Vue sur « la mer toujours recommencée » avec Jules Dupré au musée de l’Isle-Adam.

affiche-marines-dupreAvec les marines de Jules Dupré (1811-1889), c’est un aspect peu connu de l’oeuvre du peintre – surtout admiré pour ses paysages champêtres – que nous invite à découvrir le musée d’art et d’histoire Louis Senlecq. Emprunté à Paul Valery, le titre de l’exposition, La mer toujours recommencée, traduit bien la mélancolie et l’inquiétude métaphysique qui transparait dans les oeuvres rassemblées à l’Isle-Adam.

À voir jusqu’au 13 avril 2014. 

Si le musée Senlecq  détient la troisième collection d’oeuvres de Jules Dupré après le Louvre et le musée de Reims, c’est en vertu du lien entre l’artiste et l’Isle-Adam, ville dont son père était originaire et où lui même est venu s’installer en 1850. Un lien entretenu par une politique d’acquisition qui a notamment permis au musée, en 2011, d’enrichir sa collection  d’un tableau, Environs de Southampton, peint en 1835 et  considéré comme le chef d’oeuvre de la période anglaise de Dupré. Cette toile constitue aujourd’hui le fleuron du musée qui a inauguré en novembre 2012  une nouvelle salle d’exposition permanente consacrée à Jules Dupré et aux peintres des bords de l’Oise.

Jules Dupré, "Environs de Southampton", 1835 © Henri Delage / Musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq

Jules Dupré, « Environs de Southampton », 1835 © Henri Delage / Musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq

Et c’est à juste titre qu’elle figure dans la première salle de l’exposition, car, qu’il soit maritime ou champêtre, le paysage que peint Dupré est une quête poétique et métaphysique. « Quand je regarde un tableau, le sujet m’est égal, je me demande où est l’idée, ou est la poétique, ou est l’homme« , confie-t-il. (1)

Au nombre des admirateurs de l’artiste on trouve Van Gogh qui voyait en lui « un frère de Delacroix« , comme on peut le lire dans l’extrait d’une lettre écrite en 1885 et mentionné en regard du tableau Soleil couchant sur la mer (2) :

Jules Dupré, "Coucher de soleil sur la mer"© Henri Delage

Jules Dupré, « Coucher de soleil sur la mer »© Henri Delage

« Jules Dupré est bien, en matière de paysage, ce qu’est un Delacroix. Quelle diversité énorme d’atmosphères il a exprimée par la symphonie de ses couleurs. C’est tantôt une marine avec les verts bleus les plus tendres, le bleu rompu de toutes sortes de tons perlés, tantôt c’est un paysage d’automne avec des feuillages qui vont du rouge vin profond jusqu’au vert violent (…). Des couleurs, vraiment, qui ont l’air d’avoir des choses à se dire. J’ai toujours été enthousiaste de Jules Dupré; avec le temps sa valeur sera plus appréciée encore qu’aujourd’hui. Car c’est un authentique coloriste, toujours intéressant, avec quelque chose si puissant, si dramatique. Oui, c’est bien un frère de Delacroix« .

C’est surtout à partir de 1865, date à laquelle Jules Dupré acquiert une maison à Cayeux-sur-Mer dans la baie de Somme, que l’inspiration maritime devient prédominante. Plus de 150 tableaux relevant de ce thème figurent dans le catalogue raisonné de son oeuvre.

Jules Dupré, "Orage en mer" © Henri Delage / Gustave Courbet, "Vague" © DR

Jules Dupré, « Orage en mer » © Henri Delage / Gustave Courbet, « Vague » © DR

Si Jules Dupré, qui a étudié la peinture hollandaise,  apprécie tout particulièrement les marines et vues de port de Jan Van Goyen (1596-1656), il est également grand admirateur de la série des Vagues de son contemporain et ami Gustave Courbet (1818-1877) qu’il a reçu plusieurs fois à l’Isle-Adam. Sans la fièvre de la matière qui apporte vibration et mystère aux tableaux de Courbet, ceux de Dupré « s’affirment par leur dimension dramatique« . On peut voir dans ses bateaux perdus dans l’immensité de la haute mer une évocation  de  » la destinée humaine« …

Auguste-Marie Boiulard, "Portrait de Jules Dupré deux mois avant sa mort",  Musée Louis Senlecq © db

Auguste-Marie Boulard, « Portrait de Jules Dupré deux mois avant sa mort », Musée Louis Senlecq © db

Jules Dupré eut un unique élève, Auguste-Marie Boulard (1825-1897), dont on peut voir quelques peintures, aquarelles et dessins dans l’exposition; avec une préférence, dans les peintures, pour les portraits.

Les oeuvres rassemblées à l’occasion de La mer toujours recommencée proviennent en grande partie des collections du musée de l’Isle-Adam, mais aussi de ceux de Rouen, Reims, Évreux et Lisieux, ainsi que de collections privées.  C’est une nouvelle occasion de saluer le travail de Anne-Laure Sol, qui, avec sa petite équipe et des moyens limités, poursuit, au rythme de deux expositions par an, une politique cohérente et ambitieuse au service de la double vocation d’art et d’histoire du musée qu’elle dirige depuis 2009. (3)

Enfin, on ne négligera pas de profiter de la venue à l’Isle-Adam, pour aller flâner sur les rives de l’Oise, auxquelles l’hiver donne un certain charme, en écho à la collection du musée…

L'Oise à l'Isle Adam © db

L’Oise à l’Isle Adam © db

(1) Lettre à Jules Clarétie, 1879
(2) Cette huile sur toile peinte par Jules Dupré vers 1870 a été acquise en 2009 par la ville de l’Isle-Adam avec l’aide du FRAM Île-de-France.
(3) Avec une fréquentation annuelle de quelque 16 000 visiteurs.
 Pour notre part, on lui doit, entre autres, la découverte de l’artiste inclassable Clovis Trouille avec l’exposition Voyous,Voyants, Voyeurs, Clovis Trouille et ses amis (2009), ainsi que le beau parcours dans l’oeuvre gravé de Christine Bouvier,  avec Ce que l’oeil ne voit pas – gravures de Christine Bouvier (2011).

Musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq
31 Grande Rue 95290  L’Isle-Adam
01 34 69 45 44

Cet article, publié dans Culture, est tagué , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire