POISSY : un colloque, une exposition et des jouets…

La ville de Poissy, ce n’est pas seulement l’usine automobile (PSA), mais aussi la cité natale de Saint-Louis, en l’honneur de qui fut fondé le Prieuré Saint-Louis, où se déroula en septembre 1561 le fameux « Colloque de Poissy ». A l’occasion du 450ème anniversaire de cette première tentative de concorde entre catholiques et protestants, Poissy a organisé en septembre 2011 un colloque dont les actes viennent d’être publiés. Cette commémoration fait également l’objet d’une exposition,  présentée jusqu’au 1er juillet au Musée du Jouet, dont on se fera un un plaisir de découvrir l’impressionnante collection à cette occasion. 

Si pour toute une génération, le nom de Poissy est associé à l’industrie automobile avec son usine – Simca, avant de devenir PSA Peugeot-Citroën (1) – la ville est loin de se résumer aux 180 hectares occupés par le groupe et témoigne d’un passé lié à l’histoire royale de la France, et en particulier celle de Louis IX, le futur Saint-Louis, qui y naquit et fut baptisé dans la collégiale Notre-Dame. Un imposant édifice du XIIe siècle que l’on dépasse pour franchir le porche de la porterie du XIVe siècle, seul vestige bâti de l’ancienne abbaye et qui accueille maintenant les collections du musée du Jouet.

L’entrée du Clos de l’Abbaye – /Musée du Jouet / Photo DB

C’est au rez-de-chaussée de ce musée qu’est présentée l’exposition Le colloque de Poissy de 1561. Catholiques et protestants : dialogue et tolérance ?  Pour ses organisateurs, l’ensemble des documents rassemblés – gravures, dessins, tableaux, manuscrits et imprimés – vise à éclairer le contexte religieux et politique dans lequel s’est tenu le colloque, d’en reconstituer le déroulement et d’esquisser ensuite les étapes qui mèneront à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905, instaurant liberté de culte et laïcité. C’est dire l’importance et l’actualité du sujet. On regrettera peut-être que l’espace dévolu à l’exposition et le choix scénographique ne soient pas tout à fait à la hauteur du propos. (2)

L’ensemble s’articule autour d’une pièce maîtresse : le tableau Le colloque de Poissy, peint par Joseph-Nicolas Robert-Fleury en 1840. Il s’agit en fait d’une copie d’atelier du XIXe siècle de l’original conservé au musée du Louvre. Le tableau met en scène l’assemblée du colloque du Poissy où sont réunis, devant le roi et la régente, le tout jeune  Charles IX et sa mère Catherine de Médicis, veuve de Henri II, des ministres de la religion réformée et des prélats de l’église catholique. Une assemblée exceptionnelle, puisque « les protestants – luthériens et calvinistes – sont alors des hors-la-loi, des hérétiques. Le premier bûcher a été allumé en 1523, pour un moine passé à la Réforme », rappelle Nicolas Le Roux, professeur d’histoire moderne à l’université de Lyon.

Le Colloque de Poissy / Collection Musée d’Art et d’Histoire de Poissy / R.P. Rivière

On y voit notamment le chancelier du royaume, Michel de L’Hospital, magistrat, homme de dialogue dont la femme et la fille sont converties et « peut-être le véritable inspirateur du colloque de Poissy ». Il y a aussi, à la tête de la délégation de l’Eglise réformée, Théodore de Bèze, pasteur protestant et professeur de théologie. Ce gentilhomme français réfugié à  Genève et bras droit de Calvin « est venu en conquérant, en héraut de  la foi protestante venu énoncer la vérité ».

Colloque de Poissy, gravure d’après Tortorel et Perrissin, début XVIIe siècle / coll. MAH Poissy / R.P. Rivière

Si le colloque est un échec sur le plan dogmatique, il a des conséquences positives en déplaçant la question de la sphère religieuse à la sphère civile, au terrain de l’ordre public, « le premier devoir du souverain étant la paix au sein du royaume ». Il ne s’agit plus de chercher à rassembler autour d’une doctrine religieuse commune, mais « simplement à faire vivre ensemble, sans violence les catholiques et ‘les sujets de la nouvelle religion’ ». Un pragmatisme politique qui aboutira quatre mois plus tard à l’Edit de Saint-Germain-en-Laye. Signé le 17 janvier 1562, « il marquait la reconnaissance officielle de la liberté religieuse ». Pour Nicolas Le Roux, on peut y voir « une première étape vers la séparation de l’Eglise et de l’Etat » qui mettra quelque 350 ans à se concrétiser… Quant aux « intégristes » catholiques de l’époque, ils allaient  déclencher plus de trente ans de guerres de religion, jusqu’à l’Edit de Nantes en 1598.

Une seconde salle, illustre l’évolution des communautés protestante et catholique du territoire de Poissy, à la suite de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

La ville de Poissy a souhaité également organiser à son tour un colloque contemporain. Une vingtaine d’historiens, juristes, anthropologues, philosophes et théologiens ont réfléchi ensemble, les 10 et 11 septembre 2011, aux pistes pour « favoriser et composer le mieux-vivre ensemble au cœur de la laïcité ». Les actes viennent d’être publiés sous le titre Colloque de Poissy 2011, au cœur de la Laïcité, dialogue et tolérance (diffusion Mare et Martin & distribution Sodis). (3) 

Musée du Jouet, le « grenier magique » / Photo DB

Cette commémoration aura été l’occasion de découvrir le Musée du Jouet de Poissy, labellisé « Musée de France ». Les jeux et jouets d’enfants entre 1850 et 1950 sont exposés dans les étages de ce bâtiment de la Porterie fortifiée de l’ancienne abbaye de Poissy.Un fonds très riche avec des jeux mécaniques et d’apprentissage, des poupées – de la « Parisienne » du second Empire aux « Barbie », des trains électriques, qu’on peut faire fonctionner dans un « grenier magique » au dernier étage, sans oublier une étonnante collection de lanternes magiques françaises et allemandes… Le tout dans un parcours et une scénographie particulièrement réussis. Bref, un lieu qui mériterait d’être davantage connu.

Collégiale Notre-Dame à l’époque de la Révolution, donc avant les restaurations par Viollet-Le-Duc / coll. Mme Dubuisson / R.P. Rivière

(1) Une usine qui fut le théâtre dans les années 1970/1980 de grèves mémorables qui ont mis en lumière la situation et les luttes des travailleurs immigrés du secteur automobile. Ce n’est pas un hasard si le militant de la Gauche Prolétarienne Robert Linhart s’embaucha dans une usine Citroën, celle de la Porte de Choisy, à la fin de 1968. Une expérience qu’il a relatée en 1978 dans  L’Etabli, publié aux Editions de Minuit. Et c’est encore ce souvenir qui habitait l’auteure de ces lignes, lorsque, invitée un soir de septembre 2011 à l’inauguration de l’exposition sur le colloque de Poissy, elle prit  le RER pour se rendre dans cette terra incognita à quelque 30 kilomètres au nord-ouest de Paris….
(2) le catalogue par contre est réussi. L’éclairage des textes rédigés par les deux commissaires de l’exposition, Hélène Meyer-Roudet, conservateur des musées de Poissy, et Nicolas Le Roux, déjà cité, comme la richesse et la qualité de l’iconographie qui restitue la lisibilité des documents exposés, en font un ouvrage à la fois grand public et de qualité (pour 10 euros). Edition Ville de Poissy/Collection du Musée d’Art et d’Histoire.
(3) Peut-être aurait-il fallu choisir un autre mot que « tolérance » pour cette réflexion contemporaine sur la laïcité ? « Liberté », par exemple?

Cet article, publié dans Culture, Patrimoine, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire