La petite danseuse sur grand écran

Des milliers de spectateurs ont pu assister le 8 juillet dernier, dans une cinquantaine de salles de cinéma un peu partout en France,  à la retransmission en direct du spectacle de ballet La Petite Danseuse de Degas donné sur la scène de l’Opéra Garnier à Paris. Six retransmissions de ballets sont prévues pour la saison 2010/2011.

A la suite du succès remporté en 2009 par la première retransmission en direct d’ un spectacle du Ballet de l’Opéra national de Paris (une soirée Ballets russes), ce dernier s’est à nouveau associé à CielEcran pour une saison de ballets 2010/2011, dont le coup d’envoi a été donné le jeudi 8 juillet avec La  Petite danseuse de Degas.

Pour cette première, les Parisiens avaient le choix entre trois salles de cinéma. On a choisi, symboliquement,  celle qui se trouve à proximité de l’Opéra Garnier.  Le placement étant libre, on est arrivé une bonne demi-heure en avance, dans une salle qui a déjà commencé à se remplir. Un public très varié au milieu duquel on remarque un certain nombre de petites filles accompagnées de leur mère et dont on peut supposer qu’elles fréquentent les cours de danse classique. Mais on n’a pas trop le temps de s’attarder sur l’étude sociologique de l’assistance, le regard vite sollicité par les images qui, 25 minutes avant le début du spectacle, apparaissent sur l’écran. Nous voilà sous les dorures du Palais Garnier, au milieu du brouhaha des spectateurs gravissant les somptueux escaliers pour accéder à  la salle de l’Opéra. Toutes les cinq minutes le compte à rebours s’affiche sur l’écran, tandis que les places se font de plus en plus rares dans la grande salle du Gaumont-Pathé.

Le brouhaha s’est tu, partout. Le spectacle commence. Et la magie de l’écran opère. Car ce qu’on perd avec la densité de la présence physique de la scène et des danseurs, on le gagne avec la variation des angles de prise de vue. Plans éloignés qui restituent la beauté des tableaux d’ensemble, pittoresques ou poétiques, et plans rapprochés qui permettent de capter la subtilité et la précision de la chorégraphie, dans les pas de deux ou les solos,  en même temps que le jeu expressif tout en finesse des acteurs-danseurs de ce ballet très narratif.

La Petite Danseuse, version bronze au Musée d'Orsay / DB

Car La Petite Danseuse de Degas, c’est à la fois l’histoire de celle qui a servi de modèle à l’artiste pour sa sculpture – Marie Van Goethem, fille de blanchisseuse récemment placée à l’Opéra – et le portrait d’une époque, le Paris de misère et de luxe de la fin du XIXe siècle, dont Degas se fit le témoin au travers de sa peinture. C’est en 1881 au Salon des Indépendants qu’il présente sa Petite danseuse de quatorze ans : une statue de cire habillée d’un vrai tutu, figée dans une pose peu « chorégraphique », bras tirés en arrière, mélange de maîtrise et de relâchement, qui en fera un objet de scandale esthétique.

Le scandale était pourtant aussi social, à cette époque où l’Opéra « était tout autant l’antichambre de l’art que celle de la luxure ». Marie, comme une de ses soeurs et sans doute aussi sa mère,  sera amenée à se prostituer.

La chorégraphie et mise en scène de Patrice Bart, qui a co-signé le livret avec Martine Kahane, directrice du Service culturel de l’Opéra, la musique composée par Denis Levaillant, les décors d’Ezio Toffoluti et les costumes de Sylvie Skinazi, et bien sûr, le talent des danseurs,  font de ce ballet, créé en 2003, un magnifique spectacle, avec ses moments de tension dramatique, de poésie, mais aussi de gaité. L’oeuvre de Degas, peintre et sculpteur, revit sur la scène de l’Opéra – bel hommage à celui qui consacra près de la moitié de son oeuvre à la danse et aux danseuses, hantant les salles de répétition du Palais Garnier.  C’est aussi une manière de faire revivre l’histoire de l’Opéra, avec ses danseurs étoile et le corps de ballet d’aujourd’hui.

Photo DB

Profitons-en pour saluer l’impeccable distribution de cette soirée du 8 juillet: La petite danseuse, Clairemarie Osta; L’étoile, Dorothée Gilbert; le maître de Ballet, Mathieu Ganio; L’abonné, José Martinez; L’homme en noir, Benjamin Pech; la Mère, Élisabeth Maurin; la chanteuse caf’conc, Stéphanie Romberg.

Prochain rendez-vous : le 16 septembre avec la Dame aux Camélias?

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Un commentaire pour La petite danseuse sur grand écran

  1. Un grand merci pour ce excellent article et ces superbes photos
    Amicalement
    Gilles

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