Michel Blazy fait mousser le Collège des Bernardins

Avec son installation Bouquet final, Michel Blazy poursuit son exploration des matériaux de la société de consommation. La mousse qui se déverse en continu sur le sol de l’ancienne sacristie confronte le périssable et le durable, la gabegie et l’austérité, tout en nous offrant le plaisir d’une magnifique sculpture vivante. Oui, ça mousse, et c’est beau ! Cette œuvre est présentée dans le cadre de Questions d’artistes, programmation de création contemporaine au Collège des Bernardins.

 A voir jusqu’au 15 juillet 2012.

Si l’expression Bouquet final fait penser au feu d’artifice dont les rosaces d’étincelles se succèdent à l’assaut du ciel pour disparaître aussitôt, celui de Michel Blazy à l’inverse s’écoule de haut en bas, avec lenteur mais disparition programmée.

Michel Blazy, « Bouquet final », Collège des Bernardins 2012/Photo DB

Une mousse artificielle, blanche et légère, se déverse en cascades à partir de dizaines de jardinières posées sur la structure d’un échafaudage industriel qui occupe tout le mur du fond de la sacristie.  L’éclairage par les fenêtres latérales baigne d’une lumière changeante au fil de la journée cette matière qui de loin pourrait aussi faire penser à des flots de tulle sortant de métiers à tisser verticaux pour venir s’amonceler au sol.

En grossissant et se désagrégeant dans le même temps le tas de mousse en vient parfois à déborder du périmètre délimité au sol par un  fil métallique. Quelqu’un vient alors avec une pelle et rectifie l’alignement… La mousse se désintègre complètement la nuit, pour renaître chaque matin grâce à l’intervention humaine et l’activation des pompes électriques. Bref, une « vanité » du XXIe siècle…

Michel Blazy, Bouquet final (détail) 2012 / Photo DB

Ce n’est pas la première fois que Michel Blazy utilise la mousse comme matériau de création, Il y a eu Les grandes mousses en 2006 à Versailles, Les fontaines de mousse et Falling garden en 2007, à Montpellier et en Autriche. Et la mousse vient compléter la longue liste des matériaux plus ou moins périssables issus du quotidien qu’utilise l’artiste qui « aime à se dire sculpteur, suivant l’idée que sculpter suppose une expérience du matériau », comme le rappelle Valérie Da Costa à qui nous laissons le soin de l’énumération : « des aliments comme le chocolat, des lentilles, la purée, le ketchup, la farine de riz, les oranges, les nouilles de soja, le yaourt, les bonbons, mais aussi des utilitaires comme le papier aluminium, les sacs plastiques, les moules à brioche, le savon, la mousse à raser, le coton et quelques invités surprises : souris, escargots, oiseaux, asticots ou moisissures diverses ». (1)

En écho à la foisonnante blancheur du Bouquet final, à l’opposé de la nef du Collège des Bernardins, Tania Mouraud a apposé sur le mur de pierre une œuvre minimaliste intitulée deuxlarmessontsuspenduesàmesyeux, phrase empruntée à un poète chinois de la fin du VIIe siècle, Wang Wei. Ce message s’inscrit dans une graphie sculptée, réalisée en mousse de polyuréthane recouverte de peinture acrylique, aussi improbable à déchiffrer qu’esthétique. Un texte qui pour l’artiste « devient la métaphore du temps nécessaire au déchiffrement du monde ».

Tania Mouraud, « Deuxlarmessontsuspenduesàmes yeux », Collège des Bernardins 2012/Photo DB

Un déchiffrement du monde auquel le Collège des Bernardins participe à sa façon au fil des manifestations organisées dans le cadre de Questions d’artistes, une programmation de création contemporaine – arts plastiques, arts vivants, musique – qui est souvent l’occasion de belles et intéressantes découvertes. (2) Car, comme le souligne Hervé de Vaublanc, le directeur de la programmation, « Les artistes nous mettent en situation de recherche active ; chaque nouveau langage invite à une remise en cause de nos repères, une autre relation à nous-mêmes »…

La nef du Collège des Bernardins avec sa librairie/PhhotoDB

(1) in Questions d’artistes, janvier/juillet 2012, collection des Bernardins.
L’installation Ex croissance, présentée à Rurart de janvier à Avril 2010 était assez emblématique de la démarche de Blazy : des murs couverts de concentré de tomates et des briques de paille humidifiée enrobées de plastique noir ont surgi au fil des jours moisissures colorées et pleurotes, dans un enchevêtrement à la fois fascinant et inquiétant, attirant et répulsif… Une version Ex croissance 2 est actuellement présentée dans une salle des Beaux-Arts de Montpellier jusqu’au 8 juin 2012.

 (2) Comme l’artiste Judith Scott et ses Objets secrets enfouis dans des sculptures textiles obsessionnelles,  ou la danseuse Eszter Salamon, avec sa performance solo Dance for Nothing réalisée à partir d’une conférence de John Cage.

Le Collège des Bernardins,  20 rue de Poissy – 75005 Paris

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