu d’être reproduite dans le Recueil d’architecture civile de Jean-Charles Krafft, en 1812.

On doit aussi à Jean-Jacques Huvé la réhabilitation vers 1782 de la Maison Louvois, dernier témoin de cinq maisons construites en 1688 à la demande du ministre de la guerre de Louis XIV pour loger des pêcheurs, blanchisseurs et cabaretiers du Bas-Meudon. L’édifice, toujours debout et habité, fait partie d’un ensemble d’immeubles locatifs plus récents à caractère social qui encadrent la Folie Huvé.

La Folie Huvé avec un des immeubles de logements sociaux © db

La Folie Huvé avec un des immeubles de logements sociaux © db

Jean-Jacques Huvé réside dans sa « Folie » jusqu’en 1793. Sa carrière stoppée par la Révolution, il est ruiné et doit vendre la maison dont Barthélemy Scherer (1747-1804), général de l’armée napoléonienne d’Italie, se rend  acquéreur et où il reçoit à l’occasion l’Empereur.

Originale, la Folie Huvé l’est tout autant par son architecture intérieure, organisée sur trois niveaux autour d’un rectangle central. toutes les pièces adjacentes communiquent entre elles, desservies du rez-de-chaussée au premier étage par un bel escalier de pierre. La maison doit son classement  « monument historique » au fait qu’elle a conservé 90% de son intégrité matérielle (boiseries, glaces, parquets, pierres, poutres). Le tout étant l’objet de travaux de rénovation permanents, accomplis en fonction des priorités de conservation de ce patrimoine, des contraintes liées au classement et des moyens financiers qu’auront pu rassembler ses propriétaires. Au premier étage, on se prend à rêver à ce que seraient le  grand salon en rotonde et sa coupole, une fois restaurés : salon de réception, de musique…  Pour l’heure, le parquet – vraisemblablement de pitchpin – disposé en rosace, est partiellement effondré et le piano poussé contre un mur dégradé réduit au silence…

Un escalier en bois mène au deuxième étage que nous ne visiterons pas. Les dessins d’enfant accrochés au mur, comme les livres des bibliothèques Verte et Rose sur des rayonnages, entraperçus un peu plus tôt, témoignent de la vie dans les murs de la Folie Huvé. Ce qui n’est pas le moindre charme du lieu… Sans oublier les poules en liberté sur les pelouses …

Folie Huvé, le Kiosque dans le jardin © db

Folie Huvé, le Kiosque dans le jardin © db

 

(1)  « En 2001, l’élargissement de la voie rive gauche de Seine à quatre voies entre le pont de Sèvres et Paris aurait pu lui être fatale. La construction a été protégée et sauvée d’une amputation des immeubles locatifs sociaux qui la protègent de la route par l’action de vingt associations regroupées dans le collectif Val de Seine  » (in Liaison, Île-de-France environnement, nov. 2012)
(2) Du nom d’Andréa Palladio, architecte vénitien de la Renaissance, qui privilégie les proportions mathématiques plutôt que l’ornementation caractéristique du style Renaissance.

Tous les ans des visites guidées de la Folie Huvé sont organisées à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, dont la 31ème édition aura lieu les 20 et 21 septembre 2014. 

Pour en savoir plus sur Jean-Jacques Huvé, voir la thèse de Sébastien Chaufour 

 

 

 

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